1965
– Les Siffleurs excités
Canzone française – Les Siffleurs excités – Marco Valdo M.I. – 2012
Histoires
d'Allemagne 66
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Passager dans la DKW, je regarde par la fenêtre
Un soir à Kiel, un soir à Passau, on bouffe du kilomètre.
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Cette
fois, Lucien l'âne mon ami, c'est l'auteur lui-même qui joue au
narrateur. Sur le conseil ou l'insistance de son maître ès
conscience, l'écrivain Hans Werner Richter, fondateur du Groupe 47,
un groupe informel d'écrivains des « deux Allemagnes » –
la Démocratique et la Fédérale, Günter Grass se lance dans une
tournée électorale de soutien au SPD (Parti Social-Démocrate) et
son voyage en DKW l'amène dans une série de bastions catholiques,
plus réactionnaires les uns que les autres. Une plongée dans
l'Allemagne fédérale et la Bavière où il ne fait pas bon tenir
des propos progressistes, où il est mal vu de vouloir des solutions
pacifiques aux séquelles de la guerre nazie, de proposer de signer
la paix avec la Pologne en lui laissant les ex-territoires allemands
de Silésie, de Prusse orientale et de Poméranie et même, ce qui
est plus difficile à concevoir pour Günter Grass qui en est
originaire, Dantzig... Une plongée dans une Allemagne de l'Ouest où
il est dangereux de plaider pour la légalisation de l'avortement. Et
ce n'est dès lors qu'interruptions, chahuts, sifflets et jets
d'œufs. Mais l'orateur tient bon et le discours est prononcé, la
réplique est donnée... Quitte à essuyer les dégoulinades d'œufs
sur le chemin du retour.
Mais
pourquoi donc, Günter Grass se lança-t-il dans pareille aventure ?,
demande Lucien l'âne en mettant ses oreilles en points
d'interrogation.
Certes
pas pour le plaisir du voyage, ni pour tester la DKW, son moteur
deux-temps et sa roue libre... En fait, c'est que le narrateur, comme
les autres membres du Groupe 47, comme nombre d'intellectuels et
d'artistes allemands, voudrait tourner la page de la guerre et
surtout, mettre un terme aux attitudes revanchardes, extrêmement
dangereuses de la droite – essentiellement composée des
chrétiens-démocrates au pouvoir en République Fédérale Allemande
et plus encore, en Bavière...
Est-ce
que ce sont les mêmes qui aujourd'hui président aux destinées de
l'Allemagne ? demande Lucien l'âne un peu effrayé.
En
effet, ce sont les mêmes. En gros, ils n'ont jamais digéré d'avoir
perdu deux guerres successives... de n'avoir pu étendre le Reich.
Ils portent en eux, tiens-toi bien, Lucien l'âne mon ami, la haine
du rouge, du syndicalisme, du socialisme et de tout ce qui y
ressemble de près ou de loin... Ils sont porteurs de grandes
ambitions pour la nation allemande... Et bien que chrétiens, ce ne
sont pas des enfants de chœur. Comme tu le verras à la fin de la
chanson, ils sont haineux et pyromanes. Un dernier point, et non des
moindres, c'est la bataille qui durera encore longtemps autour du
« paragraphe 218 », comme il est d'usage de la nommer en
Allemagne, c'est-à-dire la bataille autour du droit à
l'avortement... Une bataille fondamentale pour la liberté et la
dignité de la femme et par voie de conséquence, bien entendu, de
l'homme. Évidemment, tu imagines
aisément qu'au pays du KKK – Kinder, Küche und Kirche (Enfants –
Cuisine – Église), les femmes sont avant tout des mères
porteuses... Pas question du minimum d'humanité à l'égard de
celles qui ne sont, en fait, que des humains de seconde zone. Pas
question de leur laisser la liberté de décider de leur propre vie,
de leur propre destin... Alors, venir dans ce fief de corbeaux, où
comme dit le narrateur « même les vaches sont
catholiques... », défendre le droit à l'avortement... Le
faire à Münster devant des familles entières de paysans fanatisés
par la propagande ecclésiastique... C'était pour le moins
courageux... Un écrivain engagé, en quelque sorte. Et le danger
n'était pas que dans les chahuts et les bousculades... À peine
rentré chez lui, à Berlin, on incendiait sa maison... Comme dit,
Günter Grass, évoquant mil neuf cent soixante-cinq : « Depuis,
quelques petites choses ont changé en Allemagne, sauf la
pyromanie. »
Décidément,
l'Allemagne gardait le goût de certaines manières antérieures...
