dimanche 1 juin 2014

1951 – Lettre de Marienborn

1951 – Lettre de Marienborn

Canzone française – Lettre de Marienborn – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires d'Allemagne 50

Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 –
l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.



Quand Adolf a promis l'auto populaire
La belle KdF Wagen, la VW Force par la Joie
Quand la ville elle-même fut nommée par Hitler
Stadt des KdF-Wagens : « Ville de l'auto de la "Force par la Joie" »




Mil neuf cent cinquante et un, cette fois, la narratrice, car c'est une narratrice, une femme d'ouvrier comme l'était Bertha, écrit une lettre de Marienborn.


C'est très étrange comme titre, il me rappelle le titre d'un roman de Robbe-Grillet, à moins que ce ne soit un film de Resnais... je ne sais plus.


En fait, ce sont les deux à la fois et ce qui t'en a fait ressouvenir, ce doit être l'allitération, la cadence, il y a en effet comme une vague ressemblance avec L'Année Dernière à Marienbad. Cela dit, ça n'a rien à voir. Comme je te le disais, la narratrice qui porte le doux prénom d'Elfriede...


J'aimerais beaucoup, dit Lucien l'âne, sérieux comme dans le film, j'aimerais beaucoup rencontrer une dame portant le prénom d'Elfriede...


Ça aussi, ça n'a rien à voir avec la chanson. Mais enfin, tout est possible... Donc, Elfriede écrit une lettre et pas n'importe quelle lettre et pas de n'importe où.


De Marienborn, je sais..., dit Lucien l'âne un peu irrité par tous ces atermoiements. Quelle importance ?


Mais précisément... Nous sommes, du moins, la narratrice, Elfriede est en 1951 et elle vit dans la petite maison qu'elle a héritée de sa grand-mère dans le village de Marienborn. Marienborn est situé juste de l'autre côté d'une certaine frontière et dans une « autre » Allemagne : la Démocratique... alors que son correspondant, plus exactement, sa correspondante est dans l'autre Allemagne : la Fédérale. Et cette circonstance a une énorme importance... Elle est même le thème de la chanson...
De plus, c'est une lettre de protestation, une lettre de réclamation... Une lettre qui dénonce certaine discrimination : celle qui frappe les anciens ouvriers de la fabrique de l'auto populaire qui avaient cotisé pour cette auto et qui dans ce cas-ci, habitent l'autre Allemagne. Une lettre à Madame VW [[http://www.fndirp.asso.fr/Volkswagen.htm]], cette vieille fille avide, née des œuvres d'Adolf Hitler et de Ferdinand Porsche et qui s'est vendue des millions de fois et continue à le faire. Depuis d'ailleurs, bien appuyée sur ses escroqueries de départ : elle disait qu'elle allait faire des autos populaires... Elle faisait des amphibies militaires. Elle avait promis une auto à ses ouvriers... Elle les avait fait cotiser... Elle ne l'a jamais fournie cette auto populaire à Elfriede... C'est la raison de sa lettre de réclamation. Pourtant, Elfriede et son mari ont travaillé presque toute leur vie pour elle... Madame VW, en vraie maquerelle, a même exploité des esclaves... Faut dire que ces femmes-là étaient Russes et prisonnières et qu'il fallait servir Hitler.


Et qu'est-elle devenue cette dame VW depuis le moment de cette Lettre de Marienborn ? A-t-elle encore prospéré ?


Mais bien évidemment.... Très exactement cette année, elle est devenue la plus riche marchande d'autos (et même plus seulement des autos populaires...) du monde. Elle est en train de la gagner sa guerre, cette enfant de Porsche et de Hitler.


Tu as la dent dure, Marco Valdo M.I., avec cette personne... Mais tu as raison et même tu n'es pas encore assez dur avec ces gens-là. Cette dame avait une tare dès le départ, dès avant sa naissance, dès sa conception. Née dans le mensonge, fille de criminels, elle s'est impliquée dans cette Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres pour les exploiter, y compris comme esclaves – quand c'est possible, pour édifier de plus grandes richesses, pour étendre leur domination à la planète entière. Face à cette guerre silencieuse, cette guerre qui ne dit pas son nom, mais qui prolonge l'autre jusque dans les rues quotidiennes, il nous faut, mon ami Marco Valdo M.I., de toutes nos faibles forces tisser le linceul de ce monde vieux, menteur, escroc et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.



Mon homme, il a – et moi aussi – versé tous les mois
À l'association des épargnants de l'auto populaire
On l'avait payée cette auto populaire
On a droit à un exemplaire




Madame VW, pourquoi ne réponds-tu pas ?
Elle est pourtant près de la frontière ma petite maison
De l'autre côté du rempart de protection.
Madame VW, pourquoi ne réponds-tu pas ?
Mon homme et moi, on a tant travaillé pour toi.
C'est injuste et mesquin ces tergiversations
Madame VW, réponds !

Dès le début déjà, mon homme travaillait chez toi
Quand Adolf a promis l'auto populaire
La belle KdF Wagen, la VW Force par la Joie
Quand la ville elle-même fut nommée par Hitler
Stadt des KdF-Wagens :« Ville de l'auto de la "Force par la Joie" »
Kraft durch Freude – La Force par la Joie, un leurre
Arbeit macht frei... Le Travail rend libre ... Même tabac.
Il travaillait chez toi mon homme, quand l'ingénieur
Ferdinand Porsche a inventé l'auto populaire
Mon homme, il a – et moi aussi – versé tous les mois
À l'association des épargnants de l'auto populaire
On l'avait payée cette auto populaire
On a droit à un exemplaire
Il était bleu avant la guerre
Mais je préfère la couleur tilleul vert.
Et comme a dit le tribunal, 600 DM moins cher.

Madame VW, pourquoi ne réponds-tu pas ?
Elle est pourtant près de la frontière ma petite maison
De l'autre côté du rempart de protection.
Madame VW, pourquoi ne réponds-tu pas ?
Mon homme et moi, on a tant travaillé pour toi.
C'est injuste et mesquin ces tergiversations
Madame VW, réponds !


Après Stalingrad, j'ai travaillé à l'usine
Plus question d'autos, on faisait des amphibies militaires
C'étaient de bien belles machines
Que sont devenues les ouvrières russes prisonnières?
Quand on nous a débarrassés d'Hitler,
À Wolfsburg, tout était par terre
Mon homme a tout déblayé
Et on a recommencé à en faire.
En 1951, je m'en souviens, on a fêté
La deux cent cinquante millième auto populaire
Mon homme est sur la photo de cet anniversaire
Deux cent cinquante mille autos populaires
Et même pas une pour nous satisfaire
Mon homme est allé du comité d'entreprise au cimetière
Et nous, on n'a toujours pas notre auto populaire
On habite du mauvais côté de la frontière


Madame VW, pourquoi ne réponds-tu pas ?
Elle est pourtant près de la frontière ma petite maison
De l'autre côté du rempart de protection
Madame VW, pourquoi ne réponds-tu pas ?
Mon homme et moi, on a tant travaillé pour toi.
C'est injuste et mesquin ces tergiversations
Madame VW, réponds ! Réponds !

Après Stalingrad, j'ai travaillé à l'usine
Plus question d'autos, on faisait des amphibies militaires
C'étaient de bien belles machines
Que sont devenues les ouvrières russes prisonnières?



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