vendredi 11 juillet 2014

1919 - La Paix

1919 - La Paix


Canzone française – La Paix – 1919 – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires d'Allemagne 20



An de Grass : 19

Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.




Révolution Berlin 1919
Le marin, qui était même au Skagerak, s'en était tiré
Il monte à Berlin pour la République et pan, sur la barricade, il meurt.






La dernière fois, souviens-t-en, Lucien l'âne mon ami, dit Marco Valdo M.I., nous en étions à la der des der... Une belle sonnerie, celle-là ! Et puis après, vient la paix. Précisément, la paix, c'est le thème de la canzone du jour d’aujourd’hui. La paix... Une deuxième belle sonnerie ! Enfin, on ne va pas perdre notre temps car revoici notre amie Berta... Tu te souviens de la grosse Berta, dont le mari travaillait aux aciéries Krupp à Essen et qui était furieuse qu'on ait donné son nom à cette horreur éléphantesque.


Mais oui, que je m'en souviens, dit Lucien l'âne en souriant avec une bouche comme un piano. Qui oublierait la Berta que tous les hommes complimentaient quand elle pendait le linge dans son jardin de la cité ouvrière des fabriques de canons ? Celle qui se présentait en disant : « Je suis Berta, la grosse Berta. J'ai deux jambes, deux bras et tout ce que vous voyez là. » M'est avis que la Berta, elle a pas dû trop aimer la guerre.


Tu sais, Lucien l'âne mon ami, je pense même que la Berta, l'air de rien, elle devait avoir des réticences aux choses guerrières et j'ai dans l'idée qu'elle devait être franchement pacifiste. Et même qu'habitant à côté de l'atelier des Vulcains germaniques, elle ne devait pas être trop certaine que ce fut la der des der qui était advenue à la fin de l'année précédente, quand le 11 novembre, à Rethondes, on signa l'armistice. Donc, nous sommes en 1919 et c'est Berta qui raconte la paix. Déjà rien que le refrain... « La paix ? Quelle paix ? Où ça, la paix ? La paix ? Tu parles d’une paix... , qu'elle dit Berta. Vous me faites rigoler avec votre paix. Où c'est qu'elle est la paix ? Nous, on ne la voit pas. ». Elle y allait pas de main morte la Berta, elle avait son franc parler... Bref, elle ne vous l'envoyait pas dire que la paix, eh bien, la paix, vue comme ça, elle n'y croyait pas trop.


On la comprend, dit Lucien l'âne. En Allemagne, à Berlin, à Munich, ça flingue de partout, les assassinats politiques sont devenus une habitude, les morts-vivants reviennent du front et on les envoie à la castagne contre le peuple... Un foutu merdier, si je me souviens bien.


Oui, oui, tout cela est exact et on en fera le bilan et plus encore dans les années à venir, car tu le sais, nous allons de notre pas tranquille parcourir tout le siècle. Ici, Berta cause et elle parle clair... La Guerre de Cent Mille Ans continue à plein régime. Une nouvelle donne est en cours et les aspirants au pouvoir et aux richesses usent de tous les moyens pour tirer le plus de profits encore de la situation.


Et le peuple là-dedans ? Le peuple, c'est-à-dire Berta et les siens, les pauvres, quoi..., demande Lucien l'âne.


Le peuple, les pauvres... Qui s'en soucie ? Ils n'ont qu'à crever, c'est la paix des puissants et des riches, c'est leur paix qui compte. Pour le peuple, c'est juste un autre épisode de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches leur font, à eux les pauvres, à Berta et aux siens, afin d'accroître leurs profits, de rétablir ou d'étendre leurs privilèges, d'asseoir mieux encore leur pouvoir et de multiplier leurs dividendes à eux : les riches.


Quel monde !, dit Lucien l'âne en ruant dans un pas de rage, quel monde effroyable que celui des humains. Et tu voudrais que je redevienne un homme... Je le ferai quand ce monde-là aura enfin, comme tu dis parfois, repris figure humaine. En attendant, aide-moi à tisser le linceul de ce vieux monde escroc, menteur et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.




La paix ? Quelle paix ? Où ça, la paix ?
La paix ? Tu parles d’une paix... , qu'elle dit Berta.
Vous me faites rigoler avec votre paix.
Où c'est qu'elle est la paix ? Nous, on ne la voit pas.

Ici, maintenant, on tire de partout.
Les profiteurs sortent de leurs trous.
Vraies affaires et faux passeports,
Ils gagnent des millions dans le faux porc.
Une côtelette : rien que de betteraves, petits pois et maïs
Et avec ça, Madame... Faux pastis et fausses saucisses
La paix ? Une paix comme ça, on n'en veut pas.
Nous, on en marre de bouffer la betterave et le rutabaga.

La paix ? Quelle paix ? Où ça, la paix ?
La paix ? Tu parles d’une paix... , qu'elle dit Berta.
Vous me faites rigoler avec votre paix.
Où c'est qu'elle est la paix ? Nous, on ne la voit pas.

Déjà en 15, pénurie de margarine, abondance de betteraves
Ce qu'on veut : fini l'empereur, finies les betteraves
J'ai crié devant la mairie
Faut en finir avec les escrocs et les escroqueries
Ce qu'on veut, c'est à manger pour les enfants le matin
Ce qu'on veut : plus de bouillie, mais du vrai pain
Ce qu'on veut, nous autres, les ménagères allemandes
C'est de la farine, du sucre, des amandes

La paix ? Quelle paix ? Où ça, la paix ?
La paix ? Tu parles d’une paix... , qu'elle dit Berta.
Vous me faites rigoler avec votre paix.
Où c'est qu'elle est la paix ? Nous, on ne la voit pas.

On ne veut plus du Frux, mais de la vraie confiture
Pas de la poudre blanche, mais du vrai lait, de la vraie nourriture
Y a eu le front qu'a gardé nos hommes au frais
La grippe a ravagé ceux qui restaient
Puis l'hiver, puis disparues les patates, sont venues les betteraves
Seulement des betteraves, toujours des betteraves
Des betteraves au goût de barbelés
On en a bouffé tout l'été

La paix ? Quelle paix ? Où ça, la paix ?
La paix ? Tu parles d’une paix... , qu'elle dit Berta.
Vous me faites rigoler avec votre paix.
Où c'est qu'elle est la paix ? Nous, on ne la voit pas.

Mes fillettes sont mortes de la grippe et mon frère aîné,
Le marin, qui était même au Skagerak, s'en était tiré
Il monte à Berlin pour la République et pan, sur la barricade, il meurt.
Mon homme, lui, il est revenu infirme à demeure.
Guillaume lui s'est tiré
En Hollande, il joue au jardinier.
Il cultive l'oignon, la carotte, le chou et le céleri
Il vit en paix et nous laisse ce pays pourri.

La paix ? Quelle paix ? Où ça, la paix ?
La paix ? Tu parles d’une paix? , qu'elle dit Berta
Vous me faites rigoler avec votre paix

Où c'est qu'elle est la paix ? Nous, on la voit pas.

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