1939
- Les Témoins de la Victoire
Canzone
française – Les Témoins de la Victoire – Marco Valdo M.I. –
2011
Histoires
d'Allemagne 40
An
de Grass : 39
Au
travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein
Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 –
l'édition
française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses
traducteurs français : Claude Porcell et Bernard
Lortholary.
La Wehrmacht fonçait sur Varsovie. Loin derrière les blindés,
Sur les routes poudreuses de l'été, les godillots suivaient
|
Voici,
Lucien l'âne mon ami, une nouvelle chanson qui raconte les Histoires
d'Allemagne... Elle raconte à sa manière l'année 1939 et le grand
événement de cette année-là... L'attaque de la Pologne par
l'Allemagne nazie.
J'ai
comme l'impression, Marco Valdo M.I. mon ami, que cette fois-ci
encore, on commence une guerre d'envergure et je pense même que
d'une certaine manière, c'est la continuation de la précédente.
C'est
exactement ça. Car, comme tu as pu le voir dans le déroulement des
canzones précédentes... Tout se tient et les événements
s’enchaînent et comme qui dirait, se préparent et tout converge
peu à peu. Il y a là comme un processus inéluctable, une mécanique
d'enfer qui mène tout droit aux années terribles que nous allons
parcourir. Mais l'apparence, si juste soit-elle, est trompeuse.
Cette
sorte
de force du destin, en fait, on ne la remarque qu'a posteriori. On
reconstruit une logique ultérieurement et les choses qui se sont
passées ainsi auraient pu se passer bien différemment.
En
effet, mon ami Marco Valdo M.I., dit Lucien l'âne en prenant un ton
un peu mystérieux, il y a quand même plus de septante ans qui sont
passés depuis et on a ainsi eu le temps de laisser couler
l'histoire avec un grand H. Tu sais, ce temps des historiens... Celui
qui permet de voir avec du recul...
C'est
précisément celui-là qui est à l’œuvre dans le
kaléidoscope de Monsieur Grass. C'est avec lui qu'on a pris le temps
de laisser venir la réflexion. La « reflétion » devrait-on
écrire... De toute façon, le reflet joue à multiplier l'image,
comme dans un miroir, comme dans ce jeu de miroir qu'est précisément
le kaléidoscope et parfois, le regard fixe l'image. Vu d'ici, la
chose est certaine,
l'enchaînement évident ; mais qui aurait pu
prédire au début du siècle, par exemple, ce qui se passerait
quarante ans plus tard. Je dis ça, car on pourrait croire que nous
essayons de prédire l'avenir. Et pourtant, on découvre quand même
de grosses tendances, des tendances lourdes comme une force
centripète
qui tend à agglomérer autour de l'idée d'Allemagne
comme noyau... Depuis le
petit
royaume de Prusse d'avant Bismarck à l'actuelle Europe. On peut
distinguer pareil mouvement au centre du continent... Cependant, il y
a – à peu près à quatre-vingts ans de distance – des
questions à se poser sur l'aveuglement de l'Europe... Comment
a-t-on pu laisser croître et prospérer – ici,
je ne
parle que de l'Allemagne – un pareil trublion... Comment a-t-on
pu laisser s'installer et grandir tant de dictateurs au détriment
des peuples ? Et corollaire, comment laisse-t-on faire
aujourd'hui ? Cela dit, l'année 1939 marque le début du grand
massacre... Pas de la guerre, laquelle n'est que la prolongation, un
épisode de cet affrontement majeur qu'est la Guerre de Cent Mille
Ans. Pour en
revenir à la canzone, toute guerre a ses hérauts...
Il y eut l'Iliade, l'Anabase, La guerre des Gaules... Ici, la guerre
est rapportée en direct, sur le terrain par les correspondants de
guerre, chargés de la raconter de la bonne manière. Il s'agit de
chanter les victoires, de vanter les vainqueurs... Et c'est le cas...
