mardi 4 avril 2023

COMME UN SOUS-MARIN

 

COMME UN SOUS-MARIN


Version française — COMME UN SOUS-MARIN — Marco Valdo M.I. — 2023

Chanson russe — Сыт я по горло — Vladimir Semënovič Vyssotsky / Владимир Семёнович Высоцкий — 1969





EXPULSONS LES ALCOOLIQUES DE NOTRE COMMUNAUTÉ D’OUVRIERS

(SUR LE TUYAU, ON LIT : PRODUIT DÉFECTUEUX)



Dialogue maïeutique


Oh, Marco Valdo M.I., bonne idée de mettre en français cette chanson russe. Je me souviens de ce que tu en disais, il y a quelque temps déjà et de ce commentaire, j’imaginais bien que tu en viendrais à proposer une version de ta manière. Que disais-tu ? Voici :


« Comme toujours, il convient de réfléchir à la situation des disons dissidents (dans n’importe quelle société et a fortiori dans la russe, de surcroît soviétique) pour comprendre pourquoi dans cette société, on étouffe et pourquoi on tente de se cacher au plus profond, de, dit-on en français, faire le mort. C’est une attitude de résistance (Ora e sempre : Resistenza !) et vouloir ramener l’étouffement et l’ataraxie à un sentiment personnel et purement psychologique revient à nier l’oppression, qui n’est rien d’autre que la pression sociale, une des formes les plus constantes de la Guerre de Cent Mille Ans. Pour ce qui est de la vodka comme forme de résistance au système, on peut lire Alexandre Zinoviev. » C’était prémonitoire. Depuis, on fait le voyage au bout de la Zinovie et on comprend mieux cette envie de fuir, de se cacher… En fait, rien n’a changé là-bas, comme au temps de Vyssotsky. Comme un sous-marin, on se couche au fond ; un animal terrorisé, on fait le mort. L’État, la bande au pouvoir font la guerre aux gens. Comment ne pas le voir ?



Oui, Lucien l’âne mon ami, c’est une guerre civile qui se poursuit depuis plus de cent ans et qui a fait des millions de morts parmi les habitants du pays ; c’est une guerre qui déborde régulièrement sur les pays voisins. On a pu croire un temps qu’elle finirait par se résorber, mais ce fut un faux espoir. Maintenant, pour en revenir à la chanson de Vyssotsky — et après avoir établi cette version en langue française en tenant compte des versions italiennes et de celle publiée par Marina Vlady, qui fut la femme de Vyssotsky — je ferais la réflexion suivante. À savoir que ce « Me coucher au fond » est une sorte d’écho inversé à ce que disait Stéphane Mallarmé dans Brise Marine :


« Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres

D’être parmi l’écume inconnue et les cieux ! »


Être artiste dans un pays de dictature ? Ne pouvoir exercer son art qu’en cachette, subrepticement, être constamment sous pression comme tous les citoyens et comme la population désespérée qui cherche le refuge national dans l’alcool, c’est l’ordinaire de la journée ordinaire dans un pays en guerre contre les voisins, mais aussi en guerre contre sa population, laquelle résiste comme elle peut, se cache, se terre. Chacun tentant de se planquer au fond du décor, de jouer au sous-marin inerte au fond de la mer. Il s’agit en permanence de fuir les obligations du collectif, fuir les réquisitions de l’État, les inquisitions de sa justice, les perquisitions de sa milice. Alors, les gens en ont marre et nombre d’entre eux sombrent dans une noire dépression permanente, un état endémique que malgré des campagnes antialcooliques répétées, la population combat en consommant des quantités astronomiques de vodka et à défaut, de tout autre produit contenant peu ou prou de l’alcool ou d’autres essences.


Oui, dit Lucien l’âne, comme dit La Journée ordinaire :


« En Zinovie, on produit beaucoup de pétrole

Et on consomme encore plus d’alcool.

Le pétrole fait marcher la machine ;

L’alcool fait tourner les usines,

Le Guide fait marcher le pays. »


et la population du pays en a marre. Quand on y réfléchit, on voit bien que vu de l’intérieur du pays, c’est pareil en Russie qu’en Zinovie. À se demander quand les gens s’en sortiront de ce guêpier, mais avec l’Histoire, on a parfois de ces surprises et souvent, quand on s’y attend le moins.

En attendant, tissons le linceul de ce vieux monde pris dans les vieux plis de son Histoire, ridé, perclus, radotant et cacochyme.




Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






J’en ai marre, jusqu’au menton,

Et me fatiguent même mes chansons.

Je veux comme un sous-marin, plonger

Pour qu’ils ne puissent plus me tracer.


Un ami me sert la vodka,

L’ami me dit ça passera.

Je suis ivre, je vois Véra.

M’aide Véra, me sauve la vodka.


Vera et la vodka ne m’ont pas aidé.

Vodka : gueule de bois, où est passée Véra ?

Je veux comme un sous-marin, plonger

Pour qu’ils ne puissent plus me tracer


J’en ai marre, j’en ai marre.

Chanter, de jouer, j’en ai marre.

Je veux comme un sous-marin, plonger

Pour qu’ils ne puissent plus me tracer.




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