1962
– La Cage de Verre
Canzone
française – La Cage de Verre – Marco
Valdo M.I. – 2012
Histoires
d'Allemagne 63
An
de Grass : 62
Au
travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein
Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 –
l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Eichmann, le grand transporteur
Interprétation de la peinture originale
d'Adolf Frankl
(http://poet-in-residence.blogspot.be/2012/09/the-man-with-green-hat.html)
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Revoici
le pendu à la pendaison annoncée... Faut dire qu'il ne l'avait pas
volée, sa pendaison... et cette fois, hop, exécution. Souviens-toi,
Lucien l'âne mon ami, de ce qu'on en disait l'autre fois :
« Eichmann
avouait tout : Wannsee, Auschwitz,
L'administration
rigoureuse de la mort : la solution finale,
Pour
conclure, on l'a pendu : point final. ».
C'était
exact, mais un peu prématuré. Il avait bien été condamné à
mort, mais il lui restait des recours... Pas comme pour ceux qu'il
avait rêvé d'exterminer « sur ordre ».
Bon,
le dénommé Eichmann méritait ça... Bien sûr, certains disent –
lui en premier – qu'il était seulement un fonctionnaire, un petit
agent d'exécution, qu'il n'avait fait que son métier, en toute
conscience... Qu'il ne comprenait pas pourquoi, on voulait lui faire
ce sort-là... Qu'en penses-tu toi, l'humain ?
Je
pense tout simplement, dit Marco Valdo M.I., que la conscience du
fonctionnaire, celle de l'agent d'exécution et la conscience humaine
et je dirais même animale, résumons, la conscience d'être vivant,
la conscience universelle, en quelque sorte, ne sont pas des
consciences de même espèce. L'une – celle du fonctionnaire, de
l'agent, de l'employé consciencieux... est glacée, entièrement
soumise à sa fonction, empesée dans les lois, engluée dans les
règlements et congelée dans le contrat, elle est serve et soumise
et elle permet aux États et aux entreprises d'accomplir et de faire
accomplir les actes les plus immoraux sans sourciller... sous
l'inepte prétexte de l'obéissance ; cette conscience
professionnelle se justifie tout entière par des « je suis en
service », « c'est mon devoir » et autres
fariboles. Ainsi en va-t-il de tout qui applique des lois, des
règles, des clauses... tout ce qu'on voudra, sans même vouloir en
voir les conséquences brutales et désastreuses : le flic qui
matraque, le huissier qui expulse, le fonctionnaire qui sanctionne le
chômeur, le tueur qui abat sa victime, le militaire qui assassine,
le gardien du camp d'Auschwitz ou de Dachau... Tous ceux-là relèvent
de la même logique de soumission. Ce sont les mercenaires de la
Guerre de Cent Mille Ans.
Et
l'autre conscience, car tu ne m'as parlé que de la première... la
conscience professionnelle. Parle-moi donc de la conscience
universelle... Elle me paraît plus acceptable.
Et
elle l'est. C'est une conscience en paix avec elle-même, c'est une
conscience rebelle. Une telle conscience, qui – par exemple, ne
peut accepter la célébrissime « raison d'État », qui
n'est jamais que la raison du plus fort. Et si elle avait inspiré
« le grand transporteur » comme le nomme la chanson, le
grand « incinérateur » comme l'a démontré son procès,
bref, si Eichmann avait eu une telle conscience, il n'aurait jamais
fait ce qu'il a fait. Tout comme une telle conscience appliquée
s'interdirait de participer jusqu'à l'existence-même de tout régime
ou de tout système, de toute organisation qui irait à l'encontre de
ce qu'elle peut accepter – par exemple, l'exploitation d'êtres
humains par d'autres être humains. Car elle a ceci de commun avec la
pensée, que pour elle, se soumettre ce serait cesser d'exister. La
conscience libre exerce son libre examen sur toute chose et toute
action et agit en conséquence. Dès lors, elle se refuse à
collaborer, elle se refuse à exécuter. Elle fait de la résistance
le ressort fondamental de son existence. Elle applique simplement la
devise : « Ora e sempre : Resistenza ! ». Ce
qui explique la méfiance et l'hostilité qu'elle suscite de la part
des pouvoirs de toutes sortes, de la part des gens que gangrènent le
pouvoir ou la richesse.
Pour
en revenir à la canzone, cette fois-ci, le narrateur – car il y a
toujours un narrateur à ces Histoires d'Allemagne – se prénomme
Jankele, habite Jérusalem et fabrique des vitrages blindés qui
servent à la protection et la sécurité. Il est à Jérusalem, car
fils d'un vitrier de Nuremberg, il avait émigré avec son frère
cadet en Palestine en 1938 et comble d'ironie, grâce à la politique
du « grand transporteur », qui consistait alors à
débarrasser l'Allemagne de sa population juive. Le reste de sa
famille fit par les soins du même transporteur le voyage vers
l'enfer, « Via Theresienstadt, Sobibor, Auschwitz ». Des
années plus tard, l'entreprise de notre narrateur est prospère ;
ses vitrages de sécurité sont fournis à plein de clients... Mais
la chanson élargit son propos, elle rapporte quelques faits de
l'année 1962 et les met en exergue, comme il se doit. On y voit
notamment De Gaulle tenter – au nom de la future Europe –
d'exorciser certain danger, certaine dérive en saluant « das
große deutsche Volk ». Il ne nous reste plus qu'à espérer
que ce thaumaturge ait réussi son coup. Lui-même n'en était pas
trop certain. Du moins l'a-t-il affirmé... le lendemain-même de ce
discours à la jeunesse allemande.
Quoiqu'il
en soit de demain, de cette dérive en cours et de l'affrontement qui
se déroule ici tous les jours en Europe (comme ailleurs dans le
monde) – regarde ce qu'ils font aux Grecs... – tel un épisode de
la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres pour
étendre leur domination, accroître leur pouvoir, pour tirer de plus
magnifiques profits, pour asseoir leurs privilèges, multiplier leurs
richesses (on en est aux milliers de milliards d'Euros...)... il nous
revient de poursuivre sans relâche notre grand œuvre et de tisser
le linceul de ce vieux monde avide, arrogant, ambitieux, absolutiste
et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Votre
protection et votre sécurité
C'est
ma devise et ma fierté
À
Jérusalem depuis vingt ans
Je
conçois et je vends
Le
verre blindé pour protéger les gens
De
la sécurité et pas du vent
La
cage de verre au bijoutier
La
cage de verre au banquier
La
cage de verre au changeur
La
cage de verre au grand berger blanc
La
cage de verre du grand transporteur
Pour
qu'on le juge. Sereinement.
Mil
neuf cent soixante-deux, une année
Pleine
d'événements et de fusées,
Objectif
Lune ! Un ange passe
Le
premier Étazunien dans l'espace
Le
premier concert des Rolling Stones
Le
premier disque des Beattles
La
mort subite de Marilyn la blonde
Seule,
à l'autre bout du monde.
Dans
sa baignoire sans cage de verre.
Happy
birthday et bon anniversaire
Mr
Président... Blocus de Cuba, holà
Le
Petit Poucet ne se rend pas.
Mil
neuf cent trente avec mon père
On
posait des vitres à Nuremberg
Ces
années-là étaient prospères
Depuis
la nuit où ils commencèrent
Heil
Hitler ! à casser du verre.
Jusqu'en
trente-huit, on fit des affaires
On
est parti moi Jankele et Gerson, mon frère
Juste
à temps, avant la guerre
Et
les grands convois pour les fours.
La
famille, mes sœurs, mon père
Ont
pris le train à leur tour
Via
Theresienstadt, Sobibor, Auschwitz pour l'enfer.
Mil
neuf cent soixante-deux
Algérie,
bon voyage et meilleurs vœux
L'Europe
est à construire
De
Gaulle en président
L'œil
braqué sur l'avenir
Flatte
le grand peuple allemand.
"Für
Ihr großes Volk
Jawohl
für das große deutsche Volk »
Dans
sa cage à Jérusalem, au printemps
Le
banal organisateur de la solution finale
Entend
en bon allemand
La
sentence fatale.
Votre
protection et votre sécurité
C'est
ma devise et ma fierté
À
Jérusalem depuis vingt ans
Je
conçois et je vends
Le
verre blindé pour protéger les gens
De
la sécurité et pas du vent
La
cage de verre au bijoutier
La
cage de verre au banquier
La
cage de verre au changeur
La
cage de verre au grand berger blanc
La
cage de verre du grand transporteur
Pour
qu'on le juge. Sereinement.
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