1960
– Les pieds d'Hary et ses lacets
Canzone
française – Les
pieds d'Hary et ses lacets–
Marco Valdo M.I. – 2012
Histoires d'Allemagne 61
Histoires d'Allemagne 61
An
de Grass : 60
Au
travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein
Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 –
l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Hary avait deux pieds
Deux pieds pour gagner
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Ah,
dit Lucien l'âne tout souriant, je me souviens bien d'Hary, d'Armin
Hary... On en a raconté des histoires à son sujet... Mais
personnellement, je préfère retenir sa performance de coureur et
plus tard, ses efforts pour aider de jeunes sportifs... Laissons la
période entre deux dans une ombre propice...
Je
crois bien comprendre que tu connais ses exploits à ce jeune homme
qui abandonna ses études de mécanicien pour devenir un « dieu du
stade »... et il le fut. Armin Hary quand on veut bien y réfléchir,
c'est à lui seul toute une histoire d'Allemagne, une histoire
exemplaire et c'est par cela qu'elle m'intéresse son histoire –
sinon que veux-tu que je fasse des pieds d'Hary ou des performances
sportives en général...
C'est
bien ce que je me disais... Qu'est-ce qu'il peut bien trouver comme
intérêt à ces histoires de pieds, de lacets, de starters, de
départs au pistolet et de records ? Depuis quand s'intéresse-t-il
au cent mètres plat ?
Avant
d'aller plus loin et de reprendre mon raisonnement, je te rappelle
tout de même, Lucien l'âne mon ami, que je t'avais déjà entretenu
des exploits d'un boxeur (en 1930) et de ceux de footballistes (en
1954)... Je t'ai même fait connaître les joies du cyclisme sur
piste en 1909... Pour en revenir aux pieds d'Hary, ils sont
exemplaires de l'histoire d'Allemagne, disons depuis les années 1930
(plus exactement 1937, quand il est né) et jusqu'à présent. C'est
ce que raconte la chanson « Les pieds d'Hary et les lacets ».
Commençons par les pieds d'Hary... Ce sont des membres fabuleux qui
firent de lui le premier homme à courir le cent mètres en 10
secondes (et peut-être moins encore... mais on était au temps des
chronomètres mécaniques). Et ce n'est certes pas un hasard, ni une
tricherie. Car déjà en 1956, il avait remporté le 100 m junior
d'Allemagne en 10 secondes et quatre centièmes au moment où à
Melbourne le champion olympique de l'époque l'emportait en 10
secondes et cinq centièmes. Ça n'a l'air de rien comme ça, ce
dixième de seconde, mais c'est tout un monde qui s'ouvrait pour
Hary. Il était déjà à ce moment, le champion olympique virtuel...
J'ai
compris, Hary avait des pieds en or... Une sorte d'Atalante
masculine... Mais qu'as-tu à me dire de ses lacets ?
Pour
les lacets d'Hary, vois-tu Lucien mon ami l'âne, l'affaire se
complique un peu. Tu as évidemment bien compris qu'il s'agit des
lacets de ses chaussures de sport et qu'il y a forcément des nœuds.
Et ta comparaison avec la princesse Atalante est tout-à-fait
pertinente. Souviens-toi... Atalante était imbattable à la course
et aussi, très belle. Elle avait beaucoup de prétendants et elle
avait annoncé qu'elle ne se rendrait qu'à celui qui la battrait à
la course... Or, celui qui l'emporta ne le dut pas à sa pointe de
vitesse, mais bien aux pommes d'or qu'il sema sur le chemin. C'est sa
vénalité qui vainquit Atalante. C'est la vénalité qui eut raison
d'Hary. Mais Hary avait pourtant su tirer un maximum de ses
prétendants, de ses sponsors, comme on dit maintenant. Ces deux
frères ennemis, installés en Bavière, étaient fabricants de
chaussures de sport et puis de godasses de guerre du temps où ils
étaient nazis comme presque (j'insiste sur le presque, car il y eut
heureusement des exceptions) toute l'Allemagne et les environs; ils
s'appelaient Dassler – Adolf et Rudolf. Et quelle histoire
celle-là, celle des frères Dassler qui après la guerre se
séparèrent et firent chacun leur entreprise de chaussures de sport
: l'un Adidas, l'autre Puma. Hary lui faisait joyeusement des nœuds
dans toutes ses chaussures ; en 1960, à Rome, finale olympique, il
courut avec les chaussures de l'un – des Puma et monta sur le
podium avec celles de l'autre – des Adidas. L'important, à ses
yeux, c'est qu'il touchait deux fois. Et même pour la Fédération
allemande, pourtant très fière de son champion, deux fois, c'était
trop. On l'a exclu. Mais remarque bien qu'ils l'ont exclu seulement
après qu'il ait porté haut les couleurs de la R.F.A. En somme,
Hary, c'était comme un mouchoir en papier, une fois qu'il a eu
servi... On l'a jeté. Pas avant...
Oui,
je comprends, dit Lucien l'âne en secouant sa grosse tête. Les
grands sportifs, c'est comme les gladiateurs au temps de Néron. Ils
amusent le public – Panem et circenses et puis, hop, au trou. C'est
comme pour tous les hommes de spectacle, comme pour les artistes...
Jeux d'ombres sur le mur de la caverne.
Exactement...
Et dans le cas d'Hary, comme pour bien d'autres, la chute fut brutale
et il dérapa un peu... Il fit un séjour en prison et puis, il se
reprit et se mit à s'occuper d'aider de jeunes sportifs...
En
somme, dit Lucien l'âne en ricanant, ta chanson à deux pieds en dit
plus qu'elle n'en a l'air, à première vue. Et ce qu'elle me laisse
entrevoir m'encourage encore à tisser le linceul de ce vieux monde
avide, arriviste, absurde, ambitieux et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Les
frères Dassler étaient du parti nazi
L'usine
à Adolf, la SS pour Rudolf
Pour
équiper les soldats d'Adolf
Pour
combattre jusqu'en Russie
Hary
avait deux pieds
Un
pied pour Adolf
Un
pied pour Rudolf
Mais
deux pieds pour gagner.
L'Allemagne
coupée en deux
Chez
Adidas, un pied pour Adolf
Chez
Puma, un pied pour Rudolf
Hary
courait pour les deux
Hary
avait deux pieds
Deux
mètres vingt-neuf d'enjambée.
Sur
la piste magique, par deux fois
Le
même jour, son foutu record par deux fois
Cent
mètres en dix secondes
Un
pied pour Adolf
Un
pied pour Rudolf
L'homme
le plus rapide du monde
À
Rome, en 1960, il gagnait encore
Un
pied pour Adolf
Un
pied pour Rudolf
Il
enlevait la timbale en or.
Et
bien des années plus tard,
À
Quierschied en Sarre
La
rue des Roses où il grandit
Est
devenue la rue Armin Hary
Cent
mètres en dix secondes
L'homme
le plus rapide du monde
Hary
avait deux pieds
Deux
pieds pour gagner
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