1919
- La Paix
Canzone
française – La Paix –
1919 – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires
d'Allemagne 20
An
de Grass : 19
Au
travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle »
(Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition
française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses
traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Révolution Berlin 1919
Le marin, qui était même au Skagerak, s'en était tiré
Il monte à Berlin pour la République et pan, sur la barricade, il meurt.
|
La
dernière fois, souviens-t-en, Lucien l'âne mon ami, dit Marco Valdo
M.I., nous en étions à la der des der... Une belle sonnerie,
celle-là ! Et puis après, vient la paix. Précisément, la paix,
c'est le thème de la canzone du jour d’aujourd’hui. La paix...
Une deuxième belle sonnerie ! Enfin, on ne va pas perdre notre temps
car revoici notre amie Berta... Tu te souviens de la grosse Berta,
dont le mari travaillait aux aciéries Krupp à Essen et qui était
furieuse qu'on ait donné son nom à cette horreur éléphantesque.
Mais
oui, que je m'en souviens, dit Lucien l'âne en souriant avec une
bouche comme un piano. Qui oublierait la Berta que tous les hommes
complimentaient quand elle pendait le linge dans son jardin de la
cité ouvrière des fabriques de canons ? Celle qui se présentait en
disant : « Je suis Berta, la grosse Berta. J'ai deux jambes, deux
bras et tout ce que vous voyez là. » M'est avis que la Berta, elle
a pas dû trop aimer la guerre.
Tu
sais, Lucien l'âne mon ami, je pense même que la Berta, l'air de
rien, elle devait avoir des réticences aux choses guerrières et
j'ai dans l'idée qu'elle devait être franchement pacifiste. Et même
qu'habitant à côté de l'atelier des Vulcains germaniques, elle ne
devait pas être trop certaine que ce fut la der des der qui était
advenue à la fin de l'année précédente, quand le 11 novembre, à
Rethondes, on signa l'armistice. Donc, nous sommes en 1919 et c'est
Berta qui raconte la paix. Déjà rien que le refrain... « La paix ?
Quelle paix ? Où ça, la paix ? La paix ? Tu parles d’une
paix... , qu'elle dit Berta. Vous me faites rigoler avec votre paix.
Où c'est qu'elle est la paix ?
Nous, on ne la voit pas. ». Elle y allait pas de main morte la
Berta, elle avait son franc parler... Bref, elle ne vous l'envoyait
pas dire que la paix, eh bien, la paix, vue comme ça, elle n'y
croyait pas trop.
On
la comprend, dit Lucien l'âne. En Allemagne, à Berlin, à Munich,
ça flingue de partout, les assassinats politiques sont devenus une
habitude, les morts-vivants reviennent du front et on les envoie à
la castagne contre le peuple... Un foutu merdier, si je me souviens
bien.
Oui,
oui, tout cela est exact et on en fera le bilan et plus encore dans
les années à venir, car tu le sais, nous allons de notre pas
tranquille parcourir tout le siècle. Ici, Berta cause et elle parle
clair... La Guerre de Cent Mille Ans continue à plein régime. Une
nouvelle donne est en cours et les aspirants au pouvoir et aux
richesses usent de tous les moyens pour tirer le plus de profits
encore de la situation.
Et
le peuple là-dedans ? Le peuple, c'est-à-dire Berta et les siens,
les pauvres, quoi..., demande Lucien l'âne.
Le
peuple, les pauvres... Qui s'en soucie ? Ils n'ont qu'à crever,
c'est la paix des puissants et des riches, c'est leur paix qui
compte. Pour le peuple, c'est juste un autre épisode de la Guerre de
Cent Mille Ans que les riches leur font, à eux les pauvres, à Berta
et aux siens, afin d'accroître leurs profits, de rétablir ou
d'étendre leurs privilèges, d'asseoir mieux encore leur pouvoir et
de multiplier leurs dividendes à eux : les riches.
Quel
monde !, dit Lucien l'âne en ruant dans un pas de rage, quel monde
effroyable que celui des humains. Et tu voudrais que je redevienne un
homme... Je le ferai quand ce monde-là aura enfin, comme tu dis
parfois, repris figure humaine. En attendant, aide-moi à tisser le
linceul de ce vieux monde escroc, menteur et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
La
paix ? Quelle paix ? Où ça, la paix ?
La
paix ? Tu parles d’une paix... , qu'elle dit Berta.
Vous
me faites rigoler avec votre paix.
Où
c'est qu'elle est la paix ? Nous, on ne la voit pas.
Ici,
maintenant, on tire de partout.
Les
profiteurs sortent de leurs trous.
Vraies
affaires et faux passeports,
Ils
gagnent des millions dans le faux porc.
Une
côtelette : rien que de betteraves, petits pois et maïs
Et
avec ça, Madame... Faux pastis et fausses saucisses
La
paix ? Une paix comme ça, on n'en veut pas.
Nous,
on en marre de bouffer la betterave et le rutabaga.
La
paix ? Quelle paix ? Où ça, la paix ?
La
paix ? Tu parles d’une paix... , qu'elle dit Berta.
Vous
me faites rigoler avec votre paix.
Où
c'est qu'elle est la paix ? Nous, on ne la voit pas.
Déjà
en 15, pénurie de margarine, abondance de betteraves
Ce
qu'on veut : fini l'empereur, finies les betteraves
J'ai
crié devant la mairie
Faut
en finir avec les escrocs et les escroqueries
Ce
qu'on veut, c'est à manger pour les enfants le matin
Ce
qu'on veut : plus de bouillie, mais du vrai pain
Ce
qu'on veut, nous autres, les ménagères allemandes
C'est
de la farine, du sucre, des amandes
La
paix ? Quelle paix ? Où ça, la paix ?
La
paix ? Tu parles d’une paix... , qu'elle dit Berta.
Vous
me faites rigoler avec votre paix.
Où
c'est qu'elle est la paix ? Nous, on ne la voit pas.
On
ne veut plus du Frux, mais de la vraie confiture
Pas
de la poudre blanche, mais du vrai lait, de la vraie nourriture
Y
a eu le front qu'a gardé nos hommes au frais
La
grippe a ravagé ceux qui restaient
Puis
l'hiver, puis disparues les patates, sont venues les betteraves
Seulement
des betteraves, toujours des betteraves
Des
betteraves au goût de barbelés
On
en a bouffé tout l'été
La
paix ? Quelle paix ? Où ça, la paix ?
La
paix ? Tu parles d’une paix... , qu'elle dit Berta.
Vous
me faites rigoler avec votre paix.
Où
c'est qu'elle est la paix ? Nous, on ne la voit pas.
Mes
fillettes sont mortes de la grippe et mon frère aîné,
Le
marin, qui était même au Skagerak, s'en était tiré
Il
monte à Berlin pour la République et pan, sur la barricade, il
meurt.
Mon
homme, lui, il est revenu infirme à demeure.
Guillaume
lui s'est tiré
En
Hollande, il joue au jardinier.
Il
cultive l'oignon, la carotte, le chou et le céleri
Il
vit en paix et nous laisse ce pays pourri.
La
paix ? Quelle paix ? Où ça, la paix ?
La
paix ? Tu parles d’une paix? , qu'elle dit Berta
Vous
me faites rigoler avec votre paix
Où
c'est qu'elle est la paix ? Nous, on la voit pas.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire