1907
– Rappaport au rapport !
Canzone
française – Rappaport au rapport ! – Marco Valdo M.I. –
2013
Histoires
d'Allemagne 08
An
de Grass 07
Au
travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein
Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française
au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français
: Claude Porcell et Bernard Lortholary.
La Charmeuse de Serpents - Henri Julien Rousseau - 1907 ou L'invention de la musique |
Comme
tu le constateras, Lucien l'âne mon ami, j'ai conservé ci-après
notre conversation telle qu'elle se présenta le jour où j'ai achevé
cette Histoire d'Allemagne... C'était il y a un an, déjà. Donc, je
disais alors :
Mon
cher ami Lucien l'âne, tu me vois tout réjoui... Car, imagine-toi
que je te présente aujourd'hui la cent et unième de mes Histoires
d'Allemagne et comme je te l'ai peut-être déjà dit, il y en aura
en tout cent et deux. Autant dire que je vais bientôt terminer la
série que j'avais commencée il y a trois ans. Et bien évidemment,
ce n'est pas vraiment fini, car il me faudra maintenant revoir
l'ensemble et l'ordonner de façon cohérente et le présenter dans
le bon sens ; ce qui prendra encore des mois.
Mon
cher ami Marco Valdo M.I., je suis bien content pour toi que tu
arrives ainsi à la fin de cette geste assez contemporaine. Je suis
très content et en même temps, je me demande ce que tu vas bien
pouvoir faire ensuite.
Oh,
Lucien l'âne mon ami, je suis dans les mêmes dispositions d'esprit
et j'appréhende assez cette sensation de vide soudain qui s'annonce
au terme d'une pareille série. Mais je l'ai déjà connu ce moment
d'incertitude et j'imagine que comme les autres fois, la solution
viendra d'elle-même... sans que je sache trop d'où.
Cela
dit, si tu me parlais de la canzone, de cette avant-dernière
histoire d'Allemagne, car je ne sais toujours pas de quoi elle cause,
ni même qui cause...
Ah,
je vois que tu as bien perçu le mécanisme de ces histoires
d'Allemagne, qui chacune est présentée par un témoin, un
narrateur, lequel est parfois Günter Grass lui-même et la plupart
du temps, un narrateur différent dont il nous faut en quelque sorte
deviner ou découvrir l'identité. Parfois, comme ici, ainsi que tu
vas pouvoir t'en rendre compte, ce narrateur est un parfait inconnu
et le reste. En fait, malgré mes recherches, tout ce que je peux
t'en dire est – primo – qu'il se nomme Rappaport et – deuzio –
qu'il était employé de la D.G.G. ; en clair, de la Deutsche
Grammophon Gesellschaft et qu'il devait y occuper le poste de
responsable commercial, poste assez stratégique dans une société
dont le but était de développer un commerce de « gramophones » et
de disques. Et comme on l'a su depuis, une entreprise aux ambitions
mondiales. Enfin, cette histoire de Rappaport raconte le passage
d'une société où la musique, l'opéra et même, la chanson étaient
des événements éphémères, à une société où le son enregistré
a submergé jusqu'aux derniers replis la vie quotidienne de
(quasiment) tout un chacun. Sans son enregistré – en gros sans le
disque, par exemple – pas de radio, pas de cinéma, pas de
télévision... Et enseignement majeur de cette histoire, c'est que
sans les efforts de Rappaport (ou de tout autre personnage du même
acabit)... je n'arrive pas à imaginer ce que serait actuellement le
monde.
Sûr
qu'il n'y aurait même pas les Chansons contre la Guerre (C.C.G.),
s'esclaffe Lucien l'âne.
