1926
- Le Bois de l'Empereur
Canzone
française – Le Bois de l’Empereur – 1926 – Marco Valdo M.I.
– 2011
Histoires
d'Allemagne 27
An
de Grass : 26
Au
travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle »
(Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition
française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses
traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Le Kaiser débite des troncs dès le matin
Quant au petit bois, il l'éclate de sa main
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Nous
voici, Lucien l'âne mon ami, arrivés à l'année 1926. Cette
année-là, cela faisait déjà sept ans que Wilhelm II, le Kaiser
déchu avait dû se résoudre à l'exil et à se mettre sous la
protection de sa parente Wilhelmine. Il lui avait demandé l'asile
politique, elle le lui avait accordé et depuis, il vivait à Doorn.
Il y mourra en exil, le 5 juin 1941. Ne sois surtout pas inquiet pour
lui, il y vivait dans une sorte de château (Huisdoorn) avec une
belle grande propriété autour, comportant notamment des bois. C'est
son maître d'équipages qui est le narrateur. Comme tu le verras,
Wilhelm II, en français tu t'en souviens certainement : Guillaume
II, n'a toujours pas digéré l'armistice de novembre 1918, ni sa
propre abdication, ni d'ailleurs, l'idée qu'il aurait perdu une
guerre qu'il avait préparée depuis si longtemps, ni que
l'Allemagne, qu'il incarne, aurait pu perdre la guerre.
Mais
enfin, Marco Valdo M.I. mon ami, tout cela est bien infantile et
terriblement égocentrique. On dirait même qu'il considère que lui
et l’Allemagne ne font qu'un...
En
effet, Lucien l'âne mon ami, c'est ce qu'il considère et dans le
même temps, il s'en prend à d'autres à propos de cette
capitulation. Selon lui, à peu près tout le monde est responsable
de la défaite, excepté lui-même. Il va de soi qu'en cas de
victoire, c'eût été l'inverse... C'eût été la preuve (une de
plus) éclatante de son génie... C'est un monsieur « Je sais tout
», je suis le meilleur de tous, tout ce que je fais est bien et si
la réalité n'est pas celle que j'aimerais, c'est de sa faute, c’est
la réalité qui a tort. Et d'ailleurs, si on m'écoutait...
Il
me semble qu'il n'est pas le seul de ce genre dans ce monde de
psychopathes. Par exemple, actuellement, on en trouverait un paquet
de gens qui comme lui prétendent diriger leur entourage, leur
région, leur pays, le monde, qui assurent être l’incarnation d'un
peuple ou son élu ou son guide.
Le
pire dans tout ça, vois-tu mon ami Lucien l'âne, ce n'est pas
qu'ils soient aussi délirants, mais c'est qu'on les laisse faire et
même plus grave encore, qu'on les croie... Je ne dis pas ça pour
toi, bien évidemment, mais quand même, ils sont nombreux les
adulateurs de ces déments. Et je ne sais trop qui, dans ce jeu de
dupes, du flatté ou des flatteurs en tire profits. Tous sans doute,
c'est un phénomène de biparasitisme symbiotique. Et comme concluait
le bon La Fontaine... : Cette leçon, dit le renard, vaut bien un
fromage, sans doute.
Comme
je vois ou plutôt, comme j'entends, le narrateur, dit le compteur,
nous fait part des ruminations de Guillaume II... En somme, grâce à
cette chanson, on pénètre dans le monde des pensées et des
arrières-pensées d'un de ces dictateurs, car finalement, il faudra
bien les appeler par leur nom ces malades de pouvoir, ces gonflés
d'auto-suffisance. Avec cette boulimie, cette avidité, on est au
cœur de ce qui est le premier moteur de la Guerre de Cent Mille Ans
que les riches mènent obstinément contre les pauvres afin de
satisfaire leur avidité, de nourrir leurs ambitions, de gonfler
leurs richesses, de faire prospérer leurs privilèges... C'est pour
mettre fin à tout cela, à la richesse étouffant la vie qu'il nous
faut tisser le linceul de ce vieux monde insatiable, riche, ambitieux
et cacochyme.
Heureusement !
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Quatre
barres verticales, une en travers
Cinq
arbres, cinq arbres par terre
Quatre
barres verticales, une en travers
Cinq
arbres, cinq arbres par terre
À
Doorn, Guillaume II déchu soigne ses bosses
Moi,
je m'occupe des voitures et des carrosses
Le
Kaiser débite des troncs dès le matin
Quant
au petit bois, il l'éclate de sa main
Pour
chauffer la demeure et les dépendances
Il
passe à la hache sa rage contre la France.
Moi,
je fais le compte, je suis le compteur
Des
arbres abattus par l’Empereur
Quatre
barres verticales, une en travers
Cinq
arbres, cinq arbres par terre
Quatre
barres verticales, une en travers
Cinq
arbres, cinq arbres par terre
Foi
de compteur, j'en suis le témoin.
Sur
mon carnet... Des milliers d'arbres
De
sa main, couchés sur les chemins,
Je
les ai comptés un à un, plus de douze mille arbres.
« C'est
la faute à ce Ludendorff ! », crie-t-il en colère
Et
puis au prince, aux ministres, aux partis
La
faute aux Autrichiens et aux rouges aussi...
Un
armistice. On n'a même pas perdu la guerre !
Quatre
barres verticales, une en travers
Cinq
arbres, cinq arbres par terre
Quatre
barres verticales, une en travers
Cinq
arbres, cinq arbres par terre
Et
la guerre, dit-il, je ne l'ai pas voulue
C'est
de l'étranger qu'elle est venue.
Un
Kaiser de paix, voilà ce qu'il est
À
chaque coup de hache, sa droite portait.
En
ce moment, ça bouge pas mal au pays
L’Allemagne
va se réveiller... Si aujourd'hui,
Ou
demain, le peuple allemand
M'appelle...
Je suis prêt à l'instant.
Quatre
barres verticales, une en travers
Cinq
arbres, cinq arbres par terre
Quatre
barres verticales, une en travers
Cinq
arbres, cinq arbres par terre
Mon
abdication, ils me l'ont imposée
J'ai
été lâché par ce Scheidemann et l'armée
Impossible
de rentrer à Berlin
Les
rouges tenaient les ponts du Rhin
Il
ne restait plus qu'une chose à faire
Me
tirer une balle ou passer la frontière.
Ici,
à Doorn, on replante chaque année
On
ne compte plus les souches éplorées.
Quatre
barres verticales, une en travers
Cinq
arbres, cinq arbres par terre
Quatre
barres verticales, une en travers
Cinq
arbres, cinq arbres par terre
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