1978
– Papi Blues
Canzone
française – Papi
Blues– Marco
Valdo M.I. – 2012
Histoires
d'Allemagne 79
An
de Grass 78
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Papi
Blues, papi Blues, ça me rappelle quelque chose... N'y a-t-il pas
eu, il y a bien longtemps, dans ces années-là précisément, les
années 70, une chanson Mamy Blues... qui me rebattait les
oreilles... ce qui pour un âne est vraiment terrible. C'était, si
je me souviens bien, l'histoire d'une demoiselle qui partait à
l'étranger et qui revenait et qui souffrait d'une sorte de spleen
au souvenir de sa grand-mère... Mais la rengaine m'est restée dans
l'oreille... Le Blues de la grand-mère... Et voilà que tu m'assènes
un Blues du grand-père...
Pour
un âne, tu as de la mémoire... Il y eut en effet une chanson qui
correspondait à ce que tu racontes. Et c'est bien à sa rengaine que
renvoie le refrain et le titre Papi Blues est dès lors une
réminiscence de ce Mamy Blues. Mais là s'arrête la ressemblance.
Au titre et au refrain. Et d'abord, laisse-moi, te confier que c'est
un papi blues dans deux acceptions différentes... C'est aussi un
Pape Blues. Mais c'est surtout, une histoire d'Allemagne, celle de
l'année 1978, l'année des trois papes...
Trois
papes dans la même année... Ça n'a pas dû arriver souvent dans
l'histoire... Dans l'histoire récente plus que certainement.
Au
fait, je n'en sais trop rien. Je ne sais même pas s'il y a eu un
autre cas semblable. Mais c'est sûr, de ce point de vue, c'est une
année exceptionnelle. Et le petit couplet en dit plus long qu'il
n'en a l'air... Le premier des trois s'appelait Paul Six. D'aucuns
prétendent qu'on lui avait substitué un sosie et que ce serait ce
dernier qui serait mort... Que le Paul en question aurait été «
éloigné » par la force et vivrait encore... Il devrait avoir plus
de 115 ans. Tu imagines... Les mêmes prétendent qu'il reviendra sur
le trône de Pierre. Allez savoir.... Voilà pour l'escamotage. Le
deuxième avait souhaité s'appeler Jean-Paul Un et raconte-t-on, ne
voulait pas être pape. Il ne l'est pas resté longtemps... Un pape
express. Durée : 33 jours. Pourtant, il était jeune pour un pape...
À peine 65 ans. Un bien mystérieux décès, sans autopsie... On
raconte que derrière sa mort, il y avait une histoire de banquiers,
dont il n'aurait pas voulu couvrir les turpitudes... Histoire dont on
reparle actuellement au Vatican... Les histoires de banques sont
souvent bien mystérieuses.
En
effet, pour un pape, c'est jeune... Vingt ans de moins que
l'actuel... Le Joseph Alois Ratzinger qui jouait aux échecs avec
Günter Grass dans un camp, où l'on parquait les prisonniers
allemands en 1945.
Le
troisième, l'étranger... Ce fut un Polonais... Comme il prenait la
succession de Jean-Paul Un, on l'a appelé logiquement Jean-Paul
Deux. Il a tenu plus longtemps, presque un record, ça aussi. Mais
remarque ce « je partirai bien tôt » de Jean Paul Un ("bien
tôt" en deux mots... ce qui peut s'interpréter trop tôt, trop
vite par rapport à la norme, un départ précipité... alors qu'il
est en parfaite santé au moment où il le dit); un Jean-Paul Un qui
semble, en quelque sorte, prévoir son court destin et deviner qui on
mettra à sa place. Je conclus : Pape-blues, pape-blues, Ô
pape-blues.
Quer
pasticcio... Mais que raconte donc le reste de la canzone ?, dit
Lucien l'âne en ouvrant de grands yeux de basalte.
Le
reste de l'histoire est celle racontée par Günter Grass...
L'arrivée de la punkitude dans une famille sans histoires... Du
moins, en apparence. Les enfants se mettent à déjanter... Et puis,
le grand-père. Ancien banquier de haut vol qui , lui, déraille
vraiment... On finira par l'enfermer... En attendant, il se met à
révéler ce qu'il ne faudrait pas. Secret bancaire, secret d'État...
La collaboration des banquiers avec les chanceliers... Ou peut-être
bien l'inverse... Les chanceliers (et maintenant Chancelière)
pilotés par les banquiers... Une histoire de compromissions...
Fondée sur des faits réels, sur un personnage qui a réellement
existé et qui a réellement été le maître caché des finances
allemandes, le dénommé Hermann Josef Abs. Le papi de la chanson se
prend pour Abs, dont il fut un proche collaborateur. Manière comme
une autre d'exposer la continuité des finances d'un chancelier à
l'autre, d'un Reich à la république... À mon sens, toujours ce
projet d'Otto... La grande Allemagne... Deutchsland über Europa...
La finance comme moteur et guide du grand projet... La continuité
dans l'accumulation de richesses et de pouvoir... Avec en
arrière-plan, les ilotes...
Les
ilotes, les ilotes... dit Lucien l'âne venu des paysages les plus
antiques. Ça me rappelle quelque chose... Dans la Grèce antique,
les Lacédémoniens, qui se prenaient pour des gens supérieurs, pour
une race élue, en quelque sorte, s'étaient entourés d'un peuple
esclave... les ilotes, précisément. Les ilotes étaient là pour
assurer la richesse et le confort des maîtres... En somme, ils
étaient exploités... Un autre épisode de cette Guerre de Cent
Mille Ans que les riches et les puissants (les forts...) font aux
pauvres afin d'accroître leurs richesses, de les exploiter, de les
forcer à travailler...
C'est
bien de cela qu'il s'agit avec Abs et ses successeurs..., dit Marco
Valdo M.I. : amener par la finance l'Allemagne à la place qu'elle ne
put conquérir par les armes... et de fait, nous y voilà... À
propos des ilotes... Je tiens quand même à rappeler qu'en
l'occurrence, les premiers ilotes du système d'Abs, ce furent les
travailleurs ouest-allemands eux-mêmes et puis, les Ossies...
D’ailleurs, dans la canzone, on raconte qu'Abs, dans les premières
années 40 du siècle dernier, aryanisait partout en Europe... Ne
voit-on pas aujourd'hui pareille main-mise sur des tas d’entreprises
et même des pays entiers ? REGARDEZ CE QU'ILS FONT AUX GRECS... ILS
VOUS LE FERONT BIENTÔT.
Voilà
pourquoi, je suis content que tu racontes ces histoires d'Allemagne
et que tu éclaires un peu certaines tendances... Voilà pourquoi
aussi, il nous faut continuer à tisser le linceul de ce monde
impérialiste, manœuvrier, conquérant et cacochyme cependant.
(Heureusement !)
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
C'était
l'année des trois papes
Le
premier fut escamoté, raconte-t-on,
Le
pape est mort, un nouveau pape...
Le
second disait, raconte-t-on,
Je
partirai bien tôt et l'étranger
Assis
en face de moi va me succéder
Le
troisième, venu de Pologne, aura
Un
bien long pontificat
Pape-blues,
pape-blues,
Ô
pape-blues
Chez
nous aussi, ce fut
Un
joyeux tohu-bohu
Jusque
là, tout était calme chez grand-père
À
l'écart de la ville, au grand air
Dans
sa maison pleine de lumière
Le
grand jardin accueillait les fêtes des enfants
Même
Papi trouvait ça plaisant
Et
tout soudain sauta en l'air
Papi-blues,
papi-blues,
Ô
papi-blues
Le
premier à déraper fut Martin.
Notre
beau frisé, un beau matin,
S'en
revînt avec une tête d'Iroquois
Ensuite,
ce fut le tour de Monica
Aux
yeux d'un bleu si profond
Aux
magnifiques cheveux blonds
Moitié
vert pomme, moitié lilas
Et
ce n'était qu'un début...
On
n'avait encore rien vu
Papi-blues,
papi-blues,
Ô
papi-blues
Martin,
jeans troués et chaîne rouillée
Blouson
à clous et cadenas
Et
sa petie soeur Monica
Toute
en cuir et godasses de l'armée
Amenait
ses punks qui hurlaient des chansons
No
future, no future, jusqu'à la nausée.
On
en retrouvait partout dans la maison
Couchés,
vautrés, toute la sainte journée.
Papi-blues,
papi-blues,
Ô
papi-blues
Jusque
là, ça allait encore
C'est
quand le papi a disjoncté
Qu'on
a atteint le record
Un
homme discret, posé
Qui
avait été un si grand financier
Patron
de la Deutsche Bank en pantalon rayé
Dans
toute l'Europe, il allait aryaniser
Chut,
secret bancaire, ne pas en parler
Papi-blues,
papi-blues,
Ô
papi-blues
Comme
un coq, crête rouge au déjeuner,
Papi
déboule dans la cuisine
Tout
perclus d'épingles de sûreté
De
la braguette à la poitrine
Dans
les oreilles, dans le nez
Hermann
Josef Abs, il s'imagine
Encore
conseiller de chancelier
On
a dû le placer... Là, il continue ses combines...
Papi-blues,
papi-blues,
Ô
papi-blues
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