Notre canzone raconte ça, mais tu verras apparaître des trous dans
sa cotte maille, des moments d'humeur acide où déjà on découvre
de bien vilains côtés à cette guerre
débutante
et comme toutes les guerres débutantes, fraîche et joyeuse.
Je
vois, je vois, dit Lucien l'âne en ouvrant immensément ses deux
perles noires...
Donc,
la canzone raconte les correspondants de guerre conduits par le
service d'information des armées, comme dans tous les pays et de
tous les temps. Mais là, il y a la touche très organisée de
l'armée allemande, du moins avant la débandade. Et puis, ce métier
de journaliste à la guerre est quand même assez
dangereux...
Presque aussi dangereux que le métier militaire lui-même et
comme chez le militaire, le danger est plus grand pour l'homme de
terrain que pour l'homme d'état-major. Et pas question de
raconter n'importe quoi ; la Propaganda Abteilung veille sur le
contenu. Pas question de laisser voir la vérité ; par exemple,
celle-ci : que la Pologne résiste bien plus que prévu, que
l'armée allemande attaque avec une supériorité gigantesque – en
hommes et en matériel, que l'on se conduit comme des brutes, comme
des incendiaires et des massacreurs... y compris, des civils. Que
tout ceci ne sorte pas d'ici est la maxime à la mode.
Je
retiendrai quand même cette idée que la guerre militaire n'est
qu'une des facettes de la Guerre-mère, la Guerre de Cent Mille
Ans et que l'objectif est toujours semblable, même si les formes de
la guerre changent : guerre sociale,
guerre économique... mais
toujours guerre. Regarde ce qu'ils font maintenant à
la Grèce
(demain ? À qui le tour?)... Et j'imagine bien que la seule chose
que nous puissions y faire est de tisser inlassablement le linceul de
ce vieux monde tout de guerre vêtu et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Dès
1939, nous, on racontait toutes les victoires
Et
on distillait les grandes conquêtes illusoires
Journalistes
en guerre, ce n'est pas de tout repos.
Mille
d'entre nous y ont laissé leur peau
.
Et
nous, quelques survivants
Rassemblés
en camarades après trente ans
.
Presse,
édition, radio et télé, aucun ne chôme.
Dans
une maison frisonne au toit de chaume
Sur
l'île de Sylt, quelque part dans le vent
.
On
était tous là les anciens correspondants
Dès
1939, nous, on racontait toutes les victoires
Et
on distillait les grandes conquêtes illusoires
Partout
sur tous les fronts, toujours devant
.
Dans
les sous-marins, vingt mille lieues sous les mers.
À
la proue des croiseurs, les combats sur l'océan
Dans
les chars, la blitzkrieg, l'invasion des déserts
Dans
le nez des Heinkels, les grandes batailles de l'air
On
couvrait pour Signal, on couvrait pour Adler
Sur
l'île de Sylt, quelque part dans le vent
On
était tous là les anciens correspondants
Dès
1939, nous, on racontait toutes les victoires
Et
on distillait les grandes conquêtes illusoires
Moi,
je parlais de la Pologne, c'était le commencement
Les
barrières tombaient et les Stukas plongeaient en hurlant
La
Wehrmacht fonçait sur Varsovie. Loin derrière les blindés,
Sur
les routes poudreuses de l'été, les godillots suivaient
Je
regardais la Pologne résister, je racontais les villages incendiés,
Je
disais les civils massacrés, mais la censure veillait.
Sur
l'île de Sylt, quelque part dans le vent
On
était tous là les anciens correspondants.
Dès
1939, nous, on racontait toutes les victoires
Et
on distillait les grandes conquêtes illusoires
Trois
mille cinq cents chars, mille cinq cents avions arrivaient de
partout
Deux
millions et demi d'hommes pour mettre la Pologne à genoux
L'Armia
Warszawa retranchée dans la capitale meurtrie
Malgré
les bombardements, obstinément, tenait, tenait
Malgré
les colonnes de prisonniers polonais
Il
leur fallut vingt-huit jours pour prendre Varsovie
Sur
l'île de Sylt, quelque part dans le vent
On
était tous là les anciens correspondants.
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