vendredi 18 juillet 2014

1917 - Alerte au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !

1917 - Alerte au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !


Canzone française – Alerte au gaz ! Gaaz ! Gaaaz ! – 1917 – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires d'Allemagne 18


An de Grass : 17
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.



Alerte au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !



Une année charnière que cette année 1917... Comme tu le sais ou tu devrais le savoir, mon ami Lucien l'âne, ce fut cette année-là que la révolution des Soviets triompha en Russie. Ce fut un événement considérable et qu'on n'est pas près d'oublier, tant il a suscité d'espoirs, tant il ouvrait de perspectives positives aux peuples du monde entier. Que cette révolution fut par la suite trahie par une bande d'arrivistes incompétents est une autre histoire et qu'à cause de ces apparatchiks, les peuples n'ont pas réussi cette fois-là à construire un monde à la fois, libre et collectivement organisé, n'empêche pas qu'ainsi est né l'espoir et qu'il viendra sans (aucun) doute le temps où un tel monde s'imposera; il y va de la survie de l’espèce. Cela dit, les Histoires d'Allemagne continuent et également cette extraordinaire rencontre entre À l'Ouest et les Orages.


Et comment que je sais que cette année 1917 fut l'année où la révolution des Soviets, qu'on appelle par ici des Conseils ouvriers – il y en aura d'ailleurs un peu partout, des Conseils et des révolutions jusqu’à Vienne, à Berlin, à Turin... – écrivit un épisode plein d'espoir de la Guerre de Cent Mille Ans où les riches, qui mènent impitoyablement cette guerre contre les pauvres afin d'étendre leurs pouvoirs, de multiplier leurs richesses, d'accroître leur domination, de satisfaire leurs avidités, durent reculer, lâcher prise. Il y avait là comme une aurore nouvelle, comme un vent de libération qui se levait sur le monde, qui soulevait mille enthousiasmes dans les cœurs...


Donc en 1917, commençaient les grands bouleversements, qui dans nos histoires d'Allemagne vont amener la République de Weimar. Là, on est encore dans les transes préliminaires à la « paix », mais quelle paix ? C'est ici aussi que ces Histoires d'Allemagne commencent à s'accoupler à la réalité d’aujourd’hui... Je m’explique : comme on le voit, ce sont des histoires de soubresauts... Un peu comme maintenant dans cette révolution méditerranéenne... En 1917, des révolutions éclatent un peu partout, ou vont le faire très rapidement et qu'en sera-t-il après ? Cet effet de gestation, on le verra à l’œuvre... Si tu veux bien, je fais le point de la trajectoire depuis plus d'un siècle, on est passé de la Prusse, à l’Allemagne, de l'Allemagne à la Grande Allemagne (deux tentatives manquées – sans doute un problème de méthodes) et on voit l'actuelle tentative de faire aboutir ce dessein de Guillaume dans la grande Europe encore en gestation elle aussi.


C'est inquiétant, dit Lucien l'âne, cette prise en main progressive de l'Europe par l'Allemagne... Cette grande Europe... Il faudrait faire attention... Mais revenons à la canzone. Que raconte-t-elle précisément ?


Comme son titre l'indique, c'est l'histoire des gaz comme instruments de combat. Elle montre l'usage qui en a été fait pour une des premières fois à cette échelle dans les tranchées de l'Yser et de la Somme. Mon propre grand-père, comme je te l'ai dit, a été gazé à l'ypérite et il s'en est plus ou moins bien tiré avec des poumons en compote et un pancréas quasiment hors service, un diabète très invalidant... pour le reste de sa vie. Des milliers et des milliers d’autres s'en sortiront encore moins bien ou pas du tout. Une saloperie les gaz. Cela dit pour la composition de la canzone et ces hurlements « Alerte au gaz », elle tend à refléter l'effet de panique que l'arrivée du gaz avait sur ceux qui en savaient les effets. C'est Erich-Maria Remarque, dit À l'Ouest, qui, un demi-siècle après, réagit encore avec virulence dans un restaurant chic de Zurich (Zürich, Zuri, Zurigo) en criant :

Alerte au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !

C'est une mort atroce qui attend les gazés... Et ceux qui ont survécu en garderont l'indélébile souvenir dans leur corps et dans leur mémoire. Le pire, vois-tu Lucien l'âne mon ami, c'est que la leçon n'a pas été retenue ou qu'elle a été trop bien apprise – ça dépend où on se place... On continue (version soft) avec les gaz lacrymogènes (dans nos pays, dans nos villes) et on poursuit à coup de nuages létaux... dans les pays où l'on fait la guerre ouverte (ce fut le cas au Vietnam, en Irak, en Afghanistan, en Syrie, par exemple). Avec d'intenses perfectionnements : on tue plus, plus vite et plus longtemps avec les gaz à l'uranium enrichi...


Décidément, dit Lucien l'âne, en voilà de bien vilaines façons. Comment peut-on d'ailleurs parler sérieusement de loi de la guerre – la seule loi de la guerre étant de tuer l'adversaire... On est bien dans une guerre sans merci et sans véritable loi ; la seule loi de la paix, c'est qu'il n'y ait pas de guerre du tout, ni ouverte, ni rampante. Et la seule façon de se débarrasser de la guerre (de Cent Mille Ans), c'est de mettre fin à ce monde, de tisser obstinément, envers et contre tout, le linceul de ce vieux monde menteur, lâche, assassin et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.




Alerte au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !

À l'Ouest, debout gueulait comme en enfer
Orages sonnait l'alarme en faisant tinter les verres
Les tranchées allemandes eurent droit au phosgène des Anglais
Les gazés pleuraient, râlaient, vomissaient
Même si on enduit de graisse les fusils
C'est en crachant les poumons brûlés qu'on finit
Ces visages pâles comme des navets
Ces uniformes trop grands pour la paix.
Ces jeunes types, têtes bleues, lèvres noires
Engendraient les plus grands désespoirs

Alerte au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !

Ces pauvres types, en première ligne dans leur abri enterré,
Avaient des allures de cadavres désemparés
Ils avaient le visage inexpressif d'enfants morts
Nous, à Ypres, on lança le gaz moutarde sans remords
Nappes de gaz inodores, à peine discernables
Sulfure d'éthyle en très fines gouttelettes, imparable.
Avec lui, le masque ne servait plus à rien
C'est lui qui envoya jusqu'à la fin de la guerre
À l'hôpital, un certain caporal aryen
Qui, vingt ans après, remit le feu à toute la terre

Alerte au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !
Alerte au gaz ! Gaaz ! Gaaaz !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire