1985
– Les Années Quatre-Vingt
Canzone
française – Les Années
Quatre-Vingt – Marco Valdo M.I. – 2012
Histoires
d'Allemagne 86
An
de Grass 85
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Les
années quatre-vingt ? Les années quatre-vingt, oui, mais de quel
siècle ? Sans doute du siècle dernier, je suppose, car tu ne l'as
même pas précisé. Qu'y a-t-il à dire sur ces années quatre-vingt
? Car souviens-toi, il y eut parmi les années quatre-vingt :
quatre-vingt neuf, c'était au dix-huitième siècle – après Zéro,
vu que le premier siècle se compte de Zéro à quatre-vingt dix-neuf
ou à nonante-neuf, c'est selon et que donc, de cent à deux cents,
on parle du deuxième siècle... et ainsi de suite. Donc, le
quatre-vingt neuf du dix-huitième siècle se note 1789... C'était
l'année de La Révolution. Tu sais celle avec les enfants de la
patrie, du jour de gloire, de l'étendard sanglant de la tyrannie,
etc. Ou alors, quatre-vingt treize... C'est toujours le dix-huitième
siècle et encore plus révolutionnaire... 1793. Aux armes, citoyens
! Et tout le saint-frusquin. Si tu m'avais dit soixante-dix... Là,
c'était autre chose, on était dans le dix-neuvième siècle et on
s'entretuait joyeusement du côté de Sedan (entre autres) et bien
entendu, on pense à La Commune. Tout comme l'An Quarante lui se
situe dans le vingtième siècle et c'est lui qui rappelle la plus
grande boucherie de tous les temps. C'est à l'évidence une affaire
lointaine... On a connu bien d'autres guerres depuis.
Deux
ou trois remarques à propos de tes propos, Lucien l'âne mon ami.
J'apprécie beaucoup que tu comptes – enfin ! – à partir de
Zéro. Qui était Zéro, en fait, on s'en tape. Mais la chose est –
surtout si Zéro n'est rien et de surcroît, rien d'autre que
lui-même, le point de départ absolu – donc, la chose est plus
objective et plus solidement fixée que lorsqu'on accroche le temps à
un personnage à l'existence et aux allures incertaines. Entre nous
soit dit, et j'espère bien que tu n'iras pas le répéter urbi et
orbi, ce gars-là devait être sérieusement atteint pour se prendre
pour le tiers d'un Dieu...
Ah,
Ah, dit Lucien l'âne, comme tu vois, il n'était pas la moitié
d'un...
Bref,
il a raconté n'importe quoi... Tandis que Zéro lui ne dit rien, ne
revendique rien et se contente de fixer le point de référence...
Ensuite, pour ce qui concerne l'an quarante et la Guerre de Quarante
qui s'ensuivit et les autres guerres qu'on aurait connues depuis, je
reste persuadé qu'on ne l'a jamais terminée et qu'elle continue
aujourd’hui encore... L'An Quarante est toujours d'actualité. Dans
la version militaire, cette guerre se déplace sur le corps de la
Terre ; elle disparaît ici, elle reparaît là-bas... Elle court,
elle court... Mais c'est toujours la même, c'est la Guerre de Cent
Mille Ans que les riches font aux pauvres afin d'en extraire plus de
profits encore, d'accroître leur domination, d'étendre leur
emprise, de faire prospérer leurs richesses et d'assouvir leurs plus
stupides caprices. Elle est tirée par ces deux pénibles et
insupportables haridelles que sont Cupidité et Avidité.
Oui,
sans doute, je ne peux pas les piffer celles-là. Mais finalement, de
quelles années quatre-vingt s'agit-il ?, demande Lucien l'âne en
raclant le sol d'un sabot exigeant.
Ce
sont bien évidemment, celles du siècle dernier ; quant à la
chanson elle-même, elle concerne une des années quatre-vingt, l'An
de Grass quatre-vingt cinq. Cette année 1985 est décrite par une
Mamie bien des années plus tard... De ses souvenirs, il résulte que
pour elle – la mamie, il n'y avait que les feuilletons et la
télévision...
Et
ce n'est pas faux... les humains en sont encore là...
Certes,
certes, Lucien l'âne mon ami. Pour la canzone, tu te souviens
qu'habituellement dans ces Histoires d’Allemagne, chacune est
fondée sur le récit d'un narrateur. Cette fois, on a droit à une
double narratrice : la Mamie en question et sa petite fille qui
l'interroge en vue de préparer son mémoire de fin d’études. À
l’époque, chez nous, on appelait le niveau d'études, une licence
; mais Europe oblige, c'est de venu une maîtrise et pour ceux qui se
piquent d'anglomanie galopante, un mastère, mot qui, soit dit en
passant, en rappelle furieusement un autre : water (abréviation de
water-closed) que Queneau avait orthographié : Ouatère.
On
ne saurait l'ignorer, dit l'âne Lucien en hoquetant de rire.
Donc,
la petite demoiselle (ici, « ma chérie ») rencontre sa grand-mère
(ici, « Mamie ») pour obtenir quelques éléments pour son mémoire
intitulé : « Le quotidien des seniors ». Et ce qui en ressort, tu
le verras dans la chanson... Ces braves vieilles finissent leur vie
devant la télévision en avalant force feuilletons et en subissant
l'interminable va et vient des balles de tennis. Bref, vu du côté
des seniors, le progrès faisait déjà rage. On s'ennuyait ferme
dans les appartements et les pavillons de banlieue.
Boris et Steffie : La Passion de Madame Scholz |
Ça
n'a pas changé... C'est sûr... C'est dur d'être des seniors dans
un monde malade de sa jeunesse, atteint de jeunisme chronique, en
quelque sorte et de plus, envahit par les téléviseurs. En somme,
quand on est remisé au rang des seniors, arrivé à un certain
moment, on s'entraîne au rôle futur de macchabée, celui-là même
auquel Tonton Georges fait allusion dans les Quatz'Arts, celui de la
chanson connue de tous les étudiants...de France, de Navarre et
d'ailleurs. Et, dit Lucien l'âne secoué par un fou-rire mal
dissimulé sous son poil noir luisant, moi aussi, je la connais cette
chanson et je vais même te la chantonner...
Dans
un amphithéâtre
Dans
un amphithéâtre
Dans
un amphithéâtre
-phithéâtre
-phithéâtre
-phithéâtre
Tsoin-tsoin.
Il
y avait un macchabée
Il
y avait un macchabée
Il
y avait un macchabée
macchabée
macchabée
macchabée
tsoin-tsoin
Ce
macchabée disait
Ce
macchabée disait
Ce
macchabée disait
Il
disait
Il
disait
Il
disait
tsoin-tsoin
Ah!
ce qu'on s'emmerde ici
Ah!
ce qu'on s'emmerde ici
Ah!
ce qu'on s'emmerde ici
-merde
ici
-merde
ici
-merde
ici
tsoin-tsoin
»
Bref,
dit Marco Valdo M.I. de l'air le plus docte qui soit, les vieux
s'entraînent à s'emmerder pour l’éternité, sauf évidemment si
leur karma leur offre mille résurrections sous les formes les plus
diverses... En clown, en matou ou en bonobo, par exemple.
Et
même, en âne...On en connaît à qui telle résurrection est
arrivée. Mais que tout ceci ne nous empêche pas de perpétuer notre
tâche qui, je le rappelle, est de tisser, tisser, tisser encore et
toujours le linceul de ce vieux monde emmerdant, étouffant,
télévisuel et pour tout dire, feuilletonesque et cacochyme.
(Heureusement
!)
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Dis-moi,
dis-moi, dis-moi, Mamie,
Oui,
oui, oui, quoi, ma chérie ?
Pour
mes études, je dois faire un mémoire
Et
je compte beaucoup sur ta mémoire
Que
buvait grand-papa ? De la bière ou du vin ?
Il
avait fait la guerre. Où était-il en quarante-trois ?
Comment
c'était dans les années quatre-vingt ?
Les
jeunes avaient-ils un emploi ?
Allaient-ils
longtemps soldats ?
Les
gens rencontraient-ils le bonheur ?
Y
avait-il autant de chômeurs ?
On
avait une auto, des congés, mais pas d'ordinateur.
Dis-moi,
dis-moi, dis-moi, Mamie,
Oui,
oui, oui, quoi, ma chérie ?
S'il
te plaît, raconte-moi ton histoire
J'ai
vraiment envie de savoir
Ô
Mamie, n'était-ce pas mieux autrefois ?
Tu
sais, ma chérie, Grand-Père n’était plus là
Je
travaillais à mi-temps pour finir le mois
Et
mes jambes n'en voulaient plus trop déjà
Finies
les grandes ballades, finies les courses
Fini,
le shopping et tout le tralala
Mamie,
Mamie, les banques, la bourse ?
Celles-là,
ma chérie, dictaient déjà la loi.
Dis-moi,
dis-moi, dis-moi, Mamie,
Oui,
oui, oui, quoi, ma chérie ?
Et
les journées, tu faisais quoi ?
Avec
madame Scholz, la voisine
On
regardait la télé dans la cuisine
On
se passionnait pour les feuilletons
Que
pouvait-on faire d'autre, dis-moi ?
Qu'aurait-on
fait sans la télévision ?
On
regardait le tennis, je n'aimais pas ça
Ce
va et vient, pendant des heures parfois.
Madame
Scholz, Boris et Steffi, c'était sa passion.
Et
puis, il y a eu la Glasnost qui venait du froid.
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