dimanche 29 décembre 2013

1988 – L'année avant celle

1988 – L'année avant celle



Canzone française – L'année avant celle – Marco Valdo M.I. – 2013
Histoires d'Allemagne 89
An de Grass 88

Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.



Mon ami Lucien l'âne, je t'arrête tout de suite et je réponds par avance à ta sempiternelle question concernant cet étrange titre : « L'Année avant celle ». La réponse est d'une simplicité et d'une tautologie absolues : l'année 1988 précède l'année 1989. Je te dis ça pour que tu ne nous fasses plus perdre notre temps avec des questions oiseuses. Dès lors, comme tu le vois, 1988 est bien l'année avant celle...


Certes, dit Lucien l'âne un peu éberlué. J'admets volontiers que l'année 1988 est bien celle qui précède 1989... Mais en quoi cela explique-t-il ton titre nébuleux ? Résumons : qu'avait donc de si particulier pour une Histoire d'Allemagne, cette année après celle qui nous occupe... ?


Dans ces Histoires d'Allemagne, mon ami Lucien l'âne, il te souviendra que notre premier locuteur, c'est-à-dire l'écrivain Günter Grass, s'est constamment inquiété de l'existence de deux Allemagnes – la Démocratique et la Fédérale et plus encore de ce qui pourrait se passer si l'une prenait le pas sur l'autre dans le cas d'une éventuelle réunification. Et bien, 1989 est une année-symbole particulière en cette affaire... C'est elle : celle... Celle où tomba le mur, ou du moins, il tomba d'un côté. Car , comme tout le monde peut aisément s'en rendre compte, un mur a deux côtés. [7911] Et il ne manqua pas d'arriver ce qui arrive toujours quand tombe un mur d'un côté où il y a des gens... Cette catastrophe les a purement et simplement écrasés. C'était prévisible, mais on n'a pu y parer, comme il est apparu par la suite.


D'accord, dit Lucien l'âne en ouvrant grand ses yeux au velours noir, mais maintenant que tu as résolu la question du titre mystérieux, dis-moi ce que dit ta chanson...Qui la chante et de quoi elle parle... ?


Mon ami Lucien l'âne, tu poses la meilleure question qui soit en demandant qui la chante car c'est l'auteur lui-même, ce qui en fait une chanson à résonance biographique et même, autobiographique. On peut tout à fait bien comprendre la chose dès le deuxième vers... Car Ute est la femme de Günter Grass. Les amis de Dresde – ville située en Démocratique – sont définis comme un peintre très sérieux et une danseuse très gaie. Je ne peux t'en dire plus. Par contre, ce que je peux te dire, c'est qu'à l'époque quand on voulait aller de la Fédérale en Démocratique et vice-versa, il fallait avoir un visa. Quant aux Monts Métallifères, ce sont des montagnes qui sont traversées par la frontière, ici qualifiée d'autre frontière.


Pourquoi autre ?, dit Lucien l'âne en relevant le front froncé. Voici encore une énigme...


Invasion 1939




Car bien entendu, « la frontière » est celle entre la Démocratique et la Fédérale et que celle-ci ne peut être qualifiée que d'autre frontière. Cette autre frontière est celle entre l'Allemagne et la Tchécoslovaquie... Frontière qui sera franchie par des chars, comme il est dit dans la chanson. Une première fois en 1938 par des chars envahisseurs et l’autre fois, trente ans plus tard, par des chars aux intentions particulièrement amicales et fraternelles – qu'ils disaient. Pour la suite de la chanson Günter Grass lequel est d'abord un dessinateur et un sculpteur va raconter au travers de ses dessins « au fusain de Sibérie » la dégradation des forêts qu'il dessine... et il va évoquer de manière très écologiste la calvitie des montagnes d'Allemagne qui dès cette époque s'étendait, s'étendait... à toute l'Europe.







Mais, dis-moi, ne trouves-tu pas, Marco Valdo M.I. mon ami, que le refrain est un peu bizarre et décalé avec ses Crac, Zim, boum, tralala et patatras... Que vient-il faire dans cette histoire d'Allemagne ?


Mais voyons, Lucien l'âne mon ami, je trouve, pour ma part, que c'est le refrain le plus significatif qui soit, le plus percutant si l'on veut bien en voir la dimension politique... Il annonce les suites de la chute du mur et de la future réunification... Et si tu le lies à la « calvitie des montagnes d'Europe », il me semble carrément prémonitoire de la situation actuelle. Toujours cette mise en garde contre les dangers de la réalisation du rêve d'Otto (von Bismarck)... Danger qu'incarne actuellement l'ambition de la belle Walkyrie... Regarde d'ailleurs cette rengaine et regarde-la en pensant l'Europe :
« on fut d'abord tous en joie
Zim, boum, tralala
Et qu'on fut d'abord tous en joie
Zim, boum, tralala
Avant de retomber encore plus bas
Crac, boum, patatras
Avant de retomber encore plus bas
Crac, boum, patatras »


Donc, Marco Valdo M.I. mon ami, pour paraphraser certaine maxime souvent évoquée ici – si j'ai bien compris – on dira : REGARDEZ CE QU'ILS ONT FAIT AUX ALLEMANDS , ILS VOUS LE FERONT DEMAIN... Les Grecs, les Portugais, les Espagnols commencent à en savoir quelque chose... Concluons cet épisode et reprenons notre tâche qui est, faut-il le rappeler, de tisser le linceul de ce vieux monde répétitif, destructeur, défolieur, catastrophique et cacochyme.

Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Dans la cabane de nos amis de Dresde
Avec Ute, on fit un séjour de l'autre côté
Dans la cabane de nos amis de Dresde
Avec un visa des démocratiques Autorités
Dans la cabane de nos amis de Dresde
Au cœur des monts Métallifères
Sur la route où passaient les chars de touristes
À quelques pas de l’autre frontière
Il y a cinquante ans dans les chars du chancelier Hitler
Sur la route passaient d'arrogants touristes
Il y a vingt ans dans les chars de l'Armée Populaire
Sur la route passaient de fraternels touristes

L'année avant celle où le mur tomba
Crac, boum, patatras
L'année avant celle où le mur tomba
Crac, boum, patatras
Et qu'on fut d'abord tous en joie
Zim, boum, tralala
Et qu'on fut d'abord tous en joie
Zim, boum, tralala
Avant de retomber encore plus bas
Crac, boum, patatras
Avant de retomber encore plus bas
Crac, boum, patatras

Je ne crois que ce qui se dessine
Je dessinais des troncs tords
Je ne crois que ce qui se dessine
Je dessinais des arbres morts
Je ne dessine que ce que je vois
Des pins renversés, des hêtres déracinés
Je ne dessine que ce que je vois
La mort des forêts, les bois assassinés
Bref, les forêts se mourraient
Pluies acides, maladies cryptogamiques
Ainsi, nos forêts se mourraient
Chlorose des résineux, destruction endémique



L'année avant celle où le mur tomba
Crac, boum, patatras
L'année avant celle où le mur tomba
Crac, boum, patatras
Et qu'on fut d'abord tous en joie
Zim, boum, tralala
Et qu'on fut d'abord tous en joie
Zim, boum, tralala
Avant de retomber encore plus bas
Crac, boum, patatras
Avant de retomber encore plus bas
Crac, boum, patatras

Dans le Haut Harz, au fusain de Sibérie
Sur mon papier granuleux, je dessinais tout cela
Dans le Haut Harz, au fusain de Sibérie
Sur mon papier granuleux, de haut en bas
Dans le Haut Harz, au fusain de Sibérie
Les abattus sur les pentes
Dans le Haut Harz, au fusain de Sibérie
Les essarts sur les crêtes
La calvitie des montagnes se propageait
Sans égard aux frontières, par dessus le rideau de fer
La calvitie des montagnes se propageait
À l'Allemagne, à l'Europe tout entière


L'année avant celle où le mur tomba
Crac, boum, patatras
L'année avant celle où le mur tomba
Crac, boum, patatras
Et qu'on fut d'abord tous en joie
Zim, boum, tralala
Et qu'on fut d'abord tous en joie
Zim, boum, tralala
Avant de retomber encore plus bas
Crac, boum, patatras
Avant de retomber encore plus bas
Crac, boum, patatras


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