1931
– Nous voilà !
Canzone
française – Nous voilà ! – 1931 – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires
d'Allemagne 32
An
de Grass : 31
Au
travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle »
(Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition
française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses
traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
En
vérité, je te le dis, il s'agit de comprendre, de comprendre, mon
cher Lucien l'âne mon ami, comment tout cela est advenu et
corollairement, comment tout cela pourrait advenir. Rappelle-toi ce
que je t'ai déjà dit, notre poésie est un instrument extrêmement
fin et rigoureux pour aller chercher au cœur-même des choses, des
temps et des événements, la compréhension du monde. Évidemment,
notre méthode est assez arbitraire... Elle commence quelque part et
elle éclaire un point assez réduit de l'ensemble des événements
du monde à ce moment, mais elle multiplie les points de vue et tous
ces points de vue mélangés forment une image de ce monde : c'est la
technique du kaléidoscope. Cependant, elle fonctionne un peu comme
les sismographes si par exemple, l'on se réfère à la géologie...
Ce serait l'instrument d'une sorte de géologie des histoires
humaines... Elle retrouverait la trace des courants qu'on dirait,
pour rester dans la métaphore, telluriques ou telluriens, à ton
goût. Autant dire, souterrains. Éléments qu'on ne distingue pas
quand on veut tout embrasser d'un seul regard – qui trop embrasse,
mal étreint, dit le proverbe de ma grand-mère. Mais peut-être,
serait-il bon de préciser la chose encore un peu. Disons les signes
d'un tellurisme historique. Je vois bien ton regard consterné devant
tant de dérive scientifico-poétique, mais...
Et
tu peux bien, car là, mon ami Marco Valdo M.I., j'aimerais vraiment
que tu éclaires ma lanterne... et que tu me dises, notamment, ce que
cette étrange introduction peut bien avoir à faire avec la chanson
« Nous voilà ! » et puis aussi, ce que veut dire ce titre
énigmatique.
Pour
le titre, d'abord. Il n'est énigmatique que parce que ta mémoire
est un peu endormie. Souviens-toi d'un chant qui fut, en quelque
sorte l'hymne de l'État Français, cette machine de pouvoir qui
s'était vendue à l'Allemagne hitlérienne. Bref, pour faire court,
je te renvoie à « Maréchal, nous voilà ! », que durent se farcir
tous les enfants de France pendant les années brunes (on en trouve
facilement le texte, mais il est vraiment très con), digne de
Déroulède et son Clairon
[[http://www.antiwarsongs.org/canzone.php?id=9143&lang=it]] et
des plus stupides discours fascistes – voir par exemple, celui du
Sieur Mussolini annonçant l'entrée en guerre de l'Italie, le 10
juin 1940 contre la France déjà vaincue par son allié allemand. Ne
criait-il pas dans un accès de mégalomanie dont il était coutumier
: « Combattants de terre, de mer et de l'air ! Chemises noires de la
révolution et des légions ! Hommes et femmes d'Italie, de l'Empire
et du Royaume d'Albanie !... ». Énaurme ! Voilà, pour le « Nous
voilà ! ».
D'accord,
je vois bien tout cela. Mais explique-moi quand même ce tellurisme
historique...
D'abord,
Lucien l'âne mon ami, tu sais bien qu'il ne faut jamais prendre mes
réflexions au pied de la lettre et que parfois, souvent même, elles
dérivent gentiment et écornent ainsi certaines prétentions
épistémologiques. Pour dire les choses simplement, ce tellurisme
est une façon de dire qu'à écouter les petites histoires ici
racontées en chansons, il est possible de mieux voir certaines
caractéristiques de l'évolution de l'Allemagne et peut-être ainsi
pouvoir anticiper sur certaines évolutions similaires actuelles de
l'Europe, dans laquelle je te le rappelle, nous vivons. En
l'occurrence, ici, dans cette chanson, on apprend à se méfier des
gens en chemises de couleur uniforme – peu importe la couleur et de
la galvanisation des foules par l'un ou l'autre escroc, par un de ces
illusionnistes, par un de ces prometteurs de beaux jours, un de ces
amateurs de gloire et de pouvoir.
En
somme, c'est un texte prophylactique...
En
effet. Et dernière précision, qui montre que notre kaléidoscope
grassien fonctionne à partir de matières solides, l'événement que
raconte la chanson, ces cent mille S.A.(Sturm Abteilung – Section
d'Assaut) qui se rassemblent à Braunschweig (Brunswick), a
réellement eut lieu le 18 octobre 1931 et il ne fut pas pour rien
dans l'ascension de Hitler vers le Reich millénaire, son incarnation
en Fürher pangermanique.
Et
comme souvent j'aime à le remarquer, il rapporte un épisode de la
Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres pour asseoir
plus encore leur pouvoir, pour assurer leurs richesses, pour étendre
leurs prérogatives, pour intensifier leur exploitation. Ainsi,
crois-moi Marco Valdo M.I. mon ami, c'est un devoir d'humanité de
tisser le linceul de ce vieux monde adulateur, rempli de gloriole et
d'ennui, rébarbatif et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
1931,
à Braunschweig, Hitler rassemble ses SA
La
nation, la lie de la nation allemande unie
Crie,
brisant le silence brun, Führer, nous voilà !
La
nation, la lie de la nation allemande unie
De
Poméranie, de Franconie, de Bavière, de Rhénanie
Des
côtes, des plaines, des montagnes,
Enfin,
venue de toute l'Allemagne.
Allemagne,
Führer, nous voilà !
Tous
ensemble, tous ensemble, Ja ! Ja !
Avec
nos chemises soldées de douaniers austro-hongrois
Tous
en tenue d'honneur brune
Dans
l'ordre et la discipline, d'un même pas d'oie
Culottes
de cheval et chemises brunes
Cent
mille des Sections d'Assaut, cent mille S.A.
Saluent
de leurs cent mille bras droits
Le
Führer au priapique bras droit
Allemagne,
Führer, nous voilà !
Tous
ensemble, tous ensemble, Ja ! Ja !
Cent
mille, on avance au rythme cadencé
Devant
Lui et Lui qui nous regarde défiler
A
pour chacun un regard appuyé
Moi,
je l'ai croisé son regard, un instant
Ses
yeux me pénétraient et m'emplissaient
De
plaisir. Notre armée brune rugissait
Sous
son œil noir conquérant.
Allemagne,
Führer, nous voilà !
Tous
ensemble, tous ensemble, Ja ! Ja !
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