lundi 30 décembre 2013

1984 – Huit morts au mètre-carré

1984 – Huit morts au mètre-carré
Canzone française – Huit morts au mètre-carré– Marco Valdo M.I. – 2012
Histoires d'Allemagne 85

An de Grass 84

Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.



Huit morts au mètre-carré... Voilà bien une façon bizarre de mesurer les choses. Que mesures-tu ainsi, Marco Valdo M.I. mon ami ? N'était-ce pas un champ de bataille ? N'était-ce pas un lieu de guerre ? Ne sont-ce pas des hommes ?

Évidemment que c'est tout cela. Mais ce n'est pas moi qui mesure, c'est la réalité... Notre narrateur nous emmène à Verdun cette année-là, en mil neuf cent quatre-vingt-quatre. Le Chancelier allemand, du moins celui de la Fédérale, l'énorme monsieur Kohl...

Khôl, tiens, on dirait le nom d'un mascara...

Voyons, Lucien l'âne mon ami, on ne se joue pas comme ça du nom d'un Homme d'État...

Certes, Marco Valdo M.I. mon ami, mais le narrateur ne fait-il pas pareil quand il parodie la chanson enfantine des éléphants, celle qui dit :

Un éléphant se balançait, se balançait
Sur une assiette de faïence
Et comme cela l'amusait, oui, l'amusait
Avec un autre il recommence.

Deux éléphants...


Évidemment. Cependant, cette Histoire d'Allemagne traite d'un immense massacre... Plusieurs centaines de milliers de morts sur trente-cinq kilomètres-carrés. On en retrouve encore près de cent ans après ; on retrouve même encore des obus, des armes, des mines... Et donc, notre narrateur est comme il est habituel dans ces Histoires d'Allemagne, une personne allemande. Cette fois, il accompagne le Chancelier Kohl dans la visite historique qu'il fit au site de cette bataille de Verdun. Une bataille terrible qui dura, dura... dura le temps d'une gestation... Près de dix mois... Visite au cours de laquelle le chef du gouvernement allemand rencontra le président, Mitterrand, chef du gouvernement français. Saluts et Gloire à nos morts ! Lesquels ? Et tout ce tralala patriotique pour des gens qui se seraient bien passé de finir à la boucherie. Mais notre narrateur ne s'arrête pas là... Il constate plusieurs choses qu'on peut résumer sous le terme cru d'attraction touristique. Voilà, reflet de la société des loisirs et de la consommation de masse, Verdun est pour une bonne part devenu un lieu où défilent les touristes – par cars entiers, comme dans n'importe quel lieu phagocyté, parasité par le commerce : ainsi en va-t-il du Parthénon, du Colisée ou de Disney World. Pour en revenir à Verdun, on y visite les champs couverts de morts... et l'ossuaire en forme d'obus où l'on voit – au travers de vitrines – les crânes et les os de plus de cent mille soldats français...


Ossuaire et tour obus
Verdun




Comme s'ils ne pouvaient pas laisser ces morts tranquilles, il faut encore les exploiter. C'est assez ignoble, dit Lucien l'âne en baissant le crâne rien que d'y penser... Je n'ose imaginer ce qui doit se passer dans certaines têtes...

Et tu verras aussi, dit Marco Valdo M.I. d'un ton informatif, qu'au delà des discours de réconciliation, notre narrateur pointe des différences de traitement en ce qui concerne les massacrés : les uns sont mieux traités que les autres. La tombe française a droit à un rosier... La tombe allemande a rien. Certes, c'est anecdotique... Tout comme cette histoire de tranchée où en 1918, à la fin des combats, les gars (des survivants) se sont salués d'un côté à l'autre : « Allez... Salut ! À la prochaine ! ». Sans doute anecdotique, mais un peu plus de vingt ans après, on remettait ça.

Fâcheuse habitude que la guerre militaire, dit Lucien l'âne pensif, mais ce n'est jamais que le prolongement de la guerre civile souterraine, permanente, sournoise que les riches font aux pauvres depuis tant de temps... la Guerre de Cent Mille Ans.

plus de vingt millions d'obus sur ce petit coin de terre...



