1979
– Le Tambour et mon grand Amour, Nosferatu, le Vampire
Canzone
française – Mon
grand amour, le Tambour et Nosferatu, le Vampire –
Marco Valdo M.I. – 2012
Histoires
d'Allemagne 78
An
de Grass 79
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Salut,
Lucien l'âne mon ami, il y avait un certain temps que tu avais
disparu... Je me demandais où tu étais passé... Ce n'est pas que je
sois curieux, mais, à la vérité, j'étais inquiet.
Enfin,
Marco Valdo M.I., mon ami, ne t'emballe pas ainsi... Si j'étais
mort, je te l'aurais dit... Je ne suis pas un âne public, moi. J'ai
une vie privée et je ne tiens pas à l'étaler sur la place publique
et moins encore sur les écrans du monde. Je suis un âne tranquille
et à part converser avec toi, je me tiens coi. Et puis, comme tu
sais, je suis un âne voyageur. Ainsi, parfois, je vais faire un
tour, une petite villégiature, le nez au vent, bien campé sur mes
sabots. Mais, maintenant que je suis revenu, j'aimerais tant savoir
quelle chanson , quella canzone, tu me réserves...
Et
bien, Lucien l'âne mon ami, me voici rassuré... Tu n'étais ni
mort, ni malade. Et comme tu reviens, juste au moment où tu reviens,
je termine une de mes histoires d'Allemagne. Celle de l'année 1979,
c'est-à-dire celle de l'an de Grass 79. Par parenthèse, nous sommes
en l'an de Grass 112 ; l'an 112 de l'ère de Grass. Je te rappelle
que l'ère de Grass commence très exactement en l'an 1900 après
zéro, l'année où l'on a réinitialisé le compteur.
Ah,
une de tes Histoires d'Allemagne... je les aime bien celles-là. Mais
que raconte-t-elle et d'abord, comment s'appelle-t-elle ?
Comment
s'appelle-t-elle ? Bonne question. Je n'en sais rien... je n'en sais
rien car la narratrice ne dit jamais son nom. Car il y a trois
personnages dans cette histoire ; un triangle classique : le mari –
ici, Klaus-Stephan, l'amoureux – ici, Frank et la dame sans nom. Et
c'est une vraie scène de ménage à laquelle on assiste où la dame
s'explique et se défend face à la jalousie (réelle ou supposée)
de son très cher Klaus-Stephan.
Je
vois, dit l'âne Lucien un peu désappointé. Je vois, c'est
l'histoire classique et sans grand intérêt que l'on trouve dans
bien des romans ou dans nombre de pièces de théâtres, ou dans les
films ou souvent, dans les faits-divers des journaux. Il n'y a là
rien que de banal. Si c'est toute ton histoire d'Allemagne...
Mais
non, mais non... Sois un peu patient... Ce n'est là que le cadre de
l'histoire, en quelque sorte, le décor dans lequel elle se passe, le
prétexte à une anecdote qui rapporte une aventure plus
exceptionnelle. En fait, c'est un triangle fantôme, une hypothèse
de triangle, dont on verra qu'elle ne tient que sur un très petit
angle. On a donc, elle (comment l'appeler autrement ?) qui, mise sous
pression par K, est en quelque sorte sommée de s’expliquer à
propos de sa relation amoureuse avec le dénommé F. Il ressort de
ses explications qu'elle ne l'a connu que peu et ne lui a sans doute
même jamais parlé. Mais, on apprend aussi que F – qui avait
quinze ans au moment des faits (douze années auparavant, ce qui nous
ramène à 1967) n'était certes pas le protagoniste de l'action,
mais un des figurants de second plan dans cet authentique exploit
doublement familial. Un exploit qui a eu un grand retentissement
politique... et qui fut fortement diffusé par les médias.
L'histoire que révèle la narratrice est celle de deux familles de
Thuringe (en Démocratique) qui sont arrivées en Franconie (en
Fédérale) en passant par-dessus le rideau de fer en ballon. Un
voyage en ballon de Pössneck à Naila, et même deux voyages en
ballon, car le premier avait échoué à cause d'une poisse terrible
: un brouillard glacé et humide, qui les dérouta et les fit se
poser du côté démocratique de la frontière. Il leur a fallu bien
de l'audace pour recommencer et d'abord, se procurer le tissu pour
faire les ballons en question... Car ils les ont cousu la nuit, avec
d'excellentes machines électriques, fabriquées en Démocratique.
Évidemment, ils ont eu droit aux premières des journaux fédéraux
et jusqu'en Amérique, aux actualités des télés... Voilà
l'affaire. Et la canzone s'intitule, car je vois que cela aussi tu
veux le savoir : « Le Tambour et mon grand Amour, Nosferatu le
Vampire ».
Bien,
bien, j'ai compris... Mais ce titre, cette fois encore, je n'y
comprends rien...
Comme
tu t'en es sans doute déjà rendu compte, le titre d'une canzone
trouve souvent sa raison d'être dans la chanson elle-même. Il est
d'ailleurs très souvent énigmatique pour diverses raisons et
notamment deux. La première, c'est qu'il faut connaître la chanson
pour comprendre le titre ; la seconde, c'est qu'un titre énigmatique
interpelle plus qu'un titre banal. Prenons l'exemple du roman de
Boris Vian : « L'Automne à Pékin » ; on n'y parle ni de
l'automne, ni de Pékin. Mais c'est un titre qui a de l'allure.
Certes, Vian aurait pu intituler ce roman : « La ligne au milieu du
désert »... mais ça avait un parfum moins exotique.
Ce
qui n'aurait pas été mal non plus, tous comptes faits, dit Lucien
l'âne, enchaînant sur le propos. Cependant, que viennent faire dans
cette histoire de ballon d'Allemagnes, le Tambour et Nosferatu le
Vampire ?
Il
y a le prétexte d'abord : Klaus-Stephan fâché fait la tête,
disons une drôle de tête, un peu effrayante qui fait penser à une
tête de vampire, une tête de Nosferatu, alias Dracula, on peut dès
lors supposer qu'elle a vu Nosferatu au cinéma et pour apaiser cette
dispute, elle propose d'aller au cinéma voir Le Tambour. Quand on
creuse un peu l'affaire, on s'aperçoit que les deux grands films
allemands de l'année sont précisément : Nosferatu, fantôme de la
nuit (Nosferatu: Phantom der Nacht) de Werner Herzog, un "remake"
du grand film de Murnau et Le Tambour (Die Blechtrommel) est un film
de Volker Schlöndorff, avec en plus un clin d’œil à Günter
Grass , auteur du roman originel, paru vingt ans auparavant en 1959
et bien entendu, source directe de nos histoires d'Allemagne.
Cette
fois, ça va. On peut écouter ta canzone....
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Mais
enfin, Klaus-Stephan, c'est toi
Mais
oui, c'est toi, rien que toi
Là,
maintenant, tu es mon amour
Mon
chéri, c'est vrai tous les jours
Mais
enfin, Klaus-Stephan, tu ne me crois pas ?
Bien
sûr, il y a eu Frank, mais c'était pas comme toi
Lui,
c'était le coup de foudre. Et puis, voilà...
Un
coup d'amour, un truc qui vient comme ça
Mais
enfin, Klaus-Stephan, j'avais à peine treize ans
Et
puis, je te raconte cette histoire d'antan
Frank
avait à peine quinze ans
Quand
il est tombé du ciel avec ses parents
Mais
enfin, Klaus-Stephan, c'étaient des héros
Nimbés
du soleil de septembre, par dessus les vopos
Ils
ont traversé le couloir de la mort, survolant les barbelés,
Et
c'est chez nous à Naila, qu'ils ont débarqué.
Mais
enfin, Klaus-Stephan, tu ne t'en souviens pas ?
Leur
histoire a fait le tour du monde au moins cent fois
Il
y avait les télés, les photographes et tout ça
Les
journalistes, les politiques en ont fait tout un plat
Mais
enfin, Klaus-Stephan, ne fais pas cette tête-là
Je
vais tout te raconter, écoute-moi,
C'est
quand même une histoire peu ordinaire
De
passer en ballon le rideau de fer
Mais
enfin, Klaus-Stephan, j’étais une enfant
Et
pour être franche, je ne lui ai même pas parlé
À
ce héros du ballon, à cet aérostier
C'est
bien simple, je n'aurais même pas osé
Mais
enfin, Klaus-Stephan, arrête de bouder
Tu
as une tête de vampire, un vrai Nosferatu
Je
ne t'aurais rien raconté, si j'avais su
On
aurait été voir Le Tambour au ciné.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire