1993 - Ni d'Est, ni d'Ouest, nazis !
Canzone française – Ni d'Est, ni d'Ouest, nazis !– Marco Valdo M.I. – 2013
Histoires d'Allemagne 94
An de Grass 93
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Il est vivement conseillé de regarder la vidéo, dont l'adresse suit :
http://www.vitheque.com/Fichetitre/tabid/190/language/fr-CA/Default.aspx?id=148
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Écoute
bien, Lucien l’âne mon ami, cette histoire d'Allemagne, car – peut-être
plus que d'autres, elle nous concerne tous quoiqu'elle date de l'année
mil neuf cent nonante-trois et qu'elle se passe en Allemagne. D'une
certaine manière, elle donne la clé de toute cette série d'histoires
d'Allemagne qu'il faudra bien comprendre comme des histoires d'Europe.
Ah,
Marco Valdo M.I. mon ami, ce que tu dis là recoupe et confirme très
précisément ce que j'avais ressenti depuis le début de ces Histoires
d'Allemagne, sans trop oser le dire. En quelque sorte, l'Allemagne,
c'est l'Europe et l'Europe, c'est l'Allemagne... Et par exemple, la
lutte des opposants allemands au troisième Reich était en fait la lutte
d'Européens pour la liberté et la survie ; une lutte pour la sauvegarde
de tous les Européens. D'ailleurs, il me paraît que c'est là une sorte
de point de vue précurseur, une appréciation lucide de ce qui se passe
sur le continent... chacun des soi-disant États étant une sorte de
province de cette Europe en maturation. Ceci s'impose quelles que soient
les prétentions nationales et les constructions institutionnelles.
L'Europe, même dans l'état immature où elle se trouve, s'impose par
dessus les nations. D'ailleurs, l'Europe existait avant même qu'on la
formate en Communauté, en Union ou demain, en je ne sais quoi. Ceci a
d'autres conséquences et notamment, le fait essentiel que rien de ce qui
se passe en Europe ne peut nous rester étranger ; autrement dit, quoi
qu'il se passe en Europe et où que la chose se passe, cela affecte,
concerne et touche tous les Européens. Ainsi les malversations de
certains politiciens dans un pays sont tout aussi dommageables à
l'ensemble des Européens qu'aux nationaux estampillés de cette
nationalité. En clair aussi, ce qui est fait aux Grecs non seulement
concerne tous les autres Européens, mais aussi est prémonitoire de ce
qui va leur arriver demain – si ce n'est déjà fait. Ce qui confirme
notre antienne : « REGARDEZ CE QU'ILS FONT AUX GRECS, ILS VOUS LE FERONT
BIENTÔT ».
On
pourrait d'ailleurs tout aussi bien dire : « Regardez ce qu'ils font
aux Hongrois, aux Roumains, aux Italiens, aux Belges, aux Espagnols, aux
Portugais... » En somme, il suffit d'un peu de théorie des ensembles...
Mais pour en revenir à cette histoire d'Allemagne, elle raconte une
série d'événements dramatiques qui étaient des chasses à l'homme, des
manifestations contre les étrangers, les immigrés, les gens de couleur,
les gens venus de l'est, du sud, d'ailleurs... En toile de fond, il y a
la destruction des régions allemandes qui étaient antérieurement parties
de ce qui se voulait et s'appelait la République Démocratique
Allemande. Cette histoire est comme à l’ordinaire rapportée par un
narrateur ; ici, ce personnage est un policier, qui officiait déjà dans
l’ancienne république – la démocratique (il avait été ce qu'on appelait
alors un vopo) et qui a continué à pratiquer le même métier au même
endroit après la réunification. C'était un témoin direct de ces
événements. Et un témoin engagé... Au sens militaire du terme... engagé
sur le terrain. Mais c'est aussi un policier qui se pose des questions
et qui a conscience de ce qui se passe autour de lui et un policier qui
entend faire barrage à ce qu'il faut bien appeler par son nom ; le
racisme, le fascisme et dans sa version allemande, le nazisme.
Voilà
donc un policier qui adopte un comportement qu'on pourrait qualifier de
démocratique et somme toute, de critique. Il doit y en avoir dans
chacun de nos pays ; sans doute même, y en a-t-il toujours eus... Mais
j'ai comme l'impression qu'il en est d'une autre sorte... Chez nous, on
dit : « Il n'y a plus de sadiques dans les rues, ils sont tous dans la
police ». Façon de parler, mais, en effet, à voir ce qui se passe en
Grèce, cette complicité entre la police et les fascistes d'Aube Dorée,
on le penserait bien... Et comme on le dit ici : « Regardez ce qu'ils
font aux Grecs... »
Et
ce policier-narrateur, ex-vopo, avec ses principes a presque l'air d'un
résistant... Ce qu'il est d'ailleurs pour imaginer, rappeler et en
quelque sorte, revendiquer « Un pays nazis non admis »... Il le dit dans
sa chanson... Au passage, il fait aussi sauter une dichotomie
pernicieuse, celle entre l'est et l'ouest, qui pourrait aussi bien être
celle qu'on fantasme entre le sud et le nord... et ce qu'il dit est
précisément le titre de la canzone – je rappelle que l'on est en 1993 et
que la fusion, disons plutôt l'absorption, le phagocytage de
l'Allemagne démocratique, dite de l'Est par l'Allemagne fédérale, dite
de l'Ouest, vient de se produire. À Rostock, comme dans le reste de
cette ex-Allemagne de l'Est, la reconquête capitaliste laisse des
milliers de chômeurs, des entreprises à la dérive, des chantiers navals
abandonnés, installe une misère crasse et c'est sur cette décomposition
orchestrée par la recherche du profit, que vont avoir lieu des
expéditions de nazis qui vont casser du Viet et du nègre... Ce sont ces
événements que raconte ce policier-narrateur... Parlant de ces
nationaux-racistes à la chevelure réduite, il dit : « Ni d'Est, ni
d'Ouest, nazis ! ». Et il a raison, la frontière n'est pas géographique,
elle est politique ; elle traverse de part en part la société...
Si
je comprends bien, c'est en fait un épisode de la Guerre de Cent Mille
Ans... Cette Guerre que les riches font aux pauvres pour par la terreur
leur imposer de se soumettre à leurs exigences, pour leur imposer leur
éternelle (du moins, ils le croient et l'espèrent) domination, pour
accroître leur empire, pour les écraser et en tirer les profits les plus
étendus. C'est par la peur, la peur la plus irraisonnée qu'ils imposent
ce monde absurde et très certainement, inique. Car sur cette planète,
on peut et même, on doit être capables de mettre en place un monde où si
on le considère et si on l'organise rationnellement, il y aurait de
quoi satisfaire tout le monde, de quoi assurer à chacun de vivre
aisément, où l'équité serait la règle, où chacun disposerait de ce dont
il a réellement besoin et où chacun ferait ce qu'il est capable pour le
bien commun. Voilà pourquoi, pour que ce monde intelligent advienne, il
nous faut reprendre notre tâche quotidienne et tisser, envers et contre
tout, le linceul de ce vieux monde absurde, irrationnel, inintelligent,
carrément idiot, assassin et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Moi, je vous le dis
Face à ces têtes de bandits
Nous, les petits flics de rien
On ne pouvait plus rien, rien de rien
Chez nous, l'effectif était maigre
En face, les crânes rasés, des centaines
Pour chasser les Viets et les nègres
Avec leurs battes et des chaînes
Avant, dans la démocratique
Un pays nazis non admis
Tout ça, tous ces bandits
On ne les voyait pas, bernique !
Maintenant, ils sont revenus
Ni d'Est, ni d'Ouest, nazis !
Ils sont tous là, ils tapent, ils crient
Mais à Mölln et Solingen, ils tuent
Maintenant, il n'y a quasiment plus d'emplois
Vous croyez qu'on peut soigner ça
Avec des manifestations à la bougie
Ce chômage, cette misère infinie.
Avant, dans la démocratique
Un pays nazis non admis
Tout ça, tous ces bandits
On ne les voyait pas, bernique !
Mais, vous savez ce qu'on dit
C'est l'Allemagne, la peste brune
L'Allemagne est un étrange pays
Perdu parmi ses brumes et ses runes
Ah ça ! Vous trouvez ça normal ?
Pareil en France, en Italie, chez les Anglais
L'Europe ? Oui, oui, affreusement normal !
Vous savez, moi, ce que j'en disais...
Avant, dans la démocratique
Un pays nazis non admis
Tout ça, tous ces bandits
On ne les voyait pas, bernique !
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