1917 - Alerte
au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Canzone
française – Alerte au gaz !
Gaaz ! Gaaaz ! – 1917 – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires
d'Allemagne 18
An
de Grass : 17
Au
travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle »
(Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition
française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses
traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Une
année charnière que cette année 1917... Comme tu le sais ou tu
devrais le savoir, mon ami Lucien l'âne, ce fut cette année-là que
la révolution des Soviets triompha en Russie. Ce fut un événement
considérable et qu'on n'est pas près d'oublier, tant il a suscité
d'espoirs, tant il ouvrait de perspectives positives aux peuples du
monde entier. Que cette révolution fut par la suite trahie par une
bande d'arrivistes incompétents est une autre histoire et qu'à
cause de ces apparatchiks, les peuples n'ont pas réussi cette
fois-là à construire un monde à la fois, libre et collectivement
organisé, n'empêche pas qu'ainsi est né l'espoir et qu'il viendra
sans (aucun) doute le temps où un tel monde s'imposera; il y va de
la survie de l’espèce. Cela dit, les Histoires d'Allemagne
continuent et également cette extraordinaire rencontre entre À
l'Ouest et les Orages.
Et
comment que je sais que cette année 1917 fut l'année où la
révolution des Soviets, qu'on appelle par ici des Conseils ouvriers
– il y en aura d'ailleurs un peu partout, des Conseils et des
révolutions jusqu’à Vienne, à Berlin, à Turin... – écrivit
un épisode plein d'espoir de la Guerre de Cent Mille Ans où les
riches, qui mènent impitoyablement cette guerre contre les pauvres
afin d'étendre leurs pouvoirs, de multiplier leurs richesses,
d'accroître leur domination, de satisfaire leurs avidités, durent
reculer, lâcher prise. Il y avait là comme une aurore nouvelle,
comme un vent de libération qui se levait sur le monde, qui
soulevait mille enthousiasmes dans les cœurs...
Donc
en 1917, commençaient les grands bouleversements, qui dans nos
histoires d'Allemagne vont amener la République de Weimar. Là, on
est encore dans les transes préliminaires à la « paix », mais
quelle paix ? C'est ici aussi que ces Histoires d'Allemagne
commencent à s'accoupler à la réalité d’aujourd’hui... Je
m’explique : comme on le voit, ce sont des histoires de
soubresauts... Un peu comme maintenant dans cette révolution
méditerranéenne... En 1917, des révolutions éclatent un peu
partout, ou vont le faire très rapidement et qu'en sera-t-il après
? Cet effet de gestation, on le verra à l’œuvre... Si tu veux
bien, je fais le point de la trajectoire depuis plus d'un siècle, on
est passé de la Prusse, à l’Allemagne, de l'Allemagne à la
Grande Allemagne (deux tentatives manquées – sans doute un
problème de méthodes) et on voit l'actuelle tentative de faire
aboutir ce dessein de Guillaume dans la grande Europe encore en
gestation elle aussi.
C'est
inquiétant, dit Lucien l'âne, cette prise en main progressive de
l'Europe par l'Allemagne... Cette grande Europe... Il faudrait faire
attention... Mais revenons à la canzone. Que raconte-t-elle
précisément ?
Comme
son titre l'indique, c'est l'histoire des gaz comme instruments de
combat. Elle montre l'usage qui en a été fait pour une des
premières fois à cette échelle dans les tranchées de l'Yser et de
la Somme. Mon propre grand-père, comme je te l'ai dit, a été gazé
à l'ypérite et il s'en est plus ou moins bien tiré avec des
poumons en compote et un pancréas quasiment hors service, un diabète
très invalidant... pour le reste de sa vie. Des milliers et des
milliers d’autres s'en sortiront encore moins bien ou pas du tout.
Une saloperie les gaz. Cela dit pour la composition de la canzone et
ces hurlements « Alerte au gaz », elle tend à refléter l'effet de
panique que l'arrivée du gaz avait sur ceux qui en savaient les
effets. C'est Erich-Maria Remarque, dit À l'Ouest, qui, un
demi-siècle après, réagit encore avec virulence dans un restaurant
chic de Zurich (Zürich, Zuri, Zurigo) en criant :
Alerte
au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte
au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte
au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte
au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
C'est
une mort atroce qui attend les gazés... Et ceux qui ont survécu en
garderont l'indélébile souvenir dans leur corps et dans leur
mémoire. Le pire, vois-tu Lucien l'âne mon ami, c'est que la leçon
n'a pas été retenue ou qu'elle a été trop bien apprise – ça
dépend où on se place... On continue (version soft) avec les gaz
lacrymogènes (dans nos pays, dans nos villes) et on poursuit à coup
de nuages létaux... dans les pays où l'on fait la guerre ouverte
(ce fut le cas au Vietnam, en Irak, en Afghanistan, en Syrie, par
exemple). Avec d'intenses perfectionnements : on tue plus, plus vite
et plus longtemps avec les gaz à l'uranium enrichi...
Décidément,
dit Lucien l'âne, en voilà de bien vilaines façons. Comment
peut-on d'ailleurs parler sérieusement de loi de la guerre – la
seule loi de la guerre étant de tuer l'adversaire... On est bien
dans une guerre sans merci et sans véritable loi ; la seule loi de
la paix, c'est qu'il n'y ait pas de guerre du tout, ni ouverte, ni
rampante. Et la seule façon de se débarrasser de la guerre (de Cent
Mille Ans), c'est de mettre fin à ce monde, de tisser obstinément,
envers et contre tout, le linceul de ce vieux monde menteur, lâche,
assassin et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Alerte
au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte
au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte
au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte
au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
À
l'Ouest, debout gueulait comme en enfer
Orages
sonnait l'alarme en faisant tinter les verres
Les
tranchées allemandes eurent droit au phosgène des Anglais
Les
gazés pleuraient, râlaient, vomissaient
Même
si on enduit de graisse les fusils
C'est
en crachant les poumons brûlés qu'on finit
Ces
visages pâles comme des navets
Ces
uniformes trop grands pour la paix.
Ces
jeunes types, têtes bleues, lèvres noires
Engendraient
les plus grands désespoirs
Alerte
au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte
au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte
au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte
au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Ces
pauvres types, en première ligne dans leur abri enterré,
Avaient
des allures de cadavres désemparés
Ils
avaient le visage inexpressif d'enfants morts
Nous,
à Ypres, on lança le gaz moutarde sans remords
Nappes
de gaz inodores, à peine discernables
Sulfure
d'éthyle en très fines gouttelettes, imparable.
Avec
lui, le masque ne servait plus à rien
C'est
lui qui envoya jusqu'à la fin de la guerre
À
l'hôpital, un certain caporal aryen
Qui,
vingt ans après, remit le feu à toute la terre
Alerte
au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte
au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte
au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte
au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire