1950
– Kölle Alaaf : Qui va payer ça ?
Canzone française – Kölle Alaaf : Qui va payer ça ? – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires d'Allemagne 51
An
de Grass : 50
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 –
l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 –
l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Kölle Alaaf, qui va payer ça, qui a les moyens ? |
Mil
neuf cent cinquante, l'histoire d'Allemagne de cette fois-ci se passe
dans cette même ville de Cologne où Anneliese et son homme étaient
rentrés sous la pluie, sous la pluie, deux années auparavant.
Souviens-toi, Lucien l'âne mon ami, ce que disait le narrateur :
«
Anneliese, ma femme et moi, on est allé chez le coiffeur
Teinture
et permanente pour elle, coupe rasibus pour moi,
Demain,
on prend le train de bonne heure
Direction
Cologne. On est mieux chez soi.
On
est rentré sous la pluie, sous la pluie, sous la pluie
Les
vacances étaient finies. »
Oui,
oui, je me souviens bien, dit Lucien l'âne en pointant ses oreilles
de basalte pour appuyer son propos... C'était au temps de la grande
substitution monétaire, du gigantesque tour de passe-passe
financier... Le moment où pour assurer la richesse des riches, on a
ruiné les pauvres gens. Auxquels après les grands cataclysmes,
après les années de dictature de l'absurde, après l'effroyable
destruction de tout leur environnement, après l'exil forcé, après
mille événements fâcheux, on imposa la misère libre, comme ils
ont fait plusieurs fois à l'Argentine et comme ils le font
actuellement en Grèce.
En
effet, c'était le temps de l'instauration de la nouvelle économie
et à propos de la « nouvelle économie », dit Marco Valdo M.I., le
narrateur disait :
«
Anneliese, ma femme et moi, on a vu la nouvelle économie
Chaussures,
jambons, costumes, les vitrines étaient remplies
Anneliese,
ma femme et moi, comme tous les petits retraités
On
pouvait regarder les vitrines, mais pas acheter, pas acheter.
L'été
était pourri...
La
guerre était froide et notre soupe aussi ».
On
va en reparler de cette version froide de la Guerre de Cent Mille Ans
que les riches font aux pauvres pour les mieux exploiter, pour les
ruiner au profit de l'accroissement continu de leurs richesses, de
leurs privilèges et du maintien de leur domination. Les riches
entendent bien rester toujours riches et de ce fait, maintenir les
pauvres en pauvreté. Car, rappelle-toi, on ne peut être riche que
s'il existe des pauvres et plus il y a de pauvres et plus ils sont
pauvres, plus on est riche. Et tout le reste est littérature...
Mais
en ce qui concerne ce destin que la terreur des riches impose aux
pauvres, et pour ce qui est de courber l'échine, nous les ânes, on
en connaît un bout, pour ce qui est des coups aussi et de la terreur
que font régner les maîtres – ces imposteurs. Par la terreur, par
les armes au besoin, les riches et leurs gouvernements veulent en
arriver à ce qu'il ne reste plus aux pauvres qu'à courber l'échine
et à fredonner, de Verlaine :
«
Et je m'en vais
Au
vent mauvais
Qui
m'emporte
Deçà,
delà,
Pareil
à la
Feuille
morte. »
Et
donc, pour en revenir à la chanson du jour, à Cologne, il y avait
un boulanger, un boulanger musical, en quelque sorte. Un boulanger
qui aimait la musique légère et la chanson lourde. Il s'appelait
Karl Berbuer [[http://de.wikipedia.org/wiki/Karl_Berbuer ]]. Dès les
années 1930, il avait composé des chansons, dont la célébrissime
Heidewitzka Herr Kapitän
[[http://www.youtube.com/watch?v=kMAHqLIdTqg]] (très peu appréciée
des nazis) et son succès rejaillit jusque dans le carnaval avec sa
Petite Biche en 1939... Juste avant le grand chambardement et le trou
noir. Il reparut après l'orage avec une chanson sur les Trizonésiens
[[http://www.youtube.com/watch?v=1zPRApKlHJw]], qui comme tu le sais,
sont les populations de la Trizonésie, alias la récente République
Fédérale Allemande (à cette époque partagée en trois zones
d'occupation), dont Köln et son Karneval font partie. Nous sommes en
1950 et c'est le premier Karneval retrouvé. Une grosse fête après
dix ans de malheur. On y croise « L'Indien et la Chèvre, Konrad et
Walter, bras dessus, bras dessous qui boivent de la Kölsch » : deux
masques interallemands : Konrad Adenauer, ancien maire de Köln,
chancelier de la République Fédérale et Walter Ulbricht, véritable
chef de la République Démocratique. Quant à la Kölsch, il s'agit
bien évidemment de la bière de Cologne... Mais « Qui va payer ça
? », demande le
narrateur-boulanger.[https://www.youtube.com/watch?v=uQQm7bKJskM]
En
effet, dit Lucien l'âne, qui va payer ça ? Telle est la question...
