1989
– La vie continua
Canzone
française – La vie continua –
Marco Valdo M.I. – 2013
Histoires
d'Allemagne 90
An
de Grass 89
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Le Mur et la Trabant |
Mon
ami Lucien l'âne, je sais bien que les ânes ne circulent pas en
automobile, même s'ils en sont d'une certaine manière les ancêtres.
Cependant, je voudrais savoir si tu connais la Trabant et la
Wartburg, des voitures, qui si elles n'existent plus, je veux dire si
on ne les fabrique plus, ont marqué bien des mémoires. Déjà par
leur aspect, puis aussi par le bruit si caractéristique que leurs
moteurs deux-temps émettaient et par l'odeur d'huile qu'elles
répandaient. C'étaient les voitures fabriquées en Démocratique et
c'étaient elles qui occupaient à peu près seules les routes et les
rues du pays. Ce sont les héroïnes de l'Histoire d'Allemagne de
cette année 1989.
Il
est vrai, comme tu le dis si judicieusement, Marco Valdo M.I. mon
ami, que les ânes circulent rarement en automobile et c'est
également mon cas. Par contre, cela n'implique pas que l'on ne
connaisse pas les autos. Tu comprends bien que nous les ânes, les
routes et spécialement les routes anciennes et secondaires, ça nous
connaît. J'ai personnellement croisé des milliers de vos puantes
voitures et un peu partout, du simple fait que je suis moi-même
asinomobile, à moins qu'il ne faille dire oinomobile. J'ai traîné
mes sabots dans les coins les plus bizarres, les plus inattendus. Dès
lors, j'ai bien évidemment croisé des Wartburgs, des Trabants... Et
tu as raison, j'en garde un souvenir olfactif des plus émus. Mais,
dis-moi, que viennent-elles faire dans cette Histoire du jour... En
quoi intéressent-elles le narrateur, car je suppose qu'à
l'ordinaire, il y a un narrateur et puis d'abord, qui est-il ?
Notre
narrateur du jour est l'auteur soi-même. Il répond à cette
question-bateau, mille et mille fois posée : que faisiez-vous
ce jour-là ? Et ce jour-là est celui où le Mur est tombé...
Comme tu le sais, seulement d'un seul côté.[[L'autre
côté du Mur - http://www.antiwarsongs.org/canzone.php?lang=it&id=7911]]...
Il raconte « Tranquille,
tranquille » que la radio annonce l'événement, la réaction à
chaud face à l'événement : « C'est dingue ! »,
il pèse le sens de l'événement : « bonne nouvelle ou
bombe à retardement ? », il voit ce qu'il voit sur le
Mur : « À califourchon, à califourchon » et
évidemment, comme je te disais, les voitures : « Voyez
les Wartburgs, voyez les Trabants » et il conclut sur un
constat de frayeur : « Joie et terreur, le Mur tomba ;
joie et terreur, la vie continua ».
Avec
le recul, dit Lucien l'âne un peu pensif, il me semble qu'il n'avait
pas tort dans sa double appréciation. Ce qui rejoint assez bien la
réflexion du maçon sur le deuxième côté du mur, qui n'est
toujours pas tombé près d'un quart de siècle plus tard.
On
en saura plus d'ailleurs dans les années à venir où le narrateur
reviendra sur cette dichotomie et sur le pénible destin qui attend
la Démocratique, qui va se faire bouffer toute crue par la
Fédérale... et sombrera dans un insondable abîme économique, dont
les conséquences sociales sont encore aujourd'hui des plus
désastreuses. Et regarde bien ce qui est raconté ici et ce qui a
été fait là-bas en ce temps-là, ce démantèlement de tout un
monde afin d'en extraire jusqu'au dernier Mark... Car c'est ce qui
attend à présent bien des régions d'Europe, qui sont victimes de
ce « rêve d'Otto », dont je t'ai déjà entretenu.
Ah,
dit Lucien l'âne en riant, il me vient à l'esprit un énorme
calembour à propos de ce rêve... C'est en faisant miroiter le
« rêve d'autos » qu'on piège les gens et qu'on réalise
le « rêve d'Otto »... On fait rêver les peuples
crédules aux « berlines allemandes ». Et cet ersatz de
bonne vie paye bien des collaborations, suscite bien des ralliements
et provoque les plus stupides aveuglements. C'est une de ces phases
de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font contre les
pauvres, avec mille ruses et mille illusions afin de les appauvrir
encore, de les serrer si fort qu'ils sentent en leurs cœurs le froid
de la terreur... On en est là dans cette Europe qui étrangle la
Grèce – REGARDEZ CE QU'ILS FONT AUX GRECS, ILS VOUS LE FERONT
DEMAIN (s'ils n'ont pas déjà commencé...), a posé des pattes
griffues sur l'Espagne et le Portugal, louche désespérément sur
l'Italie, etc... À quelle sauce seront mangés les autres ? On
peut facilement l'imaginer... On comprend ainsi aisément que nous
soyons en résistance (Ora et sempre : Resistenza!), pourquoi
nous tissons obstinément le linceul de ce vieux monde leurré,
trompé, manipulé, manœuvré et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
On
roulait sur l’autoroute vers Berlin
Tranquilles,
tranquilles
La
radio culturelle égrenait son train-train
Tranquille,
tranquille
Et
puis, elle dit : le mur est tombé à Berlin.
Tranquille,
tranquille
Joie
et terreur, le Mur tomba
Tout
le monde cria : C'est dingue !
On
but une Pilsen, puis une autre
Joie
et terreur, la vie continua
On
but encore une Pilsen, puis une autre
Et
on cria encore : C'est dingue !
Nos
amis de l'autre côté l'apprirent
Fortuitement,
comme en passant
Tout
juste un bruit de fond, une mire
À
la télé allumée par désœuvrement
Et
durant un instant, ils se réjouirent
Mais
bonne nouvelle ou bombe à retardement ?
Trabant 601 |
Sur
le Mur, des jeunes gens grimpaient
À
califourchon, à califourchon
La
police des frontières regardait
Bras
croisés, ces polissons, ces polissons.
Mais
tout changeait, tout basculait
Quand
on mettait le son, quand on mettait le son.
Le
Mur était tombé, oyez, oyez
Voyez
les Wartburgs, voyez les Trabants
Qui
passent la frontière ouverte, voyez
Les
gens dans leurs Wartburgs, dans leurs Trabants
Tous
ensemble, quel embouteillage, oyez, oyez
À
l'odeur d'huile des moteurs à deux temps.
Wartburg |
Tout
le monde cria : C'est dingue !
On
but une Pilsen, puis une autre
On
but encore une Pilsen, puis une autre
Et
on cria encore : C'est dingue !
Joie
et terreur, le Mur tomba
Joie
et terreur, la vie continua
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