On avait brûlé des livres, ici, on brûle la maison de
l'écrivain... Alors, quand on entend de ces jours-ci que la même
Allemagne, celle des siffleurs excités, affirme ouvertement qu'elle
veut diriger l'Europe pour assurer sa prospérité, il y a de quoi
avoir des frissons... Bien sûr, on le voit dans la chanson, il
existe des gens en Allemagne à qui ces ambitions ne plaisent pas, il
existe une autre Allemagne, mais comme d'habitude, il faut replacer
cette histoire dans celle de la Guerre de Cent Mille Ans que les
riches font contre les pauvres afin de les dominer, de les exploiter,
de les asservir, de les soumettre à la loi libérale de l' « Arbeit
macht frei », cette loi du travail obligatoire, aux salaires
réduits... « Regardez ce qu'ils font aux Grecs... ».
Alors, Marco Valdo M.I., mon ami, faisons comme Günter Grass a fait
tout au long de son œuvre, tissons le linceul de ce vieux monde
débile, gâteux, malsain, minable et cacochyme
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Le
peuple sifflomane rugit par le sifflet
Quand
on siffle, on est égaux.
Ça
ne mange pas de pain et ça tient chaud
Et
ça fait toujours de l'effet.
Qu'allaient-ils
tous, cette année-là
Faire
à Munich en pays bavarois ?
Allons,
allons, poussez pas, messieurs-dames.
À
l'expo, tous en train, tous en tram.
Hans,
le fils du pêcheur
Mon
maître et mon précurseur
M'a
dit : maintenant, c'est à toi de t'user
Et
j'y suis allé.
Passager
dans la DKW, je regarde par la fenêtre
Un
soir à Kiel, un soir à Passau, on bouffe du kilomètre.
Hier
à Mayence, et de bourg en bourg,
D'églises
en cloches, aujourd'hui Wurtzbourg.
On
a roulé en pays catho, toute la sainte journée
Que
cherchez-vous dans la ville de Killian ?
Comme
Diogène avec sa lanterne... Je cherche Tilman
Tilman
Riemenschneider, le sculpteur aux mains brisées
On
roulait socialo, on roulait pour la paix
On
disait de renoncer, de laisser aux Polonais
La
Prusse-Orientale, la Silésie
Dantzig
et la Poméranie.
Allons,
allons, poussez-vous, messieurs-dames.
À
l'expo, tous en train, tous en tram
À
Munich, dans la rue de Mars, sous la toile
Dans
la cage aux lions, sur la piste aux étoiles
À
cause du paragraphe 218, partout où on passait
On
recevait des œufs, ça dégoulinait
Dépénaliser
l'avortement, un geste d'humanité
Rien
que l'idée déchaînait les excités.
Le
peuple sifflomane rugit par le sifflet
Quand
on siffle, on est égaux.
Ça
ne mange pas de pain et ça tient chaud
Et
ça fait toujours de l'effet.
Qu'allaient-ils
tous, cette année-là
Faire
à Munich en pays bavarois ?
Allons,
allons, poussez pas, messieurs-dames.
À
l'expo, tous en train, tous en tram.
Quand
je suis rentré à Berlin, j'étais épuisé
Le
passé s'est réveillé en pleine nuit
Anne
et les enfants ont entendu du bruit
L'entrée
était en feu, les pyromanes étaient passés.
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