samedi 28 décembre 2013

1996 - La Canzonisation d'Angelina

La Canzonisation d'Angelina

Canzone française – La Canzonisation d'Angelina – Marco Valdo M.I. – 2013
Histoires d'Allemagne 97
An de Grass 96

Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary. 






Comme toutes les précédentes, cette Histoire d'Allemagne raconte une séquence au travers du soliloque d'un narrateur ; ici, il s'agit d'un journaliste ou d'un chroniqueur – en l'occurrence, Günter Grass lui-même. Au départ, il devait tirer d'un certain professeur Vonderbrügge, une sommité internationale dans la génétique appliquée, les plus scientifiques révélations concernant le clonage des brebis Megan et Morag. Sans doute, cette année-là, le Professeur Vonderbrügge était-il trop occupé, sautant d'un congrès à l’autre, d'un colloque à une conférence... La science n'attend pas, pas plus que la renommée. Comme les call-girls de Koestler, il courait après l'une en courtisant l'autre. En fait, le problème avec ces brebis clonées et les clones en général, c'est – bioéthique oblige – qu'on pourrait se passer de père. La procréation sans père... On était en 1996. Depuis...


Bien évidemment que ça fait problème, même chez nous, chez les ânes. On a beau être des ânes, on n'aimerait pas trop faire les clones.


Certes, Lucien l'âne mon ami, je te comprends, mais rassure-toi pour cette fois, du fait de la défection du professeur, et du fait aussi que notre narrateur n'y connaît pas vraiment grand chose aux clones, il va subitement changer de sujet et je dois te l'avouer, je ne l'ai pas suivi entièrement dans la canzone.


Quoi !? Tu racontes une autre histoire ?


En effet, c'est bien ça. Car notre narrateur dans son récit originel raconte surtout des péripéties familiales, vues et développées par le pater familias, qu'il est. Bref, une envolée patriarcale comme peut en faire notre grand écrivain moustachu et ardent fumeur de pipes. Faut dire qu'il a de quoi raconter avec ses trois femmes, ses multiples enfants... Sans compter les autres, les putatifs et les petits-enfants issus de sa propension à la procréation naturelle. Comme tu le comprends, les clones, ça le fait bondir...


Donc, si je comprends bien, Marco Valdo M.I. mon ami, dit Lucien l'âne en grattant le sol devant lui d'un sabot exalté, tu as laissé le récit du narrateur dans le livre et tu nous en as concocté un autre... Et si je peux le savoir, es-tu disposé à me dire de quoi il s'agit et surtout, le pourquoi de cette trahison ?


Comme tu le sais, Lucien l'âne mon ami, il est une sorte de principe existentiel qui veut que l'occasion crée le larron. Et c'est précisément lui qui est tout à trac entré en action ici-même. Je m'explique. D'un côté, je l'avoue, j'avais du mal à mettre en canzone cette année 1996 dans la version de Günter Grass et comme je te l'ai déjà expliqué, une canzone, une chanson comme celles que je fais en partant de récits d'un auteur, demande un temps de maturation, parfois longue. Ici, je n'y arrivais pas. Il fallait que surgisse un déclencheur, une idée, un fil conducteur, un axe poétique en quelque sorte. Oh, il couvait sans doute depuis longtemps... Et il a surgi ce dimanche... Tu vas comprendre. D'abord : combien de fois, n'ai-je pas dit : REGARDEZ CE QU'ILS FONT AUX GRECS ou encore, combien de fois, n'ai-je pas parlé du « rêve d'Otto »... C'est une des clés.


Je commence à comprendre. Mais, Marco Valdo M.I. mon ami, tout cela est déjà abordé dans les précédentes histoires d'Allemagne ou dans d'autres de tes chansons... Mais, tu me dis, que c'est une des clés. Quelles sont les autres ?


Je dirais plutôt, « quelle est l'autre ? » Eh bien, Lucien l'âne mon ami, l'autre, c'est tout simplement le résultat des élections allemandes de ce dimanche et tout le tam-tam qui est fait autour d'Angela Dorothea Merkel, née Kasner, l'indéboulonnable chancelière allemande. Du moins, jusqu'à présent.


Mais tout a une fin...


D'ailleurs, en soi, elle importe peu. Comme d'autres avant elle, elle est le véhicule du « rêve d'Otto », qui comme tu l'as bien noté est le thème central de ces Histoires d'Allemagne. Restait quand même à trouver une autre clé, celle qui conduit à la canzonisation de notre héroïne. Et là, je dois bien avouer mon goût pour certain chanteur populaire de nos régions, tu l'as certainement déjà entendu, vu qu'il est un producteur de scies et de tubes, tout en poursuivant sa carrière de trente-six métiers. Bref, c'est en fredonnant son Angelina que m'est venue enfin cette canzone. J'ai d'ailleurs conservé – pour le rythme et le clin d'oeil une bonne citation de l'Angelina d'origine.



Angelina (Merkel)


Marco Valdo M.I., mon ami, je vais te prouver ici, illico, sur le champ que je connais moi aussi cette Angelina du Grand Jojo et te la réciter du début à la fin :

« ANGELINA


Elle faisait des macaronis
Dans une fabrique de spaghettis
Angelina
Angelina
C'était la reine de la pizzeria

Elle avait de beaux cheveux longs
Et des yeux noirs comme du charbon
Angelina
Angelina
Et elle jouait bien de la mandolina

Ti voglio bene
(Ti voglio bene)
Angelina, c'est la plus belle
Amore mio
(Amore mio)
Y a des p'tites fleurs sur ses jarretelles
Ma qu'elle est belle
Dans sa chemisette en flanelle
O mama mia
(O mama mia)
Angelina, baccia mi

Elle m'a présenté son papa
Ses frères, ses sœurs et sa mama
Angelina
Angelina
C'était la reine de la pizzeria

Oui, mais ce que je n' savais pas
C'est qu'ils étaient de la Mafia
Angelina
Et le lendemain j'ai pris le train
Pour l'Italie, voir le parrain

O mama
Zouma zouma, j'étais là
O mama
Qu'elle était chouette, Angelina
O mama
En Italie, ça va comme ça
Allez, tout le monde en chœur et en avant la musica !

Et le parrain était d'accord
On s'est mariés, c'était du sport
Entourés de nos deux témoins
Des moustachus, des Siciliens

En voyant sa robe de dentelle
Ils ont crié "Ma qu'elle est belle !"
Pendant que moi, j' tenais sa main
Elle m'a dit oui en italien

O mama
Zouma zouma, j'étais là
O mama
J'aurais jamais dû faire ça
O mama
En Italie, ça va comme ça
Allez, tout le monde en chœur et en avant la musica ! »...


Bravo, Lucien l'âne mon ami. Ceci dit, c'est quand même une chanson sur l'immigration italienne en Belgique... Donc, j'avais trouvé mon personnage et un substrat musical, suffisamment dérisoire pour portraicturer ce personnage d'Angelina. Et c'est ainsi que la Chancelière, incarnant le « rêve d'Otto » est devenue Angelina la bergère menant les moutons européens droit dans le cauchemar d'Otto.


Mais que viennent faire ici le buffle et l'agnelle ? Si tu le sais, dis-le moi... Donne-moi, là-aussi, au moins une clé...


Lucien l'âne mon ami, je ne pourrais rien te refuser. Note que là, on change carrément de registre et de procédé de décapage du vernis de la bonne et vertueuse société allemande. Alors, la clé s'appelle Heinrich Böll, auteur des Deux sacrements...qu'il te faudra bien aller lire pour découvrir le sacrement du buffle et celui de l'agneau, qui au féminin devient l'agnelle.


Allons, finissons cette petite conversation et voyons ta chanson et tissons le linceul de ce vieux monde cauchemardesque, clonesque, angélique, moutonnier et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Cette année-là, le professeur
Vonderbrügge devait me parler
De Megan et Morag, deux sœurs
Parfaites brebis clonées
Cependant, il ne le fit pas.
Je ne connais pas les clones, moi
Alors, je parlerai d'Angelina
Déjà ministre cette année-là

Elle avait de beaux cheveux blonds
Et des yeux d'un bleu profond
Angelina
Angelina
Avec un tempérament de bufflon

Alliance du buffle et de l'agnelle
Parfaite Union
Marquée à l'aune immortelle
Des deux sacrements germains
Angelina, d'ex-voto en ex-voto
Accomplit son destin
Portée par le rêve d'Otto

Elle avait un pasteur pour papa
Sa maman, un frère et sa sœur Irena
Angelina
Angelina
C'est la reine de la Germania
Angelina
Céleste agnelle
Au sourire d'agneau
Au front de buffle
Portée par le rêve d'Otto

De loin, de plus près, des bruits de pieds
Un troupeau de moutons gris
Brebis suivant le bélier
Agneaux suivant les brebis
Avec l'insouciance moutonnière
Ignorant les clones sans père
Suivait Angelina la bergère.
Avec la même insouciance moutonnière
Des troupeaux qu'on mène à l'abattoir
Marche maintenant l'Europe entière
Accomplissant le rêve d'Otto ou plutôt, son cauchemar.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire