vendredi 4 juillet 2014

1926 - Le Bois de l'Empereur

1926 - Le Bois de l'Empereur
Canzone française – Le Bois de l’Empereur – 1926 – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires d'Allemagne 27


An de Grass : 26
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.

Le Kaiser débite des troncs dès le matin
Quant au petit bois, il l'éclate de sa main



Nous voici, Lucien l'âne mon ami, arrivés à l'année 1926. Cette année-là, cela faisait déjà sept ans que Wilhelm II, le Kaiser déchu avait dû se résoudre à l'exil et à se mettre sous la protection de sa parente Wilhelmine. Il lui avait demandé l'asile politique, elle le lui avait accordé et depuis, il vivait à Doorn. Il y mourra en exil, le 5 juin 1941. Ne sois surtout pas inquiet pour lui, il y vivait dans une sorte de château (Huisdoorn) avec une belle grande propriété autour, comportant notamment des bois. C'est son maître d'équipages qui est le narrateur. Comme tu le verras, Wilhelm II, en français tu t'en souviens certainement : Guillaume II, n'a toujours pas digéré l'armistice de novembre 1918, ni sa propre abdication, ni d'ailleurs, l'idée qu'il aurait perdu une guerre qu'il avait préparée depuis si longtemps, ni que l'Allemagne, qu'il incarne, aurait pu perdre la guerre.


Mais enfin, Marco Valdo M.I. mon ami, tout cela est bien infantile et terriblement égocentrique. On dirait même qu'il considère que lui et l’Allemagne ne font qu'un...


En effet, Lucien l'âne mon ami, c'est ce qu'il considère et dans le même temps, il s'en prend à d'autres à propos de cette capitulation. Selon lui, à peu près tout le monde est responsable de la défaite, excepté lui-même. Il va de soi qu'en cas de victoire, c'eût été l'inverse... C'eût été la preuve (une de plus) éclatante de son génie... C'est un monsieur « Je sais tout », je suis le meilleur de tous, tout ce que je fais est bien et si la réalité n'est pas celle que j'aimerais, c'est de sa faute, c’est la réalité qui a tort. Et d'ailleurs, si on m'écoutait...

Il me semble qu'il n'est pas le seul de ce genre dans ce monde de psychopathes. Par exemple, actuellement, on en trouverait un paquet de gens qui comme lui prétendent diriger leur entourage, leur région, leur pays, le monde, qui assurent être l’incarnation d'un peuple ou son élu ou son guide.


Le pire dans tout ça, vois-tu mon ami Lucien l'âne, ce n'est pas qu'ils soient aussi délirants, mais c'est qu'on les laisse faire et même plus grave encore, qu'on les croie... Je ne dis pas ça pour toi, bien évidemment, mais quand même, ils sont nombreux les adulateurs de ces déments. Et je ne sais trop qui, dans ce jeu de dupes, du flatté ou des flatteurs en tire profits. Tous sans doute, c'est un phénomène de biparasitisme symbiotique. Et comme concluait le bon La Fontaine... : Cette leçon, dit le renard, vaut bien un fromage, sans doute.


Comme je vois ou plutôt, comme j'entends, le narrateur, dit le compteur, nous fait part des ruminations de Guillaume II... En somme, grâce à cette chanson, on pénètre dans le monde des pensées et des arrières-pensées d'un de ces dictateurs, car finalement, il faudra bien les appeler par leur nom ces malades de pouvoir, ces gonflés d'auto-suffisance. Avec cette boulimie, cette avidité, on est au cœur de ce qui est le premier moteur de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches mènent obstinément contre les pauvres afin de satisfaire leur avidité, de nourrir leurs ambitions, de gonfler leurs richesses, de faire prospérer leurs privilèges... C'est pour mettre fin à tout cela, à la richesse étouffant la vie qu'il nous faut tisser le linceul de ce vieux monde insatiable, riche, ambitieux et cacochyme.


Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.



Quatre barres verticales, une en travers
Cinq arbres, cinq arbres par terre
Quatre barres verticales, une en travers
Cinq arbres, cinq arbres par terre

À Doorn, Guillaume II déchu soigne ses bosses
Moi, je m'occupe des voitures et des carrosses
Le Kaiser débite des troncs dès le matin
Quant au petit bois, il l'éclate de sa main
Pour chauffer la demeure et les dépendances
Il passe à la hache sa rage contre la France.
Moi, je fais le compte, je suis le compteur
Des arbres abattus par l’Empereur

Quatre barres verticales, une en travers
Cinq arbres, cinq arbres par terre
Quatre barres verticales, une en travers
Cinq arbres, cinq arbres par terre

Foi de compteur, j'en suis le témoin.
Sur mon carnet... Des milliers d'arbres
De sa main, couchés sur les chemins,
Je les ai comptés un à un, plus de douze mille arbres.
« C'est la faute à ce Ludendorff ! », crie-t-il en colère
Et puis au prince, aux ministres, aux partis
La faute aux Autrichiens et aux rouges aussi...
Un armistice. On n'a même pas perdu la guerre !

Quatre barres verticales, une en travers
Cinq arbres, cinq arbres par terre
Quatre barres verticales, une en travers
Cinq arbres, cinq arbres par terre

Et la guerre, dit-il, je ne l'ai pas voulue
C'est de l'étranger qu'elle est venue.
Un Kaiser de paix, voilà ce qu'il est
À chaque coup de hache, sa droite portait.
En ce moment, ça bouge pas mal au pays
L’Allemagne va se réveiller... Si aujourd'hui,
Ou demain, le peuple allemand
M'appelle... Je suis prêt à l'instant.

Quatre barres verticales, une en travers
Cinq arbres, cinq arbres par terre
Quatre barres verticales, une en travers
Cinq arbres, cinq arbres par terre

Mon abdication, ils me l'ont imposée
J'ai été lâché par ce Scheidemann et l'armée
Impossible de rentrer à Berlin
Les rouges tenaient les ponts du Rhin
Il ne restait plus qu'une chose à faire
Me tirer une balle ou passer la frontière.
Ici, à Doorn, on replante chaque année
On ne compte plus les souches éplorées.

Quatre barres verticales, une en travers
Cinq arbres, cinq arbres par terre
Quatre barres verticales, une en travers

Cinq arbres, cinq arbres par terre

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