1988
– L'année avant celle
Canzone
française – L'année avant celle
– Marco Valdo M.I. – 2013
Histoires
d'Allemagne 89
An
de Grass 88
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Mon
ami Lucien l'âne, je t'arrête tout de suite et je réponds par
avance à ta sempiternelle question concernant cet étrange titre :
« L'Année avant celle ». La réponse est d'une
simplicité et d'une tautologie absolues : l'année 1988 précède
l'année 1989. Je te dis ça pour que tu ne nous fasses plus perdre
notre temps avec des questions oiseuses. Dès lors, comme tu le vois,
1988 est bien l'année avant celle...
Certes,
dit Lucien l'âne un peu éberlué. J'admets volontiers que l'année
1988 est bien celle qui précède 1989... Mais en quoi cela
explique-t-il ton titre nébuleux ? Résumons : qu'avait
donc de si particulier pour une Histoire d'Allemagne, cette année
après celle qui nous occupe... ?
Dans
ces Histoires d'Allemagne, mon ami Lucien l'âne, il te souviendra
que notre premier locuteur, c'est-à-dire l'écrivain Günter Grass,
s'est constamment inquiété de l'existence de deux Allemagnes – la
Démocratique et la Fédérale et plus encore de ce qui pourrait se
passer si l'une prenait le pas sur l'autre dans le cas d'une
éventuelle réunification. Et bien, 1989 est une année-symbole
particulière en cette affaire... C'est elle : celle... Celle où
tomba le mur, ou du moins, il tomba d'un côté. Car , comme tout le
monde peut aisément s'en rendre compte, un mur a deux côtés.
[7911] Et il ne manqua pas d'arriver ce qui arrive toujours quand
tombe un mur d'un côté où il y a des gens... Cette catastrophe les
a purement et simplement écrasés. C'était prévisible, mais on n'a
pu y parer, comme il est apparu par la suite.
D'accord,
dit Lucien l'âne en ouvrant grand ses yeux au velours noir, mais
maintenant que tu as résolu la question du titre mystérieux,
dis-moi ce que dit ta chanson...Qui la chante et de quoi elle
parle... ?
Mon
ami Lucien l'âne, tu poses la meilleure question qui soit en
demandant qui la chante car c'est l'auteur lui-même, ce qui en fait
une chanson à résonance biographique et même, autobiographique. On
peut tout à fait bien comprendre la chose dès le deuxième vers...
Car Ute est la femme de Günter Grass. Les amis de Dresde – ville
située en Démocratique – sont définis comme un peintre très
sérieux et une danseuse très gaie. Je ne peux t'en dire plus. Par
contre, ce que je peux te dire, c'est qu'à l'époque quand on
voulait aller de la Fédérale en Démocratique et vice-versa, il
fallait avoir un visa. Quant aux Monts Métallifères, ce sont des
montagnes qui sont traversées par la frontière, ici qualifiée
d'autre frontière.
Pourquoi
autre ?, dit Lucien l'âne en relevant le front froncé. Voici
encore une énigme...
Invasion 1939 |
Car
bien entendu, « la frontière » est celle entre la
Démocratique et la Fédérale et que celle-ci ne peut être
qualifiée que d'autre frontière. Cette autre frontière est celle
entre l'Allemagne et la Tchécoslovaquie... Frontière qui sera
franchie par des chars, comme il est dit dans la chanson. Une
première fois en 1938 par des chars envahisseurs et l’autre fois,
trente ans plus tard, par des chars aux intentions particulièrement
amicales et fraternelles – qu'ils disaient. Pour la suite de la
chanson Günter Grass lequel est d'abord un dessinateur et un
sculpteur va raconter au travers de ses dessins « au fusain de
Sibérie » la dégradation des forêts qu'il dessine... et il
va évoquer de manière très écologiste la calvitie des montagnes
d'Allemagne qui dès cette époque s'étendait, s'étendait... à
toute l'Europe.
Mais,
dis-moi, ne trouves-tu pas, Marco Valdo M.I. mon ami, que le refrain
est un peu bizarre et décalé avec ses Crac, Zim, boum, tralala et
patatras... Que vient-il faire dans cette histoire d'Allemagne ?
Mais
voyons, Lucien l'âne mon ami, je trouve, pour ma part, que c'est le
refrain le plus significatif qui soit, le plus percutant si l'on veut
bien en voir la dimension politique... Il annonce les suites de la
chute du mur et de la future réunification... Et si tu le lies à la
« calvitie des montagnes d'Europe », il me semble
carrément prémonitoire de la situation actuelle. Toujours cette
mise en garde contre les dangers de la réalisation du rêve d'Otto
(von Bismarck)... Danger qu'incarne actuellement l'ambition de la
belle Walkyrie... Regarde d'ailleurs cette rengaine et regarde-la en
pensant l'Europe :
« on
fut d'abord tous en joie
Zim,
boum, tralala
Et
qu'on fut d'abord tous en joie
Zim,
boum, tralala
Avant
de retomber encore plus bas
Crac,
boum, patatras
Avant
de retomber encore plus bas
Crac,
boum, patatras »
Donc,
Marco Valdo M.I. mon ami, pour paraphraser certaine maxime souvent
évoquée ici – si j'ai bien compris – on dira : REGARDEZ CE
QU'ILS ONT FAIT AUX ALLEMANDS , ILS VOUS LE FERONT DEMAIN... Les
Grecs, les Portugais, les Espagnols commencent à en savoir quelque
chose... Concluons cet épisode et reprenons notre tâche qui est,
faut-il le rappeler, de tisser le linceul de ce vieux monde
répétitif, destructeur, défolieur, catastrophique et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Dans
la cabane de nos amis de Dresde
Avec
Ute, on fit un séjour de l'autre côté
Dans
la cabane de nos amis de Dresde
Avec
un visa des démocratiques Autorités
Dans
la cabane de nos amis de Dresde
Au
cœur des monts Métallifères
Sur
la route où passaient les chars de touristes
À
quelques pas de l’autre frontière
Il
y a cinquante ans dans les chars du chancelier Hitler
Sur
la route passaient d'arrogants touristes
Il
y a vingt ans dans les chars de l'Armée Populaire
Sur
la route passaient de fraternels touristes
L'année
avant celle où le mur tomba
Crac,
boum, patatras
L'année
avant celle où le mur tomba
Crac,
boum, patatras
Et
qu'on fut d'abord tous en joie
Zim,
boum, tralala
Et
qu'on fut d'abord tous en joie
Zim,
boum, tralala
Avant
de retomber encore plus bas
Crac,
boum, patatras
Avant
de retomber encore plus bas
Crac,
boum, patatras
Je
ne crois que ce qui se dessine
Je
dessinais des troncs tords
Je
ne crois que ce qui se dessine
Je
dessinais des arbres morts
Je
ne dessine que ce que je vois
Des
pins renversés, des hêtres déracinés
La
mort des forêts, les bois assassinés
Bref,
les forêts se mourraient
Pluies
acides, maladies cryptogamiques
Ainsi,
nos forêts se mourraient
Chlorose
des résineux, destruction endémique
L'année
avant celle où le mur tomba
Crac,
boum, patatras
L'année
avant celle où le mur tomba
Crac,
boum, patatras
Et
qu'on fut d'abord tous en joie
Zim,
boum, tralala
Et
qu'on fut d'abord tous en joie
Zim,
boum, tralala
Avant
de retomber encore plus bas
Crac,
boum, patatras
Avant
de retomber encore plus bas
Crac,
boum, patatras
Dans
le Haut Harz, au fusain de Sibérie
Sur
mon papier granuleux, je dessinais tout cela
Dans
le Haut Harz, au fusain de Sibérie
Sur
mon papier granuleux, de haut en bas
Dans
le Haut Harz, au fusain de Sibérie
Les
abattus sur les pentes
Dans
le Haut Harz, au fusain de Sibérie
Les
essarts sur les crêtes
La
calvitie des montagnes se propageait
Sans
égard aux frontières, par dessus le rideau de fer
La
calvitie des montagnes se propageait
À
l'Allemagne, à l'Europe tout entière
L'année
avant celle où le mur tomba
Crac,
boum, patatras
L'année
avant celle où le mur tomba
Crac,
boum, patatras
Et
qu'on fut d'abord tous en joie
Zim,
boum, tralala
Et
qu'on fut d'abord tous en joie
Zim,
boum, tralala
Avant
de retomber encore plus bas
Crac,
boum, patatras
Avant
de retomber encore plus bas
Crac,
boum, patatras
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