En
effet. Deux mots encore à propos d’Émile Berliner et de ses
ambitieuses entreprises... Je signale que si la DGG est son œuvre,
il faut savoir qu'il est aussi le fondateur de HMV – « His
Master's Voice » (La Voix de son Maître), si célèbre également
grâce à son chien Nipper écoutant le gramophone, portraituré par
le peintre Francis Barraud, un tableau de 1898. Pour en revenir à «
Rappaport au rapport ! », une de ses missions principales fut de
constituer le catalogue ; certes, il y avait le disque et le
gramophone, mais à quoi pouvait-il bien servir, de quoi allait-on
nourrir ce nouvel ogre musical et sonore; alors il fallut tout
inventer et en quelque sorte, imposer au public et dès lors, sa
mission fut aussi d'aller à la pêche aux artistes chantants. Il le
fit avec un grand succès ; à titre d'exemples, dans la chanson, il
cite : Melba : Nellie Melba
[http://www.youtube.com/watch?v=VGd7c4McSUc], une femme à voix ;
Fédor Chaliapine [https://www.youtube.com/watch?v=b3nOBw2UlkI], un
homme à voix de basse ; Enrico Caruso
[https://www.youtube.com/watch?v=t936rzOt3Zc], un autre chanteur à
voix, un ténor, cette fois ; et plus rare encore, Alessandro
Moreschi, l'Angelo di Roma
[https://www.youtube.com/watch?v=KLjvfqnD0ws], sans doute le dernier
des castrats et le seul « enregistré »... Depuis nous avons les
hautes-contre, mais ce n'est pas pareil.
Ah,
la voix humaine... C'est vrai qu'elle séduit...
Ainsi,
je vois que « Rappaport au rapport ! » et sa petite Histoire
d'Allemagne t'ont intéressé...
Certes
et il est en effet heureux que malgré tout, malgré les sordides
histoires d’argent, d'intérêt, de bénéfices... qu'on peut
deviner derrière ces belles inventions de l’humaine nation, envers
et contre les financiers âpres et coureurs de richesses, les
Berliners ensemble (Émile et Joseph) avec l'aide de « Rappaport au
rapport ! » ont donné cette nouvelle dimension au monde ; ont pu
contrer (au moins partiellement) l'éphémère, qui était la
destinée éternelle de la voix, de la musique et du son. Cela dit,
retournons à notre tâche qui est de tisser le linceul de ce monde
plein de bruit et de fureur et insignifiant, argenté, embanqué et
cacochyme.
Heureusement
!
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
« Rappaport,
au rapport ! »
Inventer
l'industrie musicale,
Une
aventure grandiose et pas banale
« Rappaport,
au rapport ! »
C'était
l'année du premier camp
Où
vingt garçons dans le vent
Sur
Brownsea Island, en Angleterre
Apprenaient
la paix d'un ancien militaire
Moi,
je m'appelle Rappaport
Eux,
mes patrons, les deux Berliner
Émile
et Joseph s'y connaissaient en affaires
Ils
disaient : « Rappaport, au rapport ! »
Depuis
vingt ans, ils faisaient des disques
Et
les gramophones pour les écouter ces disques
Au
début, Émile lui-même racontait et chantait
Et
il n'y a pas à dire, ça marchait.
Émile
avait d'abord inventé le microphone
Ensuite,
il inventa le disque et le gramophone.
Faut
dire qu'Émile l'aîné des Berliners
A
imaginé et développé toute l'affaire.
On
a commencé la musique un peu plus tard
C'était
un peu monotone toutes ces fanfares
Vite,
on en a sorti des millions de ces galettes noires
De
l'atelier de la Celler Chaussée à Hanovre
Mais
voilà, soudain, le berceau de la D.G.G a brûlé
Malgré
tout, on s'en est bien tiré
Et
puis, je le disais déjà à la ronde,
Avec
le gramophone et le disque, on réinventait le monde
Les
Berliners ensemble ont dit : « Rappaport, au rapport ! »
Il
nous faut des chanteuses, des basses, des ténors
J'ai
enlevé de haute lutte la « grande » Melba.
Une
charmeuse de serpents, cette femme-là
Et
les hommes ? « Rappaport, au rapport ! »
Fédor
la basse, Enrico le ténor
Et
Sandro, le dernier castrat
Tels
furent mes plus beaux exploits.
« Rappaport,
au rapport ! »
Inventer
l'industrie musicale,
Une
aventure grandiose et pas banale
« Rappaport,
au rapport ! »