1972
– Tortures et suicides d’État
Canzone
française – Tortures et suicides d’État
– Marco Valdo M.I. – 2012
Histoires
d'Allemagne 73
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
On
dirait un titre un peu comme le « Achtung Banditen ! »,
un titre qui annonce une atmosphère de terreur...
Mais
c'est bien de cela qu'il s'agit. Dans l'Allemagne de ces années-là,
et à la réflexion, dans toutes ces années que nous avons
parcourues jusqu'à présent – depuis 1900, la terreur a toujours
régné et pas n'importe quelle terreur, une terreur d’État et
toujours dirigée contre les mêmes gens, toujours dirigée contre
les pauvres et tous ceux qui ne se soumettaient pas à la Loi des
Riches. Je ne parle pas simplement de la loi légale, celle qui
transparaît au travers des lois, décrets, règlements en tous
genres, mais bien de cette Loi invisible mais terrible, la loi des
assis avec sa main invisible qui tue. C'est la loi implicite du
monde, la loi des lois comme la Guerre de Cent Mille Ans est la
guerre des guerres. La Fontaine en parlait déjà en disant :
« La loi du plus fort est toujours la meilleure ». Et
quand pour l'appliquer, les lois de l’État n'y suffisent pas, on
passe outre et on ne s'en soucie pas... C'est ce qu'on couvre
pudiquement du nom de raison d’État.
La
chose, Marco Valdo M.I., mon ami, ne s'arrête pas là... Par
exemple, quand les forces régulières n'y suffisent pas, l’État a
recours à des services « spéciaux » ou fait appel à
des milices « privées » et quand l’État ne s'y plie
pas assez, des forces occultes entrent en jeu et s'arrangent pour
changer l’État... En ce qui concerne l'Allemagne, il y eut les
deux premiers Reichs qui ne faisaient pas dans la dentelle et qui en
dernier ressort se lancèrent dans la guerre. Il y eut la République
de Weimar où la terreur était d'usage courant ; ensuite, à
nouveau un Reich et une guerre et puis, il y eut la RFA, gardienne de
ces traditions... Un pays où, par exemple, il ne fait pas bon d’être
communiste... Un pays où ces années-là, celles qui précèdent
directement celle qu'on narre ici, le patron des patrons (en fait le
maître occulte) était un ancien SS de haut rang. H.M.S.
(Hanns
Martin Schleyer),
qui avait rançonné la Tchécoslovaquie pour le compte du Reich. Et
derrière tout ça, toujours le même pouvoir occulte... les formes
de l’État changent, le pouvoir reste... dans les mêmes mains.
Souviens-toi du rêve d'Otto dans la chanson [[41588]]... On dit
rêve, car c'est plus poétique... En termes réalistes, on ferait
mieux de parler de projet d'Otto, qu'on appelle la « Grande
Allemagne » et dont bien des signes actuellement montrent qu'il
n'a pas été abandonné.
Bien
au contraire, même s'il n'est pas explicite, c'est lui qui
souterrainement conduit le bal européen. Et c'est précisément
cette tendance, cette volonté de puissance camouflée que
dénonçaient ceux qui menèrent le combat pendant des années et des
années à partir des années 50-60 du siècle dernier... Un combat
dans le prolongement de la résistance – d'où le « Ora e
sempre : Resistenza ! » – résistance qui elle
aussi parcourt toutes nos histoires d'Allemagne. Ainsi, on peut faire
le parallèle entre le destin de Müsahm assassiné en prison, puis
pendu – cette fois-là aussi, on parla de suicide [[38381]] et
celui d'Andreas Baader, de Gudrun Ensslin, d'Ulrike Meinhoff et des
autres suicidés des prisons de la RFA.
2
juin 1967 — Benno OHNESORG, étudiant, 27 ans, abattu par un
policier à Berlin
11
avril 1968 — Attentat contre Rudi DUTSCHKE à Berlin,
15
juillet 1971 — Petra SCHELM, 20 ans, militante de la « R.A.F. » –
Rote Armee Fraktion, abattue à Hambourg par la police.
4
décembre 1971 — Georg von RAUCH, 24 ans, militant de la « R.A.F.
» – Rote Armee Fraktion est abattu d'une balle dans la tête par
la police politique à Berlin.
2
mars 1972 — Thomas WEISBECKER, 23 ans, militant de la « R.A.F. »
– Rote Armee Fraktion, est descendu à Augsbourg d'une balle en
plein cœur tirée à trois mètres. Une exécution opérée par deux
agents de la police politique.
4
mai 1975 — Siegfried HAUSNER, 23 ans, membre du commando « Holger
Meins », meurt dans la prison de Suttgart-Stammheim.
29
juin 1975 — Katharina HAMMERSCHMIDT, 32 ans, militante de la «
R.A.F. » – Rote Armee Fraktion, atteinte d'un cancer depuis son
incarcération, n'ayant pas été soignée en prison, est transportée
dans un hôpital et y trouve la mort, étouffée par la tumeur, faute
d'y avoir été envoyée assez tôt.
8-9
mai 1976 — Assassinat déguisé en suicide (une pendaison
techniquement impossible...) de Ulrike MEINHOF (42 ans) dans la nuit
du 8 au 9 mai à la prison de Stammheim. Les magistrats refusent de
faire appel à un médecin et ensuite, les mêmes magistrats refusent
l'autopsie. http://bender27.wordpress.com/tag/mairendorf/
18
octobre 1977 – Liquidation des quatre derniers détenus de la
prison de Stammheim : Andreas BAADER (34 ans) et Jan-Karl RASPE (33
ans) sont « suicidés » au revolver d'une balle dans la
nuque , Gudrun ENSSLIN (37 ans) est pendue dans sa cellule (encore
une pendaison impossible, avec un câble d'un poste de radio, qu'elle
ne pouvait avoir dans sa cellule). Irmgard MÖLLER (30 ans), frappée
au couteau, est dans un état grave ; elle survivra.
le
philosophe et écrivain français Jean-Paul Sartre, qui avait été
le voir dans sa prison de haute sécurité, écrivit : « Ce
système est justement contre la personne humaine et la détruit. »
et il concluait : « On craint pour la vie de cinq détenus,
d'ici quelques semaines, quelques mois, dans quelques jours
peut-être. ...ou même, comme il est arrivé déjà une fois, de les
tuer. ». Je note que Sartre écrivait ça trois ans avant ces
assassinats en prison...
Et
les témoignages antérieurs des "suicidés" en apportent
la preuve.
[http://lesmaterialistes.com/declaration-jan-carl-raspe-proces-1976]
12
novembre 1977 – Ingrid SCHUBERT (33 ans) est «suicidée» à la
prison de Munich. Encore une étrange pendaison... On se pendait
beaucoup en ces temps-là dans les prisons de la RFA.
Pour
faire un peu le point sur cette longue série d'assassinats
politiques, on notera l'analyse d'un chroniqueur de cette époque :
« Une
partie de la gauche extraparlementaire — au regard de l'histoire et
des conditions particulières de l’État ouest-allemand et de son
type de société —, s'est décidée pour cette forme extrême de
combat. Son opposition vient de la
prise de conscience que les structures qui ont servi de base au
national-socialisme et ont donné naissance à la Seconde Guerre
mondiale, n'ont jamais été brisées en R.F.A. Le régime qui a
succédé au IIIe Reich a uniquement changé de façade et de
terminologie. Mais la propriété et les rapports de production sont
restés inchangés. »
Mais,
dis-moi, Marco Valdo M.I., mon ami, souvent tes chansons sont le fait
d'un narrateur et abordent l'histoire de manière un peu indirecte.
Qu'en est-il cette fois-ci ?
Maintenant,
pour en venir à la chanson, elle est comme à l’ordinaire, tirée
des récits de Günter Grass et en effet, il y a un narrateur. Mais
un double narrateur, un narrateur qui raconte l'histoire comme s'il
était le protagoniste et ensuite, se prend pour le protagoniste et
passe à la première personne, au « Je ». En résumé,
c'est l'histoire d'un Judas, d'un « indic », d'un
dénonciateur qui a des remords et a même du mal à comprendre
comment il en est arrivé là... Peut-être, Judas lui-même se
posait aussi ces questions... Et que faire du million de D.M. de la
« récompense »... Mais que pouvait-elle compenser cette
« compensation » ? Quelle vie atroce, après... On sent bien que le dénonciateur
a en fait agi dans une ambiance hystérique sous la pression énorme
et constante que l’État, les médias et toute la machine de
propagande opéraient – et font encore peser – sur la société.
Il n'y a qu'à voir ce qu'il en est actuellement. En fait, c'est
encore un épisode de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font
contre les pauvres, jour après jour, partout dans le monde... Comme
on le sait, il s'agit d'assurer leur pouvoir, de préserver leur
richesse et de permettre l'exploitation des gens par le travail.
Ainsi
donc, nous qui n'avons pas le goût, ni sans doute la force, de mener
la lutte comme l'ont fait ces jeunes gens d'Allemagne, il nous faut
rependre notre tâche quotidienne et tisser le linceul de ce vieux
monde ordinaire, suicideur, démocratiquement totalitaire,
manipulateur et cacochyme
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
D'habitude,
moi, c'est moi
Mais
curieusement, cette fois
Moi,
c'est lui et lui, c'est moi.
Je
dois dire les choses comme ça
Sinon,
on ne comprendrait pas
Personnellement,
je n'en reviens pas
D'avoir
fait cette chose-là
Mais
quelle pression pesait sur moi
Comme
sur tout le monde dans cet État
Je
m'en vais vous raconter ça
C'était
en 72, il y a des années déjà
D'abord,
il habitait Hanovre,
Il
était instituteur et membre du syndicat
Il
était de « gauche ». Je dois vous dire
Qu'il
l'est toujours, il le croit
Avec
ses remords de Judas
Sa
grande honte, du jour où il est devenu renégat
Où
il a vendu ses frères sans savoir pourquoi
Une
fille a frappé à la porte chez moi
Elle
m'a dit : Y a une fille, y a un gars
Il
faudrait les planquer chez toi
Moi,
j'ai accepté de faire ça
Maintenant,
je pense qu'il ne fallait pas
L'hospitalité,
c'est sacré. On ne trahit pas.
Enfin,
on les a arrêtés chez moi
C'est
vrai, c'est moi
J'ai
appelé le 110, mais c'était pas pour ça
Pas
pour ce million de marks de l’État
J'ai
beau l'avoir donné ce million-là
Il
me colle comme la poisse aux doigts
C'était
en 72, il y a des années déjà
D'abord,
il habitait Hanovre,
Il
était instituteur et membre du syndicat
Il
était de « gauche ». Je dois vous dire
Qu'il
l'est toujours, il le croit
Avec
ses remords de Judas
Sa
grande honte, depuis ce jour-là
Où
il a vendu ses frères sans savoir pourquoi
On
les a mis en isolement, dans cette prison d’État
Seul
en cellule, pas de bruit, des années, des mois
Pas
de lumière, pas de paroles, rien, même pas de pas
Torture
blanche, torture d’État
On
a voulu en faire des renégats
Leur
faire rendre leurs idées, abandonner leur combat
Ils
résistaient – Ora e sempre : Resistenza !,
Grève
de la faim pendant des mois
Comme
tout ça ne marchait pas
Finalement,
on les a suicidés à trois.
C'était
en 72, il y a des années déjà
D'abord,
il habitait Hanovre,
Il
était instituteur et membre du syndicat
Il
était de « gauche ». Je dois vous dire
Qu'il
l'est toujours, il le croit
Avec
ses remords de Judas
Sa
grande honte, du jour où il est devenu renégat
Où
il a vendu ses frères sans savoir pourquoi.
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