1971
– Golden
Shoot à Stuttgart
Canzone
française – Golden Shoot à Stuttgart – Marco Valdo M.I. –
2012
Histoires
d'Allemagne 72
Au
travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein
Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française
au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français
: Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Contre le « 218 » (deux-cent-dix-huit), tu as témoigné
Golden shoot à la gare de Stuttgart, terminé.
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Golden
shoot, kess'aco... De quoi tu causes dans cette histoire d'Allemagne
au titre si bizarre... Une histoire de tir à l'arc, un concours de
malades du fusil, un rendez-vous d'érotomanes... De quoi s'agit-il ?
Ah,
mon ami Lucien l'âne, il ne s'agit de rien de tout ça... Cependant,
c'est une terrible et belle histoire, c'est aussi une histoire
d'amitié et d'une amitié forte et réelle entre deux filles et une
histoire qui finit très mal. Par un Golden Shoot, précisément. Par
une overdose d'héroïne, si tu veux tout savoir tout de suite.
Une
histoire de droguées, alors ? Une sorte de fait-divers...
Sans
doute, aussi. Mais c'est bien plus que cela. Comme tu l'as vu
jusqu'ici, toutes ces histoires d'Allemagne et on en est à la
septantième deuxième, toutes ces histoires d'Allemagne sont des
paraboles. Elles parlent d'un fait précis (divers, si tu veux...
C'est, en effet, souvent le cas) et en même temps, elles racontent
l'histoire de l'Allemagne et souvent aussi, du monde. Je m'explique
celle-ci raconte l'histoire de deux jeunes filles et ce qu'il en
advient. Mais elle ne se passe pas n'importe quand, ni n'importe
où... Ni dans n'importe quel contexte... Regarde les deux premiers
vers :
«
Dans cette Allemagne mal remise de ses deux sales guerres
Encore
baignée du brun de ses douze ans d'Hitler... », c'est toute une
analyse politique et sociologique de la situation de l'Allemagne en
cette année-là...
Je
vois, je vois, dit Lucien l'âne. Je vois même que ça n'a pas
beaucoup changé...
Allons,
allons, il a coulé de l'eau sous les ponts du Rhin et de l'Elbe...
et peut-être, du moins, on peut l'espérer, les choses ont un peu
évolué...
Pas
si sûr, dit Lucien l'âne. Mais nous verrons, j'espère me tromper.
Cependant, ce qui se passe actuellement en Europe, ce qu'ils font aux
Grecs... et ce Gauleiter installé à Athènes... Tout ça, ne me dit
rien qui vaille.
Laissons-ça
pour l'instant et revenons à cette histoire. Elle se situe au moment
où la génération d'après-Hitler arrive à l'âge de la jeunesse,
découvre le monde, veut voyager pour échapper à l'atmosphère
étouffante de la « culture germanique » et plonge à tête perdue
dans la musique importée par l'invasion mass-médiatique en
provenance d'outre-Atlantique qui submerge l'Europe occidentale.
Cette avalanche va ravager l'Europe en important, sans doute aussi
via les bases étazuniennes, outre le rock et ses succédanés,
certaines consommations diantrement massacrantes. En toile de fond,
il y a le Vietnam et le napalm sur les rizières. Pour une des deux
filles de notre histoire, les choses vont très mal se passer... Elle
s'appelle Uschi – abréviation d'Ursula... Enceinte d'un soir,
consciente de son état d'héroïnomane, elle va trop longtemps
hésiter à avorter et finalement, le faire dans les pires
conditions. Elle s'en sortira encore, aidée par son amie. Mais,
reprise par la détresse, l'angoisse, la drogue, elle s'achèvera
dans ce Golden Shoot qui donne le titre à la chanson.
Mais
à propos, qu'est donc ce « 218 » ? Un parfum ?
