1920
- La Locomotive Unitaire
Canzone
française – La Locomotive
Unitaire – 1920 – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires
d'Allemagne 21
An
de Grass : 20
Au
travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle »
(Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition
française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses
traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Locomotive de l'Allemagne unie, machine unitaire
Elle arrive à joindre en un seul élan salutaire
Rostock à Fribourg, Flensbourg à Constance
Le Mecklembourg à la Sarre, Berlin à Mayence,
Ah,
dit Lucien l'âne , voici une nouvelle histoire de locomotive. Elle a
déjà fait couler beaucoup d'encre la
locomotive de Guccini. Est-ce de celle-là qu'il s'agit encore ?
Pas
du tout. Ce serait plutôt celle de Goethe ou de Bismarck qui en
rêvaient, tout comme dans le même moment, ils imaginaient un grand
Reich allemand et le chemin de fer comme moyen de faire l'unité d'un
si grand pays et encore si divisé. Et dans les faits, c'est ce qui
finalement se produisit... Mais curieusement, ce furent les
sociaux-démocrates de Weimar qui imposèrent cette unité nationale,
tirée du néant par la locomotive. La Reichsbahn fut la première
institution liante et reliante de cette Allemagne unitaire, qui se
cherchait depuis un certain temps déjà. Et curieusement, une
institution de paix, un immense service public et prospère. Voilà
ce que raconte la chanson du jour. C'est son côté lumineux qui
montre combien l'effort collectif et pacifique, le travail au service
du public quand il est libre des entraves du rendement financier,
peut construire des choses grandes et utiles.
En
effet, dit Lucien l'âne, il ne faut pas négliger cet aspect des
choses. Le monde dans ce qu'il a de positif et de constructif s'est
bâti par l'effort commun des hommes et même, des ânes. J'aime bien
cette idée de construire la paix sans exploiter les hommes. Et de
mémoire d'âne qui a parcouru le monde depuis si longtemps, bien des
grandes réalisations humaines ont été le résultat de cette
conjonction de la paix et de la coopération.
Mais,
vois, Lucien l'âne mon ami, il y a un mais... Il y a un côté moins
lumineux à cette histoire de locomotive et c'est ce qu'expose le
dernier couplet... C'est le détournement souhaité et opéré par
certains de la réussite collective à leur profit. C'est la
privatisation de l’entreprise publique, cette privatisation qui
intervient dès le moment où l'essentiel du travail est fait... En
somme, c'est un vol pur et simple, un hold-up effectué par un petit
groupe de gens au détriment de la collectivité. Note au passage,
c'est ce qui se passe actuellement dans nos pays d'Europe, comme cela
s'est passé ailleurs... dans le monde. On vit dans cette ambiance de
racket systématique, opéré au détriment des peuples. Il y a là
d'étranges similitudes...
En
somme, dit Lucien l'âne en hochant le crâne et en faisant balancer
ses oreilles, voici à nouveau un épisode de la Guerre de Cent Mille
Ans que les riches font aux pauvres pour s'enrichir encore comme
toujours, pour étendre leurs propriétés, pour s'emparer du bien
commun, dit Lucien l'âne. Berta avait raison... La paix ? Quelle
paix ? Et là, dans nos histoires d'Allemagne et de locomotive
unitaire, on va voir arriver ces doryphores dès 1924... Autrement
dit, l'effort collectif et pacifique avait réussi en à peine quatre
ans à créer ce que rêvaient Goethe et Bismarck réunis depuis plus
de cinquante ans, créer une Allemagne unie... Mais c'était compter
sans les doryphores et leurs appétits insatiables...
Et
à propos de Guerre de Cent Mille Ans, tu verras que ces manigances
vont engendrer à force de s'emparer des biens publics et de
racketter les peuples – de la belle locomotive, puis de tout le
pays, puis des pays voisins et ainsi de suite... – une nouvelle
catastrophe d'envergure mondiale.
Ah,
Marco Valdo M.I. mon ami, tu parlais d'étranges similitudes et voilà
que tu me fais frisonner. Si jamais, les mêmes causes doivent
engendrer des effets similaires, alors nous sommes bien mal
embarqués. Quoique, à voir comme la terre tremble ces derniers
temps, ailleurs et même, ici en Europe... Peut-être pourra-t-on
éviter le pire et les faire reculer ces amateurs de plus-value et de
profits... En attendant, continuons mon ami, à tisser le linceul de
ce vieux monde privatiseur, destructeur du bien public, voleur et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
La
Constitution disait :
«
L'une des tâches de l’Empire sera... »
Goethe
disait :
«
Le chemin de fer y pourvoira ».
Ce
que Bismarck ne put pas imposer
Ce
que l’Empereur ne sut pas réaliser
Ce
qui par sa nature aurait dû être organisé
Structuré,
relié, maillé, étendu, développé,
Qui
aurait dû couvrir tout le pays
D'une
toile au tissage infini
Dont
l'inexistence coûta si cher
À
nos armées de terre
Tout
au long de la guerre
C'était
ce foutu chemin de fer.
La
Constitution disait :
«
L'une des tâches de l’Empire sera... »
Goethe
disait :
«
Le chemin de fer y pourvoira ».
Dans
la vie civile comme sur le plan militaire,
Dans
les tranchées comme à l'arrière,
On
souffrit bien sûr du manque de patates
Mais
plus encore d'un chemin de fer disparate.
Deux
cent dix modèles de locomotives
Pas
de pièces de rechange, l'armée à la dérive.
Les
renforts égarés, les régiments disparus.
Les
trains de munitions pour Verdun : perdus.
Ensuite,
les dommages de guerre, une terrible imposition :
Huit
mille locomotives, cent cinquante mille wagons.
La
Constitution disait :
«
L'une des tâches de l’Empire sera... »
Goethe
disait :
«
Le chemin de fer y pourvoira ».
Les
camarades, qui – c'est chose admise
Se
foutent de la Patrie comme de leur première chemise
Ont
créé, au pas de charge, sous la République
La
Reichsbahn, une grande entreprise publique
Locomotive
de l'Allemagne unie, machine unitaire
Elle
arrive à joindre en un seul élan salutaire
Rostock
à Fribourg, Flensbourg à Constance
Le
Mecklembourg à la Sarre, Berlin à Mayence,
Elle
réussit à donner enfin sa place au rail
À,
somme toute, gagner enfin cette populaire bataille.
La
Constitution disait :
«
L'une des tâches de l’Empire sera... »
Goethe
disait :
«
Le chemin de fer y pourvoira ».
Tous
ensemble, nous les cheminots, sur notre loco-tender
Avec
notre locomotive unitaire, nous créons un vrai réseau de chemin de
fer
De
Wilhelmshaven à Friedrichshafen, de la Poméranie à la Bavière
À
peine installée, notre Reichsbahn, fille publique, prospère
Et
déjà, en voilà qui réclament sa privatisation
Une
société anonyme, des actions... La part du lion.
Encore
plus de profits et moins de personnel, moins de salaires
Suppression
des petits trains, des lignes capillaires
Tout
cela et bien plus, ils l'obtiendront grâce à Hitler.
Avec
en prime, un fameux bonus, une nouvelle grande guerre.
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