1967
– Le Papillon égaré
Canzone
française – Le Papillon égaré – Marco Valdo M.I. – 2012
Histoires
d'Allemagne 68
An
de Grass : 67
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Benno
Ohnesorg – Assassinat politique
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Comme
tu le supputes ou tu le sais, sans doute même, le sais-tu depuis
bien plus longtemps que moi, la philosophie n'est pas un jeu
d'enfants. Quoique à certains moments, dans certaines époques, dans
certaines circonstances, elle ressemble fort à un passe-temps
d'enfants gâtés. C'est un peu, de façon sous-jacente ce que
sous-entend notre narrateur. Il suffit d'écouter le refrain de la
canzone, pour percevoir le dilemme du philosophe – ou de tout autre
« intellectuel » : la prudente retraite ou le dérangeant
engagement. Nizan avait déjà dénoncé cette « trahison des clercs
» ; Sartre, un temps perdu entre l'être et le néant de la
philosophie, réclamait l'engagement. C'en était ainsi en ces
temps-là. On était en 1967 et le vent soufflant doucement encore
annonçait une tempête. Notre narrateur est à l'Université de
Fribourg où il tient un séminaire de philosophie, dans lequel il
met en présence Paul Celan, poète juif de Bucovine, un rescapé des
camps nazis et le philosophe local, dont je t'ai déjà parlé,
Martin Heidegger, recteur de cette université au temps du nazisme.
Rencontre historique ou papillon égaré ?
Je
pencherais volontiers pour le papillon égaré... dit Lucien l'âne
en raclant le sol d'un sabot noir et contestataire.
Donc,
notre narrateur qui mène vaille que vaille son séminaire, dans
cette université perdue au fond de la Forêt-Noire, décortiquant
dans un silence monotone des vers de Celan, rumine les événements
de Berlin où il était, il n'y a pas si longtemps. Plantons le décor
: le Shah d'Iran, pétrole oblige, remis sur le trône par les
Anglo-étazuniens en 1953, a progressivement instauré une dictature
policière tout en préservant les intérêts de ses mentors. Une
dictature policière suppose une police politique assez répressive
et secrète, destinée à écraser toute opposition ou à liquider
les opposants. Dans l'Iran du Shah, c'est la Savak. C'est elle qui va
attaquer les étudiants berlinois qui manifestent contre la venue du
Shah et de sa dame, Farah Diba. La police berlinoise non seulement
n'interviendra pas contre les nervis de la Savak, mais en plus, elle
poursuivra le travail des sbires iraniens et réprimera très
brutalement la manifestation, qui se tient pendant une séance de
gala en « l'honneur » du Shah au Deutsche Opera . Cette opération
policière du soir s'appellera – nom de code : la chasse au renard.
Entre matraquages, fumigènes et brutalités diverses, elle culminera
par l'assassinat d'une balle dans le crâne à bout portant de
l'étudiant Benno Ohnesorg. Entrée par l'oreille, la balle policière
fera éclater le cerveau du jeune homme. L'auteur de ce crime
crapuleux est l'officier de police Kurraz, qui ne sera jamais
condamné pour cet assassinat.
Ainsi
va le monde et la démocratie... Bref, un épisode de la Guerre de
Cent Mille Ans que les riches et les puissants font aux pauvres et
aux gens afin de renforcer leur puissance, d'assurer leurs
privilèges, de démultiplier leurs profits, d'asseoir leur
domination et d'instaurer le bon ordre.... Ainsi vont les mœurs
d'État, les meurtres d'État et l'intérêt supérieur des nations,
qui ne sont que les intérêts des riches et des puissants; des
intérêts avec lesquels on ne badine pas. Ceci montre encore une
fois combien il est nécessaire que nous tissions avec une terrible
obstination le linceul de ce vieux monde ennuyeux, répressif, hypocrite et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
En
ce début d'après-midi
Tous
méditent sur l'ennui
Du
papillon égaré dans la monotonie
Du
séminaire de philosophie
Les
yeux ouverts,
Tous
sommeillent
Farah
Diba en Miss Univers
Peuple
leur veille.
En
ce début d'après-midi
Tous
méditent sur l'ennui
Du
papillon égaré dans la monotonie
Du
séminaire de philosophie
À
Berlin, grande réception à l'Opéra
Du
Shah et de sa souris
Kölle
Alaaf, qui va payer ça ?
Ce
sont les gens du pays
En
ce début d'après-midi
Tous
méditent sur l'ennui
Du
papillon égaré dans la monotonie
Du
séminaire de philosophie
J'aurais
dû être à Berlin
Face
aux nervis du shah
Et
à leurs battes de bois.
Pour
soutenir les Iraniens.
En
ce début d'après-midi
Tous
méditent sur l'ennui
Du
papillon égaré dans la monotonie
Du
séminaire de philosophie
Chasse
au renard, ce soir-là
Dans
les rues autour du Deutsche Opera
Patrouilles,
charges, matraques et compagnie
Une
balle de flic dans la tête, Benno Ohnesorg sans vie.
En
ce début d'après-midi
Tous
méditent sur l'ennui
Du
papillon égaré dans la monotonie
Du
séminaire de philosophie
Un
mois plus tard, est arrivé
Hésitant
grandement à rencontrer
Le
philosophe de l'étant au bord de l'étang,
Au
cœur de la Forêt-Noire, le poète Paul Celan
En
ce début d'après-midi
Tous
méditent sur l'ennui
Du
papillon égaré dans la monotonie
Du
séminaire de philosophie
Au
souvenir des morts et des camps
Entre
le philosophe à la croix circulaire
Et
le poète que l'étoile jaune encore éclaire
Le
silence indicible de Todtnauberg s'étend.
En
ce début d'après-midi
Tous
méditent sur l'ennui
Du
papillon égaré dans la monotonie
Du
séminaire de philosophie.
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