Pas
vraiment. Il s'agit d'un article du Code Pénal, hérité de l'Empire
prussien, le premier Reich, qui punit l'avortement, sauf en cas de «
détresse au-dessus des lois », disait une réforme de la République
de Weimar en 1927. Les choses ont un peu évolué depuis, mais le
combat continue... Comme ici, rien n'est résolu et les vieilles
sorcières cléricales continuent à ricaner. Comme disait Léo Ferré
: « Le Vatican n'est pas d'accord... Il dit qu'à Liège, on a eu
tort... Quand tu verras un Pape sans bras, avec quoi donc il te
bénira... les Temps sont difficiles ». Tu vois bien que la chanson
va bien au-delà du fait-divers et qu'elle ne concerne pas que
l'Allemagne... Le combat pour le droit des femmes à avorter n'est
pas terminé... Même si Uschi fut obligée de passer par des
charlatans, d'avorter dans les pires conditions à cause de la bêtise
de toute une société et finit dans les toilettes de la gare de
Stuttgart...
Décidément,
votre monde des hommes est bien épouvantable. Il me donne une nausée
océanique. J'ai des vagues de dégoût qui me remontent des égouts
de toutes vos civilisations... mais, toi comme moi, nous « Noi, non
siamo cristiani, siamo somari » (Nous, nous ne sommes pas des
chrétiens, nous sommes des bêtes de somme) et heureusement.
Cependant et de plus en plus, avec plus d'acharnement encore, il nous
faut tisser le linceul ou le saint suaire de ce vieux monde puant,
mortellement ennuyeux, stupide, débile, clérical, nauséeux et
cacochyme
Heureusement
!
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Dans
cette Allemagne mal remise de ses deux sales guerres
Encore
baignée du brun de ses douze ans d'Hitler
Du
haut de nos vingt ans, on s'envoyait en l'air
On
fumait nos joints comme nos pères buvaient leurs bières
Dans
les discothèques venues d'outre-Atlantique
On
est allé chercher de nouvelles musiques
Désarticulées,
elles ne marchaient plus au pas
Comme
celles qui avaient fait pourrir nos papas
Nous
les filles, on s'en emplissait les oreilles
Dylan,
Deep Purple, Pink Floyd et autres merveilles
On
s'éclatait, mais des deux, j'étais la plus sage
Uschi
préférait Steppenwolf – elle était plus sauvage
Je
te garde au cœur, Uschi
À
deux jusqu'aux matins
On
était de sortie
On
se tenait la main
On
était deux filles
Et
on s'aimait bien.
Loin,
ailleurs, autre part, n'importe où, ou là-bas
Partir,
partir, partir, on ne pensait qu'à ça
On
rêvait toutes deux d'être hôtesses de l'air
Dans
ce monde trop froid où perdurait la guerre
Pendant
qu'au Vietnam, ils bombardaient les rizières
Toi,
tu étudiais les langues étrangères
Moi,
je volais déjà sur les lignes intérieures
Je
n'avais plus le temps de jouer les grandes sœurs
Shit,
piqûre, héroïne, ma pauvre amie Uschi
Enceinte,
tu ne te souvenais pas de qui
J'aurais
jamais dû te laisser seule dans la nuit
J'aurais
dû t'emmener dans un autre pays
Je
te garde au cœur, Uschi
À
deux jusqu'aux matins
On
était de sortie
On
se tenait la main
On
était deux filles
Et
on s'aimait bien.
L'enfant
était là et tu voulais le garder
Mais
avec l'héroïne, il était mal barré
De
docteur en docteur, t'as voulu avorter
Mais
courageusement, ils ont tous refusé
Pour
mille marks, à Londres, j'ai voulu t'envoyer
Tous
frais payés, au Nursing home pour avorter.
Tu
voulais, tu voulais pas, tu ne savais plus quoi
Éperdue,
tu as coupé les ponts avec moi
Charlatans,
savon de Marseille en injection
Chasse
d'eau. Toilette. Paraît que c'était un garçon.
Contre
le « 218 » (deux-cent-dix-huit), tu as témoigné
Golden
shoot à la gare de Stuttgart, terminé.
Je
te garde au cœur, Uschi
À
deux jusqu'aux matins
On
était de sortie
On
se tenait la main
On
était deux filles
Et
on s'aimait bien.
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