Imagine, mon ami Lucien l'âne... Imagine à Verdun, combien de canons, combien d'obus... Et des gros, des très gros. On parle de plus de vingt millions d'obus sur ce petit coin de terre... La Cote 304, ainsi nommée car au départ, c'était une belle colline haute de 304 mètres, a fini la bataille à 297 mètres... Même les collines étaient écrasées... Bon, il y eût 5000 canons, vingt millions d'obus... On fait vite un calcul et on tire deux conclusions. Un : ce sont eux (les obus et les canons) qui ont gagné la bataille, c'est le matériel qui l'a emporté – les humains se terraient où ils le pouvaient sous une telle pluie d'acier, de phosphore et de phosgène [ http://fr.wikipedia.org/wiki/Gaz_de_combats_de_la_Première_Guerre_mondiale et http://multiple.kcvs.ca/chemical_weapons/4phosphene.html] et donc, deux : l'industrie d'armement, les aciéristes (Krupp, par exemple – celui-là même qui financera la venue au pouvoir d'Adolf Moustache ; Schneider, par exemple... les fameux marchands de canons – voir la chanson de Boris Vian [[317]] ) en ont tiré des profits colossaux.

Et si tu veux mon avis, ça continue... Continuons donc notre tâche sans désemparer et tissons le suaire de ce vieux monde toujours en guerre (de cent mille ans), militariste, aciériste, touristique, mercantile et cacochyme. (Heureusement !)



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Devant l'ossuaire et sa tour-obus
Des autocars débarquent les tribus
Tibias et crânes sont tristes
Verdun ! Attention ! Touristes !

Un homme d'État saluait, oui saluait
Sur un morceau de terre de France
Et comme cela l'émouvait, oui l'émouvait
Avec un autre, il recommence

Deux hommes d'État se saluaient, oui se saluaient
Sur un morceau de terre de France
Et comme cela les émouvait, les émouvait
Un peu plus loin, ils recommencent

Le Président et le Chancelier
Le Sphynx et la Masse
Prêts à méditer
Face à face

Le Président à Douaumont : Gloire à nos morts !
N'est-il pas temps de réconcilier les deux bords ?
Le Chancelier à Consenvoye : Gloire à nos morts !
Attention dans ces coins-là, il y a des mines encore.

Les croix blanches françaises et leurs rosiers
Les croix noires allemandes sans fleurs
Malgré la poignée de mains des conciliateurs
Continuent encore à s'affronter

On compta dans chaque camp
Les cadavres par centaines de milliers
Ils étaient Français, ils étaient Allemands
Au moins huit morts au mètre-carré

Un homme d'État saluait, oui saluait
Sur un morceau de terre de France
Et comme cela l'émouvait, oui l'émouvait
Avec un autre, il recommence

Deux hommes d'État se saluaient, oui se saluaient
Sur un morceau de terre de France
Et comme cela les émouvait, les émouvait
Un peu plus loin, ils recommencent

Devant l'ossuaire et sa tour-obus
Des autocars débarquent les tribus
Verdun ! Attention ! Touristes !

Tibias et crânes sont tristes

1985 – Les Années Quatre-Vingt

1985 – Les Années Quatre-Vingt

Canzone française – Les Années Quatre-Vingt – Marco Valdo M.I. – 2012
Histoires d'Allemagne 86

An de Grass 85

Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.





Les années quatre-vingt ? Les années quatre-vingt, oui, mais de quel siècle ? Sans doute du siècle dernier, je suppose, car tu ne l'as même pas précisé. Qu'y a-t-il à dire sur ces années quatre-vingt ? Car souviens-toi, il y eut parmi les années quatre-vingt : quatre-vingt neuf, c'était au dix-huitième siècle – après Zéro, vu que le premier siècle se compte de Zéro à quatre-vingt dix-neuf ou à nonante-neuf, c'est selon et que donc, de cent à deux cents, on parle du deuxième siècle... et ainsi de suite. Donc, le quatre-vingt neuf du dix-huitième siècle se note 1789... C'était l'année de La Révolution. Tu sais celle avec les enfants de la patrie, du jour de gloire, de l'étendard sanglant de la tyrannie, etc. Ou alors, quatre-vingt treize... C'est toujours le dix-huitième siècle et encore plus révolutionnaire... 1793. Aux armes, citoyens ! Et tout le saint-frusquin. Si tu m'avais dit soixante-dix... Là, c'était autre chose, on était dans le dix-neuvième siècle et on s'entretuait joyeusement du côté de Sedan (entre autres) et bien entendu, on pense à La Commune. Tout comme l'An Quarante lui se situe dans le vingtième siècle et c'est lui qui rappelle la plus grande boucherie de tous les temps. C'est à l'évidence une affaire lointaine... On a connu bien d'autres guerres depuis.


Deux ou trois remarques à propos de tes propos, Lucien l'âne mon ami. J'apprécie beaucoup que tu comptes – enfin ! – à partir de Zéro. Qui était Zéro, en fait, on s'en tape. Mais la chose est – surtout si Zéro n'est rien et de surcroît, rien d'autre que lui-même, le point de départ absolu – donc, la chose est plus objective et plus solidement fixée que lorsqu'on accroche le temps à un personnage à l'existence et aux allures incertaines. Entre nous soit dit, et j'espère bien que tu n'iras pas le répéter urbi et orbi, ce gars-là devait être sérieusement atteint pour se prendre pour le tiers d'un Dieu...


