1925
- Par la radio
Canzone
française – Par la radio – 1925 – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires
d'Allemagne 26
An
de Grass : 25
Au
travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle »
(Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition
française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses
traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Par la radio, un monde est apparu
Du matin au soir et du soir au matin
Dans ma chambre, au salon, au jardin
Tout le temps et partout, je ne le quitte plus..
|
Cette
fois, Lucien l'âne mon ami, la chanson du jour raconte l'année
1925, l'année de la Conférence et des accords de Locarno et du
Traité de Londres, vue si l'on peut dire ainsi, par la radio. C'est
en même temps, un peu aussi, l'histoire de l'arrivée de la
radiophonie comme moyen de diffusion « grand public » et sa
découverte par un enfant. On en est encore aux postes à galène,
sorte de détecteur d'ondes à la portée variable. On en était aux
débuts, tout restait encore à inventer dans le domaine
radiophonique. Mais depuis presque un siècle et demi, le progrès
est en marche et plus rien ne l'arrête. On n'a plus le temps de se
retourner que voici déjà une nouvelle invention... Pour le meilleur
ou le pire. Souvent le pire... On en a eu des exemples ici même dans
ces histoires d'Allemagne...
Oui,
Marco Valdo M.I. mon ami, je comprends bien à quoi tu fais allusion
: le sous-marin, Berta, les gaaaaz... Ce sont là des tueurs
redoutables... Mais enfin, on n'est pas une association de
consommateurs que nous devions faire une étude comparative des
mérites des uns et des autres. Dis-moi plutôt qui chante et ce
qu'il ou elle raconte...
Mais
enfin, Lucien l'âne mon ami, j'avais commencé à te le dire...
C'est une chanson dont le moteur est – pour une large part – la
radiophonie à ses débuts. Et comme bien tu penses, la radio diffuse
également des nouvelles et c'est par le truchement de la radio
qu'écoute, comme Oskar jouera du tambour, c'est-à-dire avec
constance et obstination, un jeune garçon, que l'on apprend les
événements de l'année – du moins, certains. De même, il y a là
une sorte de reportage – on dirait aujourd'hui une interview – où
Stresemann, très libéral, qui fut chancelier et ministre des
Affaires étrangères, dévoile ses intentions quant à l'avenir de
l'Allemagne. Cette interview apocryphe est la transcription de qu'il
avait lui-même écrit au Kronprinz, fils de l'ex- empereur. Tu
remarqueras, mon ami Lucien l'âne, tu le remarqueras au fil des
années, ces objectifs qu'il décrivait furent très exactement ceux
mis en pratique par un de ses successeurs à la chancellerie : Adolf
Hitler, lequel Hitler s'emparera de ce moyen qu'est la radio pour
galvaniser les foules, les hypnotiser – un peu comme on fait
(certains font...) maintenant en bien plus fort avec la télévision,
les rallier à ses délires et les envoyer, in fine, au casse-pipe.
Au passage, je te rappelle que cela va engendrer – si l'on peut
ainsi dire – plusieurs dizaines de millions de cadavres. Lequel
Hitler apparaît d'ailleurs à la fin de la chanson... à l'occasion
de la première édition de son brûlot : « Mein Kampf » et comme
dit la chanson : « Il déteste les Juifs, les Roms, les communistes
! Mais qui s'en soucie.... ».
Ainsi,
Marco Valdo M.I. mon ami, tout était déjà dit et même, écrit.
Les objectifs nationalistes et expansionnistes fixés par Stresemann
seront en effet ceux qui vont conditionner l'avenir de l'Allemagne et
les corollaires racistes et fascistes définis par le
caporal-peintre. On ne saurait ignorer pareille cohérence, pareille
continuité... Ce qui m'inquiète d'ailleurs pour les temps présents
et ceux de demain... Les mêmes soucis reviennent au jour : ce
libéralisme, cette haine du socialisme, ces comportements pour le
moins brutaux et racistes vis-à-vis des Roms, mais aussi vis-à-vis
de tous ceux qui ne sont pas nés natifs... ou de la bonne couleur.
Tout ceci m'incite, Marco Valdo M.I. mon ami, moi qui suis un âne, à
tisser (en ta compagnie) le linceul de ce vieux monde libéral,
nationaliste, haineux et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Papa
faisait le guignol, grand-mère contait
Grand-père
grognon me disputait
Je
cassais les oreilles aux gens, même aux enterrements
Bref,
j’épuisais mes parents.
J'étais
un pleurnichard
Je
ne voyais rien d'autre à faire
Personne
n'arrivait à me faire taire
Maman
elle-même en avait marre
Tout
simplement, je m'embête
Un
jour, Papa m'a mis un casque sur la tête
La
radio silésienne, la TSF m'a captivé,
J'étais
muet et concentré
J'écoutais
tout, tout, tout
Les
aventures du géant Rübezahl, les cours de bourse
Les
matches de foot et les reportages de courses
Avec
mes oreillettes, les dames me trouvaient tout chou.
Par
la radio, un monde est apparu
Du
matin au soir et du soir au matin
Dans
ma chambre, au salon, au jardin
Tout
le temps et partout, je ne le quitte plus..
Ils
avaient évacué la Ruhr, l’autre année déjà.
On
parlait de Locarno et de réarmement
Convention
par ci, convention par là
Pacte
de stabilité et pacte rhénan
Traité
de Londres et relents de guerre
Dans
les émissions, claquetait la pluie
Et
grondait le tonnerre
La
fée des ondes enchantait ma vie
Dans
le château écossais, une porte grinçait
Le
cheval d’Ivanhoé hennissait à l'orée de la forêt.
Avec
mes gros écouteurs
J'entendais
tout et je baignais dans le bonheur
Stresemann
exposait de belles ambitions
Retrouver
notre place parmi les nations.
L'Allemagne
a un grand avenir,
Et
trois grands buts pour y parvenir
Par
la radio, un monde est apparu
Du
matin au soir et du soir au matin
Dans
ma chambre, au salon, au jardin
Tout
le temps et partout, je ne le quitte plus..
Un
: se renforcer et surmonter les divisions.
Deux
: ramener à la nation douze millions
D'Allemands
encore sous le joug étranger
Trois
: rectifier nos frontières, reprendre Dantzig et
Le
corridor polonais et redessiner la haute Silésie.
Et
puis, rattacher l'Autriche à la mère-patrie.
Libérer
enfin la nation germanique
En
attendant faire comme Metternich,
Finasser
et se dérober aux décisions.
Bientôt
on entrera à la Société des Nations
18
juillet 1925, on parle d'un livre curieux
Aux
propos ravageurs, au contenu sulfureux
Mi-programme
politique, mi-biographie
« Mein Kampf » d’un certain Adolf Hitler
Un
peintre raté, caporal à la dernière guerre.
Il déteste les Juifs, les Roms, les communistes ! Mais qui s'en soucie....
Par
la radio, un monde est apparu
Du
matin au soir et du soir au matin
Dans
ma chambre, au salon, au jardin
Tout
le temps et partout, je ne le quitte plus..
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire