1922
- Peu importe mon nom
Canzone
française – Peu importe mon
nom – 1922 – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires
d'Allemagne 23
An
de Grass : 22
Au
travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle »
(Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition
française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses
traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Walter Rathenau
Elle
a un bien étrange titre, cette chanson du jour, cette histoire
d'Allemagne..., Marco Valdo M.I. mon ami. Que veut donc dire ce «
Peu importe mon nom »...?
C'est
un bien étrange titre et je m'en vais te l'expliquer, dit Marco
Valdo M.I. à son ami Lucien l'âne. « Peu importe mon nom », c'est
l'antienne d'un personnage lui-même assez étrange et qui dit vrai ;
son nom, il vaudrait mieux pour lui et pour ce qu'il raconte que tout
le monde l'ignore. Cet homme-là raconte des choses confidentielles
et même carrément, secrètes et les secrets qu'il dévoile
pourraient fort bien lui coûter la vie. Est-ce de l'inconscience,
est-ce du courage, est-ce le résultat d'un dégoût ? Je ne sais...
Un peu de tout cela. Ce personnage si on devait lui donner un
équivalent aujourd'hui chez nous on dirait un « collaborateur de
justice »; en Italie, on l'appellerait un « pentito », un «
repenti » et ma foi, cela s'en rapproche assez. Un « pentito », un
repenti, un collaborateur de justice, à ceci près qu'il ne
bénéficie d'aucune protection, que les magistrats le tiennent en
piètre estime et que certains d'entre eux sont plutôt liés à ceux
qu'il dénonce.
Voilà
qui ne facilite pas les choses, dit Lucien l'âne.
L'ambiance
de l'Allemagne de Weimar, nous sommes en 1922, est assez
tumultueuse... Surtout tueuse, d'ailleurs. Les assassinats politiques
font partie du paysage... Ce que dénonce notre personnage, ce n'est
pas vraiment une « mafia » à l'italienne, ce n'est pas une mafia
proprement dite, qui en ce temps-là n'est encore qu'une spécialité
sicilienne... Mais il s'agit plutôt d'organisations de droite, pour
une part clandestines, pour une part plutôt brutales dans leurs
manières, liées à certains « services ». En somme, ce qui
ressemble assez bien aux premiers fascii, aux premières « squadre
», aux bandes armées de tueurs mussoliniens. « Peu importe mon nom
»... Personne ne veut le croire et pourtant, il fait bien son
boulot... On ne le croit pas et on le discrédite systématiquement
et de fait, il est lié lui-même à ces milieux qu'il dénonce...
Évidemment,
dit Lucien l'âne, c’est bien normal. Sinon, comment saurait-il et
comment dès lors, pourrait-il dénoncer ? Mais enfin, finalement,
Marco Valdo M.I., qui est-il cet homme ?
Peu
importe mon nom... Le personnage qui parle est Theodor Brüdigam. En
fait, il fait partie de l'Organisation Consul, ou de la brigade du
capitaine Erhardt... En tous cas, ce sont ces gens-là qui le payent
pour des missions nébuleuses et imprécisées. Devant la montée des
crimes politiques auxquels il est mêlé , il prend peur ou tout
simplement, comme il le dit dans la canzone, il n’aime pas ça. «
D'accord, c’est vrai, j'ai d'autres idées... Je pense qu'il faut
faire comme en Italie... Comme Mussolini, faire un État fort et
national. ». Cependant, quand il parle du caporal H., il se trompe
et il ne se trompe pas. H. va bien sûr mettre sur pied sa révolution
nationale et ressusciter le Reich – là il ne se trompe pas, mais
pour ce qui est de tuer des gens... Le caporal H. s'y entend...
Ce
n'est pas faux, dit Lucien l'âne. Si je me souviens bien, ce caporal
H. ne tuera pas seulement en cachette, pas seulement
clandestinement... Il associera tout le pays, toute la population
sera invitée, priée, forcée de contribuer à ce grand massacre. Il
fera les choses en grand, on pourrait dire industriellement. C'est ça
: des génocides considérés comme une industrie... Courteline avait
raison : « Le monde a une punaise dans le bois du lit et un rat dans
la contrebasse »... Toutes ces histoires, Marco Valdo M.I., me
renforcent dans mon idée qu'il est plus que temps de tisser le
linceul de ce vieux monde brutal, stupide et cacochyme.
Heureusement
!
Ainsi
Parlaient Marco valdo M.I. et Lucien Lane
Je
me présente, peu importe mon nom
« Sans
ressources fixes et de douteuse réputation »
Oui,
mais mes informations sont de source sûre
Elles,
elles ne sont pas sans fondement
J'étais
payé, pour sûr
Par
qui ? Par le capitaine Hoffmann
De
l'Organisation Consul, c'est sûr
C'est
pour elle qu'on travaillait
Faut
bien qu'on vive !
Hoffmann
m'a aussi donné une liste de noms
Ceux
qui doivent y passer...
Vous
voulez savoir qui ils sont
Alors,
il y a Erzberger qui a signé la capitulation
Celui-là,
ils l'ont eu pendant sa promenade dans la Forêt Noire
Une
balle dans la tête et douze au total.
Et
puis, les chanceliers Scheidemann et Wirth, et même, le ministre
Rathenau
Moi,
j'ai essayé de les prévenir
Mais
aucun, je vous dis, aucun, ne m'a cru
Je
me présente, peu importe mon nom
« Sans
ressources fixes et de douteuse réputation »
Oui,
mais mes informations sont fondées
Derrière
tout ça, il y a les services et l'armée
Le
financier Helferrich et Stinnes, le roi du charbon
Esprits
diaboliques de la réaction
D'accord,
c’est vrai, j'ai d'autres idées
Je
pense qu'il faut faire comme en Italie
Comme
Mussolini, faire un État fort et national
D'accord,
ce caporal Hitler est un hurluberlu
Mais
il sait gueuler et faire du chahut
Pour
rallier le peuple et lui remonter le moral
C'est
un gars comme ça qu'il faut
Pour
balayer toute cette bacchanale
Liquider
les Juifs et refaire un grand Reich
Mais
Scheidemann n'a pas voulu m'écouter
Heureusement
pour lui, l'acide prussique dans le visage, ça n'a pas marché
Dans
la forêt de Cassel, c'est sa moustache qui l'a protégé.
« Sans
ressources fixes et de douteuse réputation »
Oui,
mais mes informations sont fondées
Et
Rathenau, je l'avais fait prévenir
Lui,
ils le voulaient, c'était pourtant un capitaliste
Mais
il avait accepté les réparations
Et
puis surtout, il était Juif.
Donc,
ils avaient tiré au sort l'équipe du 24 juin
Tout
se passa comme à l'entraînement
Le
Ministre Walter Rathenau quitte sa villa dans son coupé
La
Mercédes-Benz le suit comme son ombre
Au
coin, l'avenue est barrée par une charrette à cheval
La
Mercédes passe : une rafale, une grenade.
Kern
tenait le pistolet-mitrailleur, Fischer lança la grenade.
Je
vous avertis avec cet Hitler, mais personne ne veut me croire,
Tout
cela ne peut marcher que parce que personne ne veut me croire
Cet
Hitler est un fou dangereux, il a foiré à la Feldherrnhalle à
Munich, mais...
Si
je vous dis tout cela, ce n'est pas pour l'argent...
C'est
par souci du peuple allemand...
Je
me présente, peu importe mon nom
« Sans
ressources fixes et de douteuse réputation »
Oui,
mais mes informations....
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