Ah, Ah, dit Lucien l'âne, comme tu vois, il n'était pas la moitié d'un...


Bref, il a raconté n'importe quoi... Tandis que Zéro lui ne dit rien, ne revendique rien et se contente de fixer le point de référence... Ensuite, pour ce qui concerne l'an quarante et la Guerre de Quarante qui s'ensuivit et les autres guerres qu'on aurait connues depuis, je reste persuadé qu'on ne l'a jamais terminée et qu'elle continue aujourd’hui encore... L'An Quarante est toujours d'actualité. Dans la version militaire, cette guerre se déplace sur le corps de la Terre ; elle disparaît ici, elle reparaît là-bas... Elle court, elle court... Mais c'est toujours la même, c'est la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres afin d'en extraire plus de profits encore, d'accroître leur domination, d'étendre leur emprise, de faire prospérer leurs richesses et d'assouvir leurs plus stupides caprices. Elle est tirée par ces deux pénibles et insupportables haridelles que sont Cupidité et Avidité.


Oui, sans doute, je ne peux pas les piffer celles-là. Mais finalement, de quelles années quatre-vingt s'agit-il ?, demande Lucien l'âne en raclant le sol d'un sabot exigeant.


Ce sont bien évidemment, celles du siècle dernier ; quant à la chanson elle-même, elle concerne une des années quatre-vingt, l'An de Grass quatre-vingt cinq. Cette année 1985 est décrite par une Mamie bien des années plus tard... De ses souvenirs, il résulte que pour elle – la mamie, il n'y avait que les feuilletons et la télévision...


Et ce n'est pas faux... les humains en sont encore là...


Certes, certes, Lucien l'âne mon ami. Pour la canzone, tu te souviens qu'habituellement dans ces Histoires d’Allemagne, chacune est fondée sur le récit d'un narrateur. Cette fois, on a droit à une double narratrice : la Mamie en question et sa petite fille qui l'interroge en vue de préparer son mémoire de fin d’études. À l’époque, chez nous, on appelait le niveau d'études, une licence ; mais Europe oblige, c'est de venu une maîtrise et pour ceux qui se piquent d'anglomanie galopante, un mastère, mot qui, soit dit en passant, en rappelle furieusement un autre : water (abréviation de water-closed) que Queneau avait orthographié : Ouatère.


On ne saurait l'ignorer, dit l'âne Lucien en hoquetant de rire.


Donc, la petite demoiselle (ici, « ma chérie ») rencontre sa grand-mère (ici, « Mamie ») pour obtenir quelques éléments pour son mémoire intitulé : « Le quotidien des seniors ». Et ce qui en ressort, tu le verras dans la chanson... Ces braves vieilles finissent leur vie devant la télévision en avalant force feuilletons et en subissant l'interminable va et vient des balles de tennis. Bref, vu du côté des seniors, le progrès faisait déjà rage. On s'ennuyait ferme dans les appartements et les pavillons de banlieue.




Boris et Steffie : La Passion de Madame Scholz


Ça n'a pas changé... C'est sûr... C'est dur d'être des seniors dans un monde malade de sa jeunesse, atteint de jeunisme chronique, en quelque sorte et de plus, envahit par les téléviseurs. En somme, quand on est remisé au rang des seniors, arrivé à un certain moment, on s'entraîne au rôle futur de macchabée, celui-là même auquel Tonton Georges fait allusion dans les Quatz'Arts, celui de la chanson connue de tous les étudiants...de France, de Navarre et d'ailleurs. Et, dit Lucien l'âne secoué par un fou-rire mal dissimulé sous son poil noir luisant, moi aussi, je la connais cette chanson et je vais même te la chantonner...

Dans un amphithéâtre
Dans un amphithéâtre
Dans un amphithéâtre
-phithéâtre
-phithéâtre
-phithéâtre
Tsoin-tsoin.
Il y avait un macchabée
Il y avait un macchabée
Il y avait un macchabée
macchabée
macchabée
macchabée
tsoin-tsoin
Ce macchabée disait
Ce macchabée disait
Ce macchabée disait
Il disait
Il disait
Il disait
tsoin-tsoin
Ah! ce qu'on s'emmerde ici
Ah! ce qu'on s'emmerde ici
Ah! ce qu'on s'emmerde ici
-merde ici
-merde ici
-merde ici
tsoin-tsoin »


Bref, dit Marco Valdo M.I. de l'air le plus docte qui soit, les vieux s'entraînent à s'emmerder pour l’éternité, sauf évidemment si leur karma leur offre mille résurrections sous les formes les plus diverses... En clown, en matou ou en bonobo, par exemple.


Et même, en âne...On en connaît à qui telle résurrection est arrivée. Mais que tout ceci ne nous empêche pas de perpétuer notre tâche qui, je le rappelle, est de tisser, tisser, tisser encore et toujours le linceul de ce vieux monde emmerdant, étouffant, télévisuel et pour tout dire, feuilletonesque et cacochyme.


(Heureusement !)



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Dis-moi, dis-moi, dis-moi, Mamie,
Oui, oui, oui, quoi, ma chérie ?
Pour mes études, je dois faire un mémoire
Et je compte beaucoup sur ta mémoire
Que buvait grand-papa ? De la bière ou du vin ?
Il avait fait la guerre. Où était-il en quarante-trois ?
Comment c'était dans les années quatre-vingt ?
Les jeunes avaient-ils un emploi ?
Allaient-ils longtemps soldats ?
Les gens rencontraient-ils le bonheur ?
Y avait-il autant de chômeurs ?
On avait une auto, des congés, mais pas d'ordinateur.



Dis-moi, dis-moi, dis-moi, Mamie,
Oui, oui, oui, quoi, ma chérie ?
S'il te plaît, raconte-moi ton histoire
J'ai vraiment envie de savoir
Ô Mamie, n'était-ce pas mieux autrefois ?
Tu sais, ma chérie, Grand-Père n’était plus là
Je travaillais à mi-temps pour finir le mois
Et mes jambes n'en voulaient plus trop déjà
Finies les grandes ballades, finies les courses
Fini, le shopping et tout le tralala
Mamie, Mamie, les banques, la bourse ?
Celles-là, ma chérie, dictaient déjà la loi.


Dis-moi, dis-moi, dis-moi, Mamie,
Oui, oui, oui, quoi, ma chérie ?
Et les journées, tu faisais quoi ?
Avec madame Scholz, la voisine
On regardait la télé dans la cuisine
On se passionnait pour les feuilletons
Que pouvait-on faire d'autre, dis-moi ?
Qu'aurait-on fait sans la télévision ?
On regardait le tennis, je n'aimais pas ça
Ce va et vient, pendant des heures parfois.
Madame Scholz, Boris et Steffi, c'était sa passion.

Et puis, il y a eu la Glasnost qui venait du froid.

1986 – Césium oblige

1986 – Césium oblige



Canzone française – Césium oblige – Marco Valdo M.I. – 2012
Histoires d'Allemagne 87

An de Grass 86

Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.



Wackersdorf festival



Césium oblige... En voilà un titre, dit Lucien l'âne en se raidissant de tout son poil. On dirait un machin atomique, on se croirait, je ne sais pas moi, dans un cours de physique, dans un laboratoire ou dans un centre de recherches...


Mais c'est précisément de ça qu'il s'agit. Enfin, presque. De ça et de concerts, de méga-concerts de protestation contre le retraitement nucléaire, contre le centre et l'usine qu'on voulait installer à Wackersdorf dans le Haut-Palatinat, quelque part en Bavière. Forcément en Bavière, compte tenu de l'énorme poids du sieur Franz-Josef Strauss. Je parle de son poids politique évidemment... Il avait beau être repoussé dans sa Bavière, il n'en restait pas moins un des hommes les plus influents de l'Allemagne... et pas seulement Fédérale, comme on l'a vu précédemment.


Ah, Franz-Josef, encore lui... Rien d'étonnant avec de tels prénoms qu'il se soit pris pour un empereur...


L'histoire, car il s'agit d'une de nos Histoires d'Allemagne, celle de l'année 1986, cette histoire est contée par un personnage, qui pourrait bien, cette fois, être Günter Grass lui-même. Car le raconteur a l'air de s'y connaître en champignons... Mais ce n'est pas lui-même, car ce grand-père militant anti-nucléaire au temps de Tchernobyl (là, ce pourrait encore être lui qui sectionne les fils des clôtures à la cisaille ... Il avait fait la guerre tout de même) se trouve dans une maison de retraite... Ce qui n'est – à ma connaissance – pas le cas de notre écrivain. Pour en revenir à notre Histoire et à Wackersdorf, on peut résumer l'affaire ainsi : Franz-Josef Strauss avait combiné avec les électriciens nucléaires d'Allemagne (on parle bien évidemment des patrons de l'industrie nucléaire) d'installer quelque part en Bavière une usine de retraitement des déchets radioactifs. Mais le secret fut éventé et sous une impulsion écologiste, une résistance se mit en place et la protestation chercha des modes (pacifiques) d'intervention. C'est là que l'on vit arriver des foules de gens qui, d'année en année plus nombreux, campèrent pendant l'été autour du chantier de construction de l'usine. Pour attirer du monde et distraire les militants, on organisa des concerts avec des groupes musicaux et des artistes eux-mêmes protestataires... Cela fit boule de neige et l'année de Tchernobyl, ils étaient cent mille à Wackersdorf. (http://vimeo.com/26976026)





Je sais, je sais, je me souviens moi aussi, je suis passé par là, cette année-là. Il y avait une de ces ambiances... Je ne te dis pas..., dit Lucien l'âne en balançant de tout son poitrail. On chantait Lisa, Denn Sie Brauchen Keinen Führer, Nemm Mich Met et plein d’autres choses. Mais il y avait aussi de l'action, de la castagne... les flics étaient d'une virulence ; bref, ça cognait.







Ça cognait dur, en effet. Comme dans tous les grands mouvements où sont mis en cause de grands investissements, où grouillent les affairistes... Il y a des commissions qui risquent de se perdre, il y a beaucoup, beaucoup d'argent en jeu... Et des gens puissants vivement intéressés... Alors, pour défendre tout ça, on envoie les chiens...


Oh, je déteste ces chiens-là, dit Lucien l'âne en montrant les dents. Mais dis-moi la suite...


La suite de l'affaire... La bataille dura encore deux ans... Jusqu'à la mort de Franz-Josef Strauss où tout s'arrêta subitement. En Allemagne, plus de retraitement... On fit l'usine en France... en bord de mer. Il faut de l'eau, beaucoup d'eau... Depuis, à Wackersdorf, on a quand même installé un centre scientifique... Mais plus nucléaire, apparemment.




Vois-tu, Marco Valdo M.I., moi, dans tout ça, ce qui me révulse, c'est qu'il y a toujours derrière ces intentions généreuses de construire de grandes choses : des centres de retraitement nucléaire, des centrales atomiques, des tunnels pharaoniques, des gares titanesques... de sordides intérêts qu'on fait primer sur le bien public et au détriment et aux frais des populations. Et pas seulement en Allemagne... Et c'était déjà le cas à Athènes du temps d'Aristophane où Criton fournisseur de bois poussait la Démocratie au combat maritime... à la construction de trières, de trières, de trières... pour lesquelles, en effet, il fallut trouver du bois, du bois, du bois... C'est ce que déjà à cette époque-là, on appelait la démocratie. Moi, rappelle-toi, j'ai vu tout ça en passant de mon petit pas, tranquillement. Ainsi, j'ai idée que je sais pourquoi, et je le savais déjà au temps de Socrate avec qui j'en ai parlé (si, si, on dialoguait déjà en ce temps-là), je sais donc pourquoi il nous faut tisser le linceul de ce vieux monde nucléaire, atomique, prébendier, corrompu, répressif, démentiel et cacochyme.

Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Sans se soucier de rien, ni de personne sans se faire de bile
Le nuage baladeur venu de Tchernobyl
Césium oblige, voguait par dessus les frontières
Et ne s'arrêta qu'arrivé au Rhin, passé la Bavière
Stop ! Secret défense !
Il ne pénétra pas dans le ciel de France
Mais qui donc a pu croire çà ?
Hors de France, pas un chat !

Il ne faut pas jouer avec le feu
Grand-mère le criait à la ronde
Un coût faramineux
Et pas perdus pour tout le monde
Mille milliards de dollars
Mille milliards, mille milliards
Un quart de siècle plus tard
C'est toujours une fameuse histoire


Nous, cette année-là dans le Haut-Palatinat,
On regardait le nuage avec un certain émoi
En plus, on nous annonçait le retraitement
Une belle usine, en Bavière, évidemment
Franz-Josef Strauss régnant
Mais à Amberg, de ce temps
Le juge Wilhelm était contre le retraitement
Face à Wackersdorf, on planta notre camp.


On se battit comme des lions
Les flics nous arrosaient de poison
Plutonium, piège à cons !
Le nuage salopait nos champignons
Le bolet bai, le bolet orangé, le bolet à chair jaune,
Le lactaire délicieux, la petite chanterelle, la pauvre girolle
Pour le meilleur, pour notre cèpe, ce fut bien pis.
Le coprin chevelu et l'armillaire n'ont rien senti


La mort de Franz-Josef, deux ans plus tard,
Envoya tout au rancart.
L'atome s'est retraité en France
À Wackersdorf, plus de concerts, plus de résistance
Plus aucun des cent mille manifestants
Ma famille et mes petits-enfants
Ne vont plus aux champignons, on les comprend

C'est ainsi que la tradition fout le camp.

dimanche 29 décembre 2013

1987 – Calcutta, ô Calcutta !

