1963
– La Mousse du Vestiaire
Canzone
française – La Mousse du Vestiaire – Marco Valdo M.I. – 2012
Histoires
d'Allemagne 64
An
de Grass : 63
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 –
l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 –
l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Nous
voici en 1963, quelque part en Allemagne... C'est du moins ce qui
ressort du propos de la narratrice. Car cette fois, Lucien l'âne mon
ami, c'est une narratrice qui nous conte cette histoire d'Allemagne.
J'insiste un peu car sa présentation par elle-même au début de la
canzone pourrait laisser croire qu'il s'agit d'un narrateur. Écoute :
« En
ce temps-là, moi j'étais matelot,
Petit
marin d'un grand paquebot... »,
ce
qui semble contredire le titre : « La Mousse du
Vestiaire ».
Au
fait, Marco Valdo M.I., mon ami, voilà un bien étrange titre...
Car, si j'ai bien entendu, il s'agit d'une narratrice... Ce qui
expliquerait le « la »... Mais enfin, le ou la mousse, ce
n'est pas la même chose. En italien par exemple, cela donnerait la
schiuma, ce qui ne pourrait être une personne. Ou il mozzo et là,
on trouve en effet un métier, une fonction généralement occupée
par les garçons. Le mozzo est un jeune marin... Mais que vient-il
faire dans un vestiaire ?
Oh,
Lucien l'âne mon ami, ne t'emballe pas comme ça, tout va
s'éclaircir bientôt, même dans la canzone. Bien que l'égalité
entre les sexes, y compris dans le langage, soit une revendication
des plus honorables, il y a cet inconvénient, en effet, que
lorsqu'on féminise certains noms, cela crée de regrettables
confusions. Je ne pourrais même pas tenter de féminiser le mozzo en
lui collant la terminaison « a », signe de féminité.
Car, vois-tu, Lucien l'âne mon ami, la mozza, c'est un fromage. Mais
néanmoins, le poète a féminisé pour s'adapter aux nouvelles mœurs
de son époque. Donc, la mousse, sans barguigner.
Oui,
mais le vestiaire alors ? Ce n'est un navire, ça...
Explique-moi cette mousse de vestiaire ?
C'est
assez simple. Admettons que la mousse soit une vraie mousse, il faut
en effet que ce vestiaire soit non pas un bateau, ce n'est pas
nécessaire. Mais à tout le moins sur un bateau et c'est le cas
ainsi qu'il apparaît immédiatement dans la chanson : par son
refrain d'abord... Il était un petit navire... et par le premier
couplet : « En ce temps, j'étais matelot... ». Je
sais, je sais à tes yeux pleins de malice que tu aurais voulu que je
mette un féminin à « matelot »... Mais, ce n'est pas
plus possible que pour la « mozza »...
Pourquoi ?,
mon ami Marco Valdo M.I., ne pourrait-on pas mettre un féminin à
matelot ?
Pourquoi ?
Mais enfin, Lucien, souviens-toi, il faudrait dire comme féminin de
matelot, une matelote... Cela ne se peut, sous peine de devoir la
faire bouillir au vin rouge et aux oignons... ou alors, de devoir la
danser... Tu auras compris que la matelote est soit une préparation
culinaire, soit une danse. Que faire ? Remarque que la canzone
prend bien soin de ne pas mettre d'article révélateur... Et ainsi
de suite avec marin... flûtiste... Il y a un vrai problème avec les
noms de métier.
Et
finalement, dit Lucien l'âne se dressant les oreilles à la
verticale tant il est éberlué, il n'y a que le « la »
de la mousse qui nous renseigne sur le genre de la personne... Et
encore... Cela dit, que narre la canzone de cette mousse-flûtiste...
En
fait, la narratrice raconte l'histoire de la fin de la construction
de la Philharmonie de Berlin. Une sorte de grand bateau
architectural... l'architecte était originaire de Brême, grand port
allemand, comme tu le sais. Un architecte naval en quelque sorte. Et
notre narratrice est en effet une jeune flûtiste... mais la musique
à ce stade ne rapporte pas de quoi vivre ; alors, elle tient le
vestiaire et tire des coups de revolver, semblant ainsi annoncer des
faits ultérieurs. Quant aux événements qu'elle rapporte – outre
ce qui concerne la Philharmonie et le Zirkus Karajani (le cirque de
Karajan, lui-même chef de l'orchestre, fort autoritaire et un
tantinet mégalomane, dit-on. Il n'a voulu rien de moins que la
Neuvième de Beethoven pour l'inauguration de son bateau), on parle
de ce qui se passe autour et alentour du fameux navire : il y a
un gars, venu d'Amérique, et qui se met à crier comme dans une
transe (la célèbre transe atlantique...) : Ich bin ein
Berliner ! Je ne te traduirai pas... sous peine de devoir te
parler de « boule de Berlin » et autres pâtisseries.
Je
vois, je vois. Il faut s'y retrouver dans ta canzone. Par exemple,
dis-moi, qu'a-t-il fait à Cuba, le gars venu d'Amérique.
C'est
toujours ainsi avec les poètes, ils préfèrent l'allusion au
discours direct... Faut-dire que ça permet de tout dire en peu de
mots. Donc, le gars qui crie... Tu as sans doute reconnu John
Fitzgerald Kennedy, membre d'une lignée dynastique de riches
irlandais émigrés à Boston aux Zétazunis. Quand il crie, il est
président des Zétazunis en titre. C'est lui qui a décrété le
blocus de Cuba... Le noir qui rêve est un pasteur nommé Martin
Luther King... Avec un nom pareil rien d'étonnant, foi de Valdo.
« L'autre Alabama » est dans son discours de rêveur, il
dit à peu près ceci : « J'ai rêvé qu'un jour en
Alabama... les petits garçons noirs et les petites filles noires
pourront donner la main aux petits garçons blancs et aux petites
filles blanches, comme des frères et des sœurs. » Comme dit
la canzone :
« Ah,
les discours, c'est jamais gagné
Cause
toujours. Tous deux périrent assassinés. »
En
ce qui concerne le pasteur-rêveur, il commençait à passer les
bornes en lançant le grand combat des pauvres – de toutes les
couleurs contre la domination des riches – de toutes les couleurs.
Et ça, c'était vraiment dangereux.... On ne lui a pas pardonné.
D'ailleurs, encore aujourd'hui, on oublie, on cache soigneusement cet
aspect de son combat.
Et
pour finir tes explications, qu'est-ce que c'est que ce miracle ?
Encore le pasteur ?, dit Lucien l'âne en souriant de son
étrange bouche.
Comme
tu le vois dans la canzone, ce soi-disant miracle n'en est pas un. La
mine a tué vingt-neuf personnes, vingt-neuf ouvriers, vingt-neuf
mineurs... Mais la presse sans doute gênée aux entournures face à
ce crime patronal, les a tout simplement oubliés, elle les a
étouffés une seconde fois, ces vingt-neuf-là. Ils étaient 129 au
fond, il n'en est remonté que 100. Moi, je compte les 29 qui sont
restés sous le carreau.
Oui,
dit Lucien l'âne, oui, c'est souvent comme ça dans ce monde où, en
définitive, seule compte la richesse et la puissance ; dans ce
monde ravagé par la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux
pauvres pour accroître encore et toujours leurs richesses, étendre
leur domination, renforcer leurs privilèges, et tirer du pauvre –
mort ou vif – toujours plus de profit. Il nous faut faire ce que
nous pouvons faire pour mettre un terme à cette guerre injuste et
folle et tisser sans relâche le linceul de ce vieux monde menteur,
dissimulateur, tricheur, sans scrupules, assassin et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Il
était un petit navire,
Il
était petit navire
Qui
n'avait ja, ja, jamais navigué
Qui
n'avait ja, ja, jamais navigué
En
ce temps-là, moi j'étais matelot,
Petit
marin d'un grand paquebot
Vaisseau,
voilier, vapeur à musique
Le
grand croiseur de la Philharmonie
Il
était un petit navire,
Il
était petit navire
Qui
n'avait ja, ja, jamais navigué
Qui
n'avait ja, ja, jamais navigué
À
la place de l'ancienne patinoire
Et
du Circus Sarasani
On
mit le « Zirkus Karajani »,
Un
gigantesque navire de terre
Il
était un petit navire,
Il
était petit navire
Qui
n'avait ja, ja, jamais navigué
Qui
n'avait ja, ja, jamais navigué
Flûtiste
intérimaire
J'étais
la mousse du vestiaire
Du
vaisseau, du voilier, du vapeur à musique
Du
grand croiseur de la Philharmonie
Il
était un petit navire,
Il
était petit navire
Qui
n'avait ja, ja, jamais navigué
Qui
n'avait ja, ja, jamais navigué
Dans
la grande salle du Berliner
J'ai
tiré cinq coups de revolver
Un
gars criait en plein air
Ich
bin ein Berliner
Il
était un petit navire,
Il
était petit navire
Qui
n'avait ja, ja, jamais navigué
Qui
n'avait ja, ja, jamais navigué
Le
gars était venu d'Amérique en étouffant Cuba
Au
loin là-bas, un noir faisait le rêve d'un autre Alabama
Ah,
les discours, c'est jamais gagné
Cause
toujours. Tous deux périrent assassinés.
Il
était un petit navire,
Il
était petit navire
Qui
n'avait ja, ja, jamais navigué
Qui
n'avait ja, ja, jamais navigué
Ce
fut une année de légende,
Wunder
von Lengede, miracle à Lengede.
Au
milieu de novembre
Au
fond de la mine, il restait 29 cadavres
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