1934
- Erich Mühsam, poète,
anarchiste et assassiné
Canzone
française – Erich Mühsam, poète, anarchiste et assassiné –
1934 – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires
d'Allemagne 35
An
de Grass : 34
Au
travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle »
(Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition
française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses
traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Erich
Mühsam naît à Berlin le 6 avril 1878 et passe toute son enfance à
Lübeck.
En
octobre 1926, il fonde la revue Fanal qui, jusqu’en juillet 1931,
mènera le combat contre la montée du nazisme – variante allemande
du fascisme. Il publie aussi de nombreux ouvrages, dont une réflexion
sur le système des conseils : Die Befreiung der Gesellschaft
vom Staat (La société libérée de l’Etat), et de multiples
études sur la culture allemande.
Parallèlement,
il mènera campagne pour Sacco et Vanzetti, et apportera son soutien
à Durruti et aux autres anarchistes espagnols en exil.
Adversaire
précoce et attentif du nazisme, il tente de créer un large front
antifasciste ; ce qui lui valut d’être désigné par les
nazis comme l’ennemi prioritaire.
Un
jour, le Beobachter, organe des nazis publie en première page les
photos de Rosa Luxembourg, de Karl Liebknecht et d'Erich Mühsam,
avec sous celle de ce dernier, cette légende : « Le seul
traître de l’équipe qui n’ait pas encore été exécuté ».
Le
20 février 1933, il dirige le premier meeting des artistes
antifascistes de Berlin, avec son ami Carl Von Ossietzky.
Lors
de la nuit de l’incendie du Reichstag (27-28 février 1933), poussé
par des amis à s’enfuir, il remonte chez lui prendre ses papiers .
C’est là que la police l’arrête.
Déporté
au camp d’Oranienburg, Mühsam résiste aux provocations, qui
cherchent à le pousser à bout afin de l’abattre. À la
provocation, il répond par la provocation. Jusqu'au bout, il va se
battre. Quand les SS lui demandent de chanter « Deutschland
über alles », il leur sert l’Internationale. Finalement,
dans la foulée de la Nuit des longs couteaux — qui ne touche pas
que les SA —, les nazis l'assassinent, puis le pendent dans la nuit
du 9 au 10 juillet 1934.
C'est
en en prenant position suite à la Nuit des Longs Couteaux que Léon
Blum, qui fut déporté, neuf ans plus tard, à Buchenwald et avait
été Premier ministre socialiste du Front Populaire écrivit :
« Jamais le racisme hitlérien ne m'est apparu plus nettement comme l'ennemi de toute civilisation, de toute moralité, de toute paix humaine. Jamais je ne me suis senti plus profondément pénétré de la certitude que l'extirpation du racisme, du fascisme, de tout ce qui y ressemble ou y tend, est comme un devoir préalable de rédemption par lequel l'humanité doit se rendre digne d'elle-même » Léon Blum, Le Populaire, 3 juillet 1934.
On
ne saurait mieux dire... l'extirpation du fascisme d'hier, celle du
fascisme d'aujourd'hui ou « tout ce qui y ressemble ou y tend »
nécessite que l'humanité se « rende digne d'elle-même »
– en liquidant d'un revers de la main, les piètres mensonges des
suborneurs de jeunes femmes et de peuples, les faux-fuyants des
matamores de la politique, les sourires télévisuels des séducteurs
séniles et Don Juan cacochymes et cette fois, Lucien
l'âne mon ami, voici encore une histoire incroyable, un moment de
barbarie (en fait, comme tu le verras une série de moments de
barbarie en chaîne) dont le point d'orgue est l'assassinat, je
dirais même plus nettement l'abattage, tu
sais cette tuerie à froid qu'on fait subir aux animaux dits de
boucherie, du poète anarchiste
Erich Mühsam. Il est vrai que Goebbels, la voix de son maître,
l'appelait « un porc juif rouge ». J'ai déjà vu des
saloperies, mais laisse-moi te dire qu'il s'agit là d'un épisode
particulièrement crapuleux que l'exécution de cet homme qui n'avait
cessé sa vie durant d'agir et de parler pour la liberté. Comme tu
le sais, la liberté d'être est des plus chères au cœur des
libertaires et c'est en raison-même de cet attachement à la liberté
de l'être (humain, mais pas seulement) que les stupidissimes
fascistes allemands ont liquidé Erich Mühsam, poète
révolutionnaire et trop résistant. Un homme – un vrai – dont la
devise aurait pu être : « Ora e sempre : resistenza
! ».
Je
n'en finirai donc jamais de découvrir d'autres versants de la
méchanceté et de la bêtise des humains. Ah, Marco Valdo M.I.,
pourquoi donc existent de telles crapules ? Pourquoi donc
l'humanité est-elle assez malade pour laisser se développer de
pareilles infections en son sein ? Einstein, tu sais bien ce
physicien juif, avait raison quand il disait : « Il y a
deux choses en expansion : l'univers et la connerie. Enfin, pour
l'univers, je n'en suis pas trop sûr ». Ou quelque chose comme
çà ! Mais parle-moi un peu de la canzone...
En
fait, vois-tu Lucien l'âne mon ami, la chanson se présente sous la
forme d'une sorte de soliloque d'un personnage, lui-même directement
impliqué dans l'assassinat d'Erich Mühsam... Une sorte de
confession ou de nécessaire justification... Il s'agit très
exactement d'Ehardt Werner, lequel agissait sur ordre de son chef
direct le dénommé Theodor
Eicke,
un nazi de première classe. Selon les dires d'Ehardt, il semblerait
bien que ce pur assassinat – prélude à d'autres assassinats de
personnes juives et comme tu le sais en très grand nombre, en nombre
incommensurable... Un massacre systématique, industriel, planifié,
volontaire, sadique, carrément démentiel et démoniaque de millions
d'enfants, de femmes, d'hommes. Comme tu le verras dans le cours de
la canzone, ce ne fut pas seulement un assassinat pour se débarrasser
d'un adversaire – ce qui en soi est déjà détestable et relève
de la folie, ce fut également et surtout, une mise à mort sadique
qui visait à faire souffrir pour faire souffrir... Comme ce fut le
cas sous l'Inquisition. Crois-moi, ces tortionnaires sont de toute
évidence des malades mentaux, des cerveaux réduits à la
maniaquerie barbare.
Décidément,
cette Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres pour
étendre leurs richesses, pour accroître leur exploitation, pour
développer leur domination, pour complaire à leurs caprices les
plus fous, prend les chemins les plus tortueux, les pratiques les
plus tordues, les parcours les plus délirants... Je ne m'y ferai
jamais. Et je t'en prie, Marco Valdo M.I., tisse, tisse avec moi le
linceul de ce vieux monde sadique, crapuleux et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
D'accord,
Mühsam était juif, poète et anarchiste
Rien
que çà, pour nous, le condamnait par avance
D'accord,
il était écrivain, artiste et journaliste
Entre
nos mains, il n'avait aucune chance.
Tout
est arrivé car ils nous ont envoyés
De
Dachau à Orianenbourg
Un
transfert de Bavière au Brandebourg
En
somme, ils avaient paniqué
Comme
à la pension Hanselbauer au bord du lac, liquidation
Comme
à la Maison brune, liquidation
Comme
à la prison de Stadelheim, liquidation
Comme
toute cette histoire de Colibri, liquidation
Un
camp n'est pas l'autre et tout était nouveau
Pour
nous aider, ils nous avaient laissé des SA
Des
rescapés de la Nuit des longs couteaux
Le
désastre est venu d'un de ceux-là.
Un
dénommé Stahlkopf, tête d'acier
Un
physique de l'emploi, un nom prémonitoire,
Pour
tuer Mühsam, il a tellement cafouillé
Qu'on
a dû fermer le camp, un an plus tard.
D'accord,
Mühsam était juif, poète et anarchiste
Rien
que çà, pour nous, le condamnait par avance
D'accord,
il était écrivain, artiste et journaliste
Entre
nos mains, il n'avait aucune chance.
On
ne pouvait plus le torturer, on l'avait déjà fait
Il
n'avait plus de dents, même quand il souriait
Les
verres de ses lunettes étaient fendus
De
ses oreilles infectées, il n'entendait plus
Erich
Mühsam était déjà ravagé
Par
des mois d'interrogatoires sévères
Souriant,
il répondait par des vers
Ceux
de Schiller ou ceux qu'il avait composés.
Stahlkopf
l'a suicidé la tête dans la cuvette
On
a dû maquiller le meurtre en autopendaison
Mauvais
travail, une vraie trahison
Je
n'aurais pas dû confier çà à cette lopette.
Ce
Mühsam, tout abîmé, sans en avoir l'air
C'était
quelqu'un pour l'Europe entière
Toutes
ces protestations de l'étranger ont déplu en haut
Alors,
on a fermé le camp et on m'a renvoyé à Dachau.
D'accord,
Mühsam était juif, poète et anarchiste
Rien
que çà, pour nous, le condamnait par avance
D'accord,
il était écrivain, artiste et journaliste
Entre
nos mains, il n'avait aucune chance.
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