1949
– Inge, in natura et figura
Canzone française – Inge, in natura et figura – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires d'Allemagne 50
An
de Grass : 49
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 –
l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 –
l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Inge, in natura et figura
Échauffait notre bande de jeunes gars
|
Mil
neuf cent quarante-neuf, c'est l'année de la Foire du livre de
Leipzig... Du moins pour notre Histoire d'Allemagne. Faut dire quand
même que cette Foire du Livre a une histoire considérable, car
c'est à Leipzig qu'on imprima le premier livre, c'est à Leipzig
qu'on imprima le premier journal, à Leipzig que l'industrialisation
du livre se développa en premier et toujours à Leipzig que fut
créée la Bibliothèque nationale allemande... Faut dire aussi que
le nom-même de la ville est dérivé du sorabe, langue parlée
(encore à présent) en Lusace. Je te parle du sorabe, car tu verras
dans la chanson du jour qu'il y est question de complexités
linguistiques... Les villes – comme les gens – changent de nom au
fil du temps et des dominations. Les langues résistent tant qu'elles
ont des locuteurs. Par ailleurs, et ceci implique cela, on va même
jusqu'à chasser des populations entières, afin sans doute de
« purifier » tel ou tel territoire. Mais ceci n'est pas
propre à l'Allemagne... La chose se passe ici, où nous sommes,
maintenant ( à savoir en Belgique)... Donc, fin de la parenthèse,
notre Histoire d'Allemagne se passe à l'intérieur-même de la Foire
du Livre de Leipzig où notre interlocuteur retrouve une vieille
connaissance, un souvenir vivant de sa jeunesse... La belle Inge, une
dame plein d'allant, énergique et très en prise sur l'évolution du
pays. Toujours à la pointe, toujours dans le vent... Cheftaine dans
les Jeunesses Hitlériennes, toujours bien placée dans l'État des
Ouvriers et des Paysans, c'est-à-dire la République Démocratique
Allemande. Elle fut très proche – en vérité, sur un tas de vieux
vêtements – de notre narrateur... Vingt ans auparavant.
Oh
la la, dit Lucien l'âne en riant, vingt ans après... On va assister
à des retrouvailles amoureuses, des souvenirs croisés...
Sans
doute, c'est un peu ça, mais ils ne feront pas revivre ça, mais
bien, une séquence héroïque d'un autre de leurs contemporains, un
de ceux qui vivaient là-bas du côté de Dantzig au temps de leur
jeunesse à tous, au temps des Jeunesses Hitlériennes, auxquelles
les jeunes ne pouvaient échapper. Ce personnage n'est en rien le
narrateur et le narrateur le narre ailleurs dans une histoire de chat
et de souris. C'est ainsi que Tulla Pokriefke et Joachim Mahlke
traversent notre petite histoire et s'en retournent aussitôt vers
leur jeu favori. Ici, ensemble, ils pratiqueront le geste auguste du
semeur, duquel, souviens-toi Hugo, oui, le Victor, disait : «
...
Va, vient, lance la graine au loin,
Rouvre sa main, et recommence,
Et je médite, obscur témoin,
Pendant que, déployant ses voiles,
L'ombre, où se mêle une rumeur,
Semble élargir jusqu'aux étoiles
Le geste auguste du semeur. », ... mais à la manière d'Onan.
Va, vient, lance la graine au loin,
Rouvre sa main, et recommence,
Et je médite, obscur témoin,
Pendant que, déployant ses voiles,
L'ombre, où se mêle une rumeur,
Semble élargir jusqu'aux étoiles
Le geste auguste du semeur. », ... mais à la manière d'Onan.
Ça
démarre fort, dit Lucien l'âne encore plus hilare.
Plus
encore que tu ne le penses, dit Marco Valdo M.I.. Car notre narrateur
lui est bien à Leipzig avec elle, mais il vient tout droit d'un
nouveau pays, d'une autre Allemagne, d'un état jumeau, appelé
République Fédérale d'Allemagne... Qui mangera l'autre, qui
écrasera l'autre ? Je parle de ces jeunes États à peine
sortis des limbes. En remontant de l'enfer.
Nous
connaissons la réponse à cette interrogation rhétorique, dit
Lucien l'âne en relevant le front. On sait tous quelle est la
situation actuelle...
Mais,
dit Marco Valdo M.I., de ces jumeaux et de leur destin gémellaire,
on aura l'occasion de reparler... Ici, ils viennent à peine de
naître. Il y a cependant là – en germes – dans cette communauté
de langue, certain rapprochement futur. Côté aspirations,
cependant, ce n'est résolu qu'en surface, très superficiellement,
que pour les couches élevées de la population... Pourtant, un jour,
il faudra bien en revenir à l'« idéal », même si pour
l'instant, tous ces gens sont roulés dans le capital.
J'entends
bien, dit Lucien l'âne en agitant ses oreilles. D'ailleurs, Inge est
bien prémonitoire : « La réforme sera radicale ou ne
sera pas »... De fait, il faut changer ce monde, il faut mettre
fin à ce vieux monde. Il faut lui rendre un peu d'avenir, un peu
d'idéal. On ne peut quand même pas condamner l'espèce toute
entière à vivre dans l'ennui et le désespoir. Pour ce faire, Marco
Valdo M.I., mon ami, de notre commune obstination, tissons le linceul
de ce vieux monde déchiré, éteint, mercantile et cacochyme.
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Sur
les plages du côté de Stettin,
En
cachoube Sztetëno, à présent Szczecin
Inge,
in natura et figura
Échauffait
notre bande de jeunes gars
Adolf
montait vers son zénith
Inge
régnait sur nos émois
Avant
elle, on avait connu Tulla
Petite
chose fragile aux doigts de fée presbyte
Pour
elle, Madone et tournevis au cou
Serré
dans ses deux mains, coup sur coup
Du
haut du bastingage du Rybitwa,
Joachim
Mahlke tira deux fois
Inge,
la toute belle
Fée
de notre jeunesse hitlérienne.
Vingt
ans après, c'est toujours elle
Un
peu ridée, moins walkyrienne
Inge,
in natura et figura, et ses jeunes filles
En
jupe sombre et chemisier blanc
Jusqu'au
dernier jour du combat allemand
Ont
secouru les réfugiés de Poméranie
Quand
il a fallu fuir tout ça
Les
uns sont partis par ici
Les
autres ont navigué par là
On
a donc eu deux pays
Dans
l'un régnait le parti
L'avenir
tendait vers l'idéal
L'autre
se nourrissait de capital.
On
y rêvait des États-Unis.
Inge,
la toute belle
Fée
de notre jeunesse hitlérienne.
Vingt
ans après, c'est toujours elle
Un
peu ridée, moins walkyrienne
Dans
les actualités du temps présent
Mahlke
n'apparaît pas sur l'écran
Ce
sont toujours d'autres qui fument son tabac
Le
clown est parti pour l'au-delà
À
la Foire du Livre de Leipzig
Deux
sortes d'Allemands
À
de subtiles colloques linguistiques
Dans
un rapprochement interallemand
Refondent
l'orthographe de demain
Épaulés
de Suisses et d'Autrichiens.
Notre Inge, très professionnelle, in natura et figura,
Notre Inge, très professionnelle, in natura et figura,
Énonce
: la réforme sera radicale ou ne sera pas.
Inge,
la toute belle
Fée
de notre jeunesse hitlérienne.
Vingt
ans après, c'est toujours elle
Un
peu ridée, moins walkyrienne
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