1908
- Une tradition familiale
Canzone
française – Une tradition familiale – 1908 – Marco Valdo M.I.
– 2011
Histoires
d'Allemagne 9
An
de Grass : 8
Au
travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle »
(Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition
française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses
traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Wilhelm Martin Philipp Christian Ludwig Liebknecht |
Pas
facile ces histoires d'Allemagne, on dirait, dit Lucien l'âne en
regardant Marco Valdo M.I. avec une grande tendresse.
En
effet, il y a là beaucoup d'attention, beaucoup de choses à
découvrir, c'est un monde inconnu – ou en tous cas, peu connu de
moi – que je découvre. Je me demandais à quoi rimait tout ce
nouveau cycle, tout ce nouveau Giro dans le siècle passé. Que
pouvait bien signifier cette introspection poétique et d'une
certaine manière frénétique de notre passé simple et pourquoi
avoir ainsi choisi, délibérément choisi le kaléidoscope du père
Grass et dès lors, d'être en train de passer aux rayons les
viscères germaniques ? Une des réponses pourrait être que le
mouvement parti de Prusse, qui créa les Reichs – unifiant au
passage des gens aussi différents que les-dits Prussiens et les
Bavarois, sans compter les gens des vallées de Moselle et du Rhin ou
des sources du Danube, avec tous ses allers-retours, ses soubresauts,
ses errements monstrueux, ce mouvement séculaire serait peut-être
bien celui qui se continue aujourd'hui dans l'Europe. C'est sans
doute de cela qu'il est question. En somme, l'histoire ou les
anecdotes d'une parturition... Ce qui est assez semblable au texte
fondateur que sont les Vie et opinions de Tristram Shandy,
gentilhomme ( The Life and Opinions of Tristram Shandy, Gentleman) de
Laurence Sterne , dont tu sais tout ce que nous lui devons, le
dit-Sterne étant lui-même un de nos ancêtres.
Mais
enfin, Marco Valdo M.I. mon ami, ce ne sont après tout que des
canzones qu'on te demande... Et te voilà parti aux sources du Danube
et de l'Europe. Parle-moi plutôt de la canzone du jour et oublie un
instant tes divagations...
Bon
alors afin que tu t'y retrouves facilement, je vais te donner le topo
: l’histoire d'Allemagne du jour est racontée par un homme, né à
la fin du 19ième siècle – sans doute vers 1898 et évoque deux
trajectoires familiales en quelque sorte parallèles. Celle d'une
famille ouvrière, la sienne et celle d'une famille d'hommes
politiques pacifistes et communistes – les Liebknecht. C'est au
cours des meetings tenus par les Liebknecht des deux générations
que les destins des deux familles s’entrecroiseront. On y découvre
le personnage de Karl Liebknecht qui fut un des seuls députés
allemands à s'opposer à la guerre... Toute une histoire. Toute une
histoire où les vies des personnages se croisent en permanence et se
racontent l'une l’autre et en arrière-plan, on devine la montée
des périls, la venue des grands massacres guerriers. On verra aussi
le jeune garçon pisser sur le dos de son père... Mais aussi, on
comprend qu'il se retrouvera dans les boues de l'Artois vers 1915, où
il s'écriera en lui-même – comme tant d'autres : Liebknecht avait
raison.
Oui,
c'est certain Liebknecht avait raison... De crier partout « Non
à la guerre ! » C'est bien ce pourquoi il fut purement et
simplement assassiné d'une balle dans la tête, après toutefois
avoir été soigneusement torturé de même que sa camarade Rosa
Luxembourg par les corps francs socialistes et nationalistes... Cette
conjonction de nationalisme et de socialisme me paraît des plus
inquiétantes. Il me semble que cela présage un destin effroyable...
C'est
le mot... On y va tout droit à la catastrophe. Mais comme tu le sens
bien, nous sommes en plein dans le vortex de formation d'une de ces
tornades de la Guerre de Cent Mille ans que les riches font aux
pauvres pour renforcer leurs pouvoirs, leurs dominations, pour mieux
accroître encore et toujours leurs richesses... Comprendre cela
hier, c'est aussi pouvoir le comprendre aujourd'hui... Tel est aussi
le sens de ce gyroscope poétique.
En
somme, écrire ces canzones, c'est une manière, la tienne, de tisser
le linceul de ce vieux monde full of sound and fury, signifying
nothing et parfaitement cacochyme.
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht
Non, non et non à la guerre !
Oui, il avait parfaitement raison
Karl, qu'ils assassinèrent
Avec Rosa, un peu après la guerre.
|
Une
tradition familiale : le fils prolonge le père
C'était
comme ça chez nous au moins depuis grand-père
Et
pareillement, chez les Liebknecht
D'abord,
il y eut Wilhelm Liebknecht
Un
rude gaillard celui-là, un ami de Marx, à Londres, en Angleterre
Il
avait fondé le parti social-démocrate, le vieux Liebknecht
Et
la Deuxième Internationale ouvrière
Et
puis, il alla en prison à force d'être toujours contre la guerre
Il
n’aimait pas Bismarck et le Chancelier ne l'aimait guère
Ouvrier
aux chemins de fer et syndiqué, mon grand-père,
Emmenait
aux meetings de Wilhelm, son fils, mon père,
Lequel,
pareillement cheminot et socialiste, en avait gardé cette sentence
« L'annexion
de l'Alsace -Lorraine apportera la guerre ! »
De
là, à penser qu'il eût mieux valu la laisser à la France...
Dès
neuf ans, je vis Karl à la brasserie Felsenkeller
Karl
Liebknecht évidemment, le fils de Wilhelm, son père
Parler
de la grève générale, discourir contre la guerre.
Gamin,
je l'ai toujours vu le camarade, en l'air
De
haut, perché sur les épaules de mon père.
En
1907, je lui ai pissé dessus à mon père
Au
meeting de Liebknecht, je m'en souviens comme si c'était hier
De
la raclée aussi qu'il m'a foutue, ce soir-là, mon père.
Pacifiste
d'accord, mais très en colère.
C'est
dans la tranchée d'Arras que j'ai compris qu'il avait raison
De
crier dans les assemblées et au Reichstag : Non !
Non,
non et non à la guerre !
Oui,
il avait parfaitement raison
Karl,
qu'ils assassinèrent
Avec
Rosa, un peu après la guerre.
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