1987 – Calcutta, ô Calcutta !



Canzone française – Calcutta, ô Calcutta ! – Marco Valdo M.I. – 2013
Histoires d'Allemagne 88
An de Grass 87

Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.

Un petit video sur Calcutta : http://www.youtube.com/watch?v=J-cTrLQB7GY








Calcutta, ô Calcutta !... Quel cul t'as ! Ô Quel cul t'as ! Je t'en prie, avec un titre pareil, on croirait que tu es devenu pornographe, dit Lucien l'âne en levant un œil froid comme un vent de Sibérie. Tu ne vas quand même pas me dire que tu te complais à de tels jeux de mots laids ?


Je n'ai certes rien d'un cycliste et Günter Grass encore moins... Je sais bien qu'un tel titre renvoie d'une certaine façon à Clovis Trouille, à son fameux tableau et à la comédie musicale déshabillée qui s'ensuivit aux Zétazunis, puis à Paris. Et bien évidemment, qu'il y a là une évocation dont le but est d'établir un contraste avec la ville capitale du Bengale occidental. Mais cette évocation n'est venue que parce que l'Histoire d'Allemagne de l'année 1987, où le narrateur et un des protagonistes est Günter Grass lui-même, raconte précisément le voyage qu'il y fit avec Ute, son épouse.


Ah, je comprends mieux maintenant, dit Lucien l'âne en souriant de son piano à bouche. Mais parle-moi un peu de la canzone...


Et bien, Lucien l'âne mon ami, je m'en vais satisfaire ta demande. Tout d'abord, Calcutta en elle-même avec ses presque vingt millions d'habitants, ces quatorze universités, son fleuve gigantesque, ses ponts et ses gares démentiellement énormes et bondés... Calcutta justifie à elle seule une chanson, même si elle se fait par l'entremise d'un couple de voyageurs venus de l'autre côté du monde. Il n'y aurait que cette seule raison que ce serait déjà indiscutable.


À t'entendre, il y a autre chose...


Si fait. Il y a le grand retour de Fontane dans le monde de Grass par l'entremise (encore une) de Ute, qui meuble les temps morts du voyage et comble l'ennui qu'elle semble ressentir là-bas, par des lectures systématiques du grand écrivain huguenot. Ce retour de Fontane n'est pas innocent, car c'est de là que surgira un des grands romans de Günter Grass qui – quelques années plus tard – mit l'accent sur la dérive née de la chute du mur, qui dénoncera la destruction programmée de l'Allemagne de l'Est et de sa population – roman intitulé Toute une histoire (Ein weites Feld). Un roman dont Fontane est un des protagonistes et qui expose dans les détails tout le système de démolition de l'économie par le libéralisme et le développement concomitant du fameux « rêve d'Otto » (von Bismarck, c'est-à-dire la Grande Allemagne). On est là dans les débuts de ce qui se passe actuellement en Europe ; on y trouve le système, le régime ( et sa tristement célèbre et ubuesque Treuhand) qui pour le moment, écrase les Grecs, les Espagnols, les Portugais... En attendant les autres... Dis, Mère Grand, pourquoi tu as de si grandes dents ?, demandait le Chaperon rouge.


C'est pour mieux te manger... Je sais, je connais cela aussi. cependant, il y a tellement d'autres harmoniques dans cette chanson que si j'en distingue bien certaines, j'en pressens d'autres sans pouvoir véritablement les nommer. Je pense que comme pour bien d'autres de tes Histoires d'Allemagne et de tes canzones, il m'y faudra du temps, de la méditation et peut-être même, n'y arriverais-je jamais. Quoi qu'il en soit, Marco Valdo M.I. mon ami, reprenons notre tâche sans discontinuer et tissons, comme tu le fais si bien ici, le linceul de ce vieux monde phagocytaire, destructeur, parasite, vampirisé par les riches et la richesse et cacochyme.


Heureusement !


Marco Valdo M.I.




Calcutta, ô Calcutta
Kalikata, Kolikata, Kolkata
Calcutta, ô Calcutta
Kalikata, Kolikata, Kolkata

Calcutta, ô Calcutta
Mon pauvre ami, je m' ennuie déjà
Calcutta, ô Calcutta
Fontane est là pour remédier à tout ça

Calcutta, ô Calcutta
Je n'en suis plus, mon cher, à belle ou laide
Calcutta, ô Calcutta
J'en suis à homard ou écrevisse

Calcutta, ô Calcutta
Homard ou écrevisse, tout est question de dimension.
Calcutta, ô Calcutta
Impossible à Calcutta de trouver le bon ton

Calcutta, ô Calcutta
Entre ces mendiants qui dorment dans la rue à terre
Calcutta, ô Calcutta
J'en suis toujours, à blonde ou brune, ma chère,

Calcutta, ô Calcutta
C'est délicat ce choix entre deux bières
Calcutta, ô Calcutta
On ne saurait iouler ici si loin des monts de Bavière

Calcutta, ô Calcutta
Je rêve l'après-midi entier sous la moustiquaire
Calcutta, ô Calcutta
De splendeurs frigides et de courants d'air

Calcutta, ô Calcutta
Deux Bengales séparés si longtemps déjà
Calcutta, ô Calcutta
Kali calcule qu'on les réunira

Calcutta, ô Calcutta
Kalikata, Kolikata, Kolkata
Calcutta, ô Calcutta

Kalikata, Kolikata, Kolkata

1988 – L'année avant celle

1988 – L'année avant celle



Canzone française – L'année avant celle – Marco Valdo M.I. – 2013
Histoires d'Allemagne 89
An de Grass 88

Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.



Mon ami Lucien l'âne, je t'arrête tout de suite et je réponds par avance à ta sempiternelle question concernant cet étrange titre : « L'Année avant celle ». La réponse est d'une simplicité et d'une tautologie absolues : l'année 1988 précède l'année 1989. Je te dis ça pour que tu ne nous fasses plus perdre notre temps avec des questions oiseuses. Dès lors, comme tu le vois, 1988 est bien l'année avant celle...


Certes, dit Lucien l'âne un peu éberlué. J'admets volontiers que l'année 1988 est bien celle qui précède 1989... Mais en quoi cela explique-t-il ton titre nébuleux ? Résumons : qu'avait donc de si particulier pour une Histoire d'Allemagne, cette année après celle qui nous occupe... ?


Dans ces Histoires d'Allemagne, mon ami Lucien l'âne, il te souviendra que notre premier locuteur, c'est-à-dire l'écrivain Günter Grass, s'est constamment inquiété de l'existence de deux Allemagnes – la Démocratique et la Fédérale et plus encore de ce qui pourrait se passer si l'une prenait le pas sur l'autre dans le cas d'une éventuelle réunification. Et bien, 1989 est une année-symbole particulière en cette affaire... C'est elle : celle... Celle où tomba le mur, ou du moins, il tomba d'un côté. Car , comme tout le monde peut aisément s'en rendre compte, un mur a deux côtés. [7911] Et il ne manqua pas d'arriver ce qui arrive toujours quand tombe un mur d'un côté où il y a des gens... Cette catastrophe les a purement et simplement écrasés. C'était prévisible, mais on n'a pu y parer, comme il est apparu par la suite.


D'accord, dit Lucien l'âne en ouvrant grand ses yeux au velours noir, mais maintenant que tu as résolu la question du titre mystérieux, dis-moi ce que dit ta chanson...Qui la chante et de quoi elle parle... ?


Mon ami Lucien l'âne, tu poses la meilleure question qui soit en demandant qui la chante car c'est l'auteur lui-même, ce qui en fait une chanson à résonance biographique et même, autobiographique. On peut tout à fait bien comprendre la chose dès le deuxième vers... Car Ute est la femme de Günter Grass. Les amis de Dresde – ville située en Démocratique – sont définis comme un peintre très sérieux et une danseuse très gaie. Je ne peux t'en dire plus. Par contre, ce que je peux te dire, c'est qu'à l'époque quand on voulait aller de la Fédérale en Démocratique et vice-versa, il fallait avoir un visa. Quant aux Monts Métallifères, ce sont des montagnes qui sont traversées par la frontière, ici qualifiée d'autre frontière.


Pourquoi autre ?, dit Lucien l'âne en relevant le front froncé. Voici encore une énigme...


Invasion 1939




Car bien entendu, « la frontière » est celle entre la Démocratique et la Fédérale et que celle-ci ne peut être qualifiée que d'autre frontière. Cette autre frontière est celle entre l'Allemagne et la Tchécoslovaquie... Frontière qui sera franchie par des chars, comme il est dit dans la chanson. Une première fois en 1938 par des chars envahisseurs et l’autre fois, trente ans plus tard, par des chars aux intentions particulièrement amicales et fraternelles – qu'ils disaient. Pour la suite de la chanson Günter Grass lequel est d'abord un dessinateur et un sculpteur va raconter au travers de ses dessins « au fusain de Sibérie » la dégradation des forêts qu'il dessine... et il va évoquer de manière très écologiste la calvitie des montagnes d'Allemagne qui dès cette époque s'étendait, s'étendait... à toute l'Europe.







Mais, dis-moi, ne trouves-tu pas, Marco Valdo M.I. mon ami, que le refrain est un peu bizarre et décalé avec ses Crac, Zim, boum, tralala et patatras... Que vient-il faire dans cette histoire d'Allemagne ?


Mais voyons, Lucien l'âne mon ami, je trouve, pour ma part, que c'est le refrain le plus significatif qui soit, le plus percutant si l'on veut bien en voir la dimension politique... Il annonce les suites de la chute du mur et de la future réunification... Et si tu le lies à la « calvitie des montagnes d'Europe », il me semble carrément prémonitoire de la situation actuelle. Toujours cette mise en garde contre les dangers de la réalisation du rêve d'Otto (von Bismarck)... Danger qu'incarne actuellement l'ambition de la belle Walkyrie... Regarde d'ailleurs cette rengaine et regarde-la en pensant l'Europe :
« on fut d'abord tous en joie
Zim, boum, tralala
Et qu'on fut d'abord tous en joie
Zim, boum, tralala
Avant de retomber encore plus bas
Crac, boum, patatras
Avant de retomber encore plus bas
Crac, boum, patatras »


Donc, Marco Valdo M.I. mon ami, pour paraphraser certaine maxime souvent évoquée ici – si j'ai bien compris – on dira : REGARDEZ CE QU'ILS ONT FAIT AUX ALLEMANDS , ILS VOUS LE FERONT DEMAIN... Les Grecs, les Portugais, les Espagnols commencent à en savoir quelque chose... Concluons cet épisode et reprenons notre tâche qui est, faut-il le rappeler, de tisser le linceul de ce vieux monde répétitif, destructeur, défolieur, catastrophique et cacochyme.

Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Dans la cabane de nos amis de Dresde
Avec Ute, on fit un séjour de l'autre côté
Dans la cabane de nos amis de Dresde
Avec un visa des démocratiques Autorités
Dans la cabane de nos amis de Dresde
Au cœur des monts Métallifères
Sur la route où passaient les chars de touristes
À quelques pas de l’autre frontière
Il y a cinquante ans dans les chars du chancelier Hitler
Sur la route passaient d'arrogants touristes
Il y a vingt ans dans les chars de l'Armée Populaire
Sur la route passaient de fraternels touristes

L'année avant celle où le mur tomba
Crac, boum, patatras
L'année avant celle où le mur tomba
Crac, boum, patatras
Et qu'on fut d'abord tous en joie
Zim, boum, tralala
Et qu'on fut d'abord tous en joie
Zim, boum, tralala
Avant de retomber encore plus bas
Crac, boum, patatras
Avant de retomber encore plus bas
Crac, boum, patatras

Je ne crois que ce qui se dessine
Je dessinais des troncs tords
Je ne crois que ce qui se dessine
Je dessinais des arbres morts
Je ne dessine que ce que je vois
Des pins renversés, des hêtres déracinés
Je ne dessine que ce que je vois
La mort des forêts, les bois assassinés
Bref, les forêts se mourraient
Pluies acides, maladies cryptogamiques
Ainsi, nos forêts se mourraient
Chlorose des résineux, destruction endémique



L'année avant celle où le mur tomba
Crac, boum, patatras
L'année avant celle où le mur tomba
Crac, boum, patatras
Et qu'on fut d'abord tous en joie
Zim, boum, tralala
Et qu'on fut d'abord tous en joie
Zim, boum, tralala
Avant de retomber encore plus bas
Crac, boum, patatras
Avant de retomber encore plus bas
Crac, boum, patatras

Dans le Haut Harz, au fusain de Sibérie
Sur mon papier granuleux, je dessinais tout cela
Dans le Haut Harz, au fusain de Sibérie
Sur mon papier granuleux, de haut en bas
Dans le Haut Harz, au fusain de Sibérie
Les abattus sur les pentes
Dans le Haut Harz, au fusain de Sibérie
Les essarts sur les crêtes
La calvitie des montagnes se propageait
Sans égard aux frontières, par dessus le rideau de fer
La calvitie des montagnes se propageait
À l'Allemagne, à l'Europe tout entière


L'année avant celle où le mur tomba
Crac, boum, patatras
L'année avant celle où le mur tomba
Crac, boum, patatras
Et qu'on fut d'abord tous en joie
Zim, boum, tralala
Et qu'on fut d'abord tous en joie
Zim, boum, tralala
Avant de retomber encore plus bas
Crac, boum, patatras
Avant de retomber encore plus bas
Crac, boum, patatras