Et pas seulement le Karneval, bien entendu. Mais bien les années
d'épouvante, les misères à l'échelle du continent, les camps, les
horreurs en tous genres... Qui, qui ? Et dire qu'ils recommencent à
terroriser les gens... C'est évident qu'il faut mettre fin à ce
vieux monde perclus par son aridité morale. Quant à nous, tissons
son linceul à ce vieux monde aride, avare, arriviste, ambitieux,
arrogant, avide et cacochyme.
Heureusement
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Kölle
Alaaf
Gens
de Cologne, longtemps avant la guerre
J'étais
votre boulanger, ma femme, votre boulangère
Kölle
Alaaf
Vous
m'appeliez Gilles Levure
En
ce temps-là, déjà, la vie était dure.
Kölle
Alaaf
Je
cuisais votre pain, c'est sûr,
D'où
mon nom Gilles Levure
Après
Willy Ostermann et son accordéon,
Je
suis venu avec mes chansons
Je
vous ai fait balancer
Et
dodeliner de la tête
Les
soirs de fête
Quand
vous dansiez
Heidewitzka, Herr Kapitän
Dans
la barque de Mülheim
Kölle
Alaaf, Cologne
avant tous
Au
Karneval, on criait tous
Kölle
Alaaf
Gens
de Cologne, longtemps avant la guerre
J'étais
votre boulanger, ma femme, votre boulangère
Kölle
Alaaf
Vous
m'appeliez Gilles Levure
En
ce temps-là, déjà, la vie était dure.
Kölle
Alaaf
Pour
nous les Trizonésiens.
Kölle
Alaaf, qui va payer ça, qui a les moyens ?
Pendant
dix ans, le trou noir
Plus
rien, les hommes au front
Camps
de concentration, d'extermination
Bombardements
et désespoir
Puis,
nous tous, les Trizonésiens
Dans
notre Cologne à ras de terre
On
revit le Prince, le Paysan et la Rosière
Kölle
Alaaf, qui va payer ça, qui a les moyens ?
Le
Prince Carnaval est grossiste en pommes de terre
La
Rosière trafique dans l'or, le Paysan dans la pierre.
Kölle
Alaaf
Gens
de Cologne, longtemps avant la guerre
J'étais
votre boulanger, ma femme, votre boulangère
Kölle
Alaaf
Vous
m'appeliez Gilles Levure
En
ce temps-là, déjà, la vie était dure.
Kölle
Alaaf
Mil
neuf cent cinquante : Prince Karneval est revenu
Un
million de personnes à commencer par les Ubiens
Suivi
d'antiques Romains et de Germains anciens
Les
majorettes jambes en l'air montraient leur tutu
Cinquante
chars lançaient des tonnes de caramels
Un
canon d'eau de Cologne pour les demoiselles
Le
Prince Carnaval, le Paysan et la Rosière
L'Indien
et la Chèvre, Konrad et Walter,
Bras
dessus, bras dessous boivent de la Kölsch
Kölle
Alaaf, qui va payer ça, qui a les moyens ?
Ich
bin ein Kölsch .
Et
je le dis : Pas nous, les Trizonésiens !
Kölle
Alaaf
Gens
de Cologne, longtemps avant la guerre
J'étais
votre boulanger, ma femme, votre boulangère
Kölle
Alaaf
Vous
m'appeliez Gilles Levure
En
ce temps-là, déjà, la